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Décisions

Cass. 3e civ., 20 mai 2021, n° 19-26.021

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. ECHAPPÉ

Paris, du 23 oct. 2019

23 octobre 2019

 

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2019), la SCI [Personne physico-morale 1] et Mme [N], représentée par sa tutrice, l'Union départementale des associations familiales (Udaf) [Localité 1] (les bailleresses), sont respectivement nue-propriétaire et usufruitière de locaux à usage de restaurant donnés à bail, selon acte du 11 janvier 2005, à la société Pierre Paul Jacques, aux droits de laquelle se trouve la société Vent et Marée.

2. Le 7 mai 2013, invoquant divers manquements contractuels de la locataire, les bailleresses l'ont assignée en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et, subsidiairement, en résiliation du bail commercial.

3. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dans lequel est exploité le restaurant, invoquant diverses nuisances, est intervenu à l'instance et a formé contre la locataire une demande en indemnisation de son préjudice.

4. Après avoir notifié aux bailleresses, le 28 décembre 2016, une demande en renouvellement du bail commercial demeurée sans réponse, la locataire a soutenu que les bailleresses ne pouvaient obtenir la résiliation du bail compte tenu de son renouvellement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, et le deuxième moyen, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

6. La société Vent et Marée fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail à compter du 23 octobre 2019, de la condamner à payer, à compter de cette date, une indemnité d'occupation mensuelle et de prononcer son expulsion à défaut de libération des lieux occupés, alors :

« 1°/ que si le bailleur ne répond pas dans le délai de trois mois à la suite de la demande de renouvellement du preneur, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement au terme dudit délai ; que le bailleur qui ne s'est pas opposé à la demande de renouvellement du bail a irrévocablement accepté ce renouvellement, ce qui fait obstacle à la poursuite d'une instance en résiliation engagée avant l'exercice de ce droit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le 7 mai 2013, la bailleresse avait saisi le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des articles 1184 et 1741 du code civil et L. 145-41 du code de commerce d'une demande principale d'acquisition de la clause résolutoire à l'encontre de la société Vent et Marée et d'une demande subsidiaire de résiliation du bail ; que, le 28 décembre 2016, la société Vent et Marée a présenté une demande de renouvellement du bail à laquelle la bailleresse n'a pas répondu dans le délai de trois mois, ce qui a entraîné le renouvellement du bail ; qu'il résultait de ces constatations que le renouvellement du bail en cours d'instance faisait obstacle à ce que l'action en résiliation du bail, engagée avant ce renouvellement, se poursuive ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 145-10 du code de commerce, ensemble l'article 1884, devenu 1224 du code civil ;

2°/ subsidiairement, que si le bailleur ne répond pas dans le délai de trois mois à la suite de la demande de renouvellement du preneur, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement au terme dudit délai ; que le bailleur qui ne s'est pas opposé à la demande de renouvellement du bail a irrévocablement accepté le renouvellement dudit bail, ce qui fait obstacle à la poursuite d'une instance en résiliation engagée avant l'exercice de ce droit ; que, dès lors, seuls de nouveaux manquements, postérieurs au renouvellement du bail, peuvent en justifier la résiliation, la poursuite d'un manquement antérieurement connu par le bailleur avant le renouvellement du bail, ne pouvant en revanche plus être invoquée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée sur un manquement antérieur au renouvellement du bail, qui s'est poursuivi après le renouvellement, pour en justifier la résiliation, puisqu'elle a estimé que la société Vent et Marée avait « commis un manquement contractuel grave en s'obstinant à ne pas utiliser le local dont s'agit, conformément à la destination qui avait été convenu entre les parties, mais à usage de bureau » ; qu'en se fondant ainsi sur un manquement connu du bailleur antérieurement au renouvellement du bail, tandis qu'un tel manquement ne pouvait plus être invoqué par le bailleur pour fonder sa demande de résiliation, même si le manquement s'était poursuivi postérieurement au renouvellement, la cour d'appel a violé les articles L. 145-10 du code de commerce, ensemble l'article 1884, devenu 1224 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Le bailleur qui ne s'est pas opposé à une demande en renouvellement du bail en a irrévocablement accepté le principe, de sorte que seuls des manquements postérieurs à ce renouvellement peuvent justifier la résiliation du nouveau bail.

8. La cour d'appel a relevé que, de manière répétée et postérieurement au renouvellement du bail, la société Vent et Marée avait continué à occuper irrégulièrement les couloirs des sous-sols avec des objets lui appartenant, alors qu'à plusieurs reprises il lui en avait été fait défense, que des odeurs dont l'origine ne pouvait être attribuée à un autre commerce, puisqu'il s'agissait d'odeurs de poisson, avaient été constatées dans la cage de l'escalier principal et dans la cour et qu'un huissier de justice avait constaté qu'un des salariés empruntait dans le sens de la descente l'escalier principal, alors que ce dernier ne pouvait servir que comme escalier de secours, ainsi que le précisait le bail.

9. Elle a pu en déduire que ces manquements, dont elle a apprécié la gravité et qui ont été réitérés après le renouvellement du bail, en justifiaient la résiliation.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. La société Vent et Marée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, alors « que les juges du fond doivent motiver leur décision ; qu'en déboutant sans aucun motif la société Vent et Marée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à l'interdiction qui lui avait été faite de se servir de l'ascenseur permettant l'accès de son restaurant à un client handicapé et résultant de l'inaction prolongée du syndicat de copropriétaires et du bailleur pour mettre fin à des infiltrations répétées d'eau en provenance des canalisations d'eaux usées de l'immeuble et d'une fuite de douche du deuxième étage, préjudices invoqués par la société Vent et Marée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Sous le couvert du grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, le moyen critique en réalité une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile.

13. Le moyen est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Vent et Marée aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt et un.