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Décisions

Cass. 3e civ., 20 avril 2022, n° 21-14.182

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. Jacques

Avocat général :

M. Burgaud

Avocats :

SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Gadiou et Chevallier

Paris, du 28 mars 2019

28 mars 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2019), la ville de Paris a confié à la société Bornhauser Molinari, aux droits de laquelle vient la société Eiffage énergie système Ile-de-France (la société Eiffage), assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), le lot « électricité », comprenant le remplacement des projecteurs et leur maintenance, d'un chantier de rénovation et de mise en conformité des installations techniques de la fontaine de la place de Catalogne.

2. Le 14 février 2000, la société Bornhauser Molinari a commandé deux cent soixante-quatre projecteurs à la société Kim lumière international, aux droits de laquelle vient la société Led Puck France.

3. La réception des travaux est intervenue le 17 novembre 2000, avec effet au 5 mai 2000.

4. Des dysfonctionnements des projecteurs étant apparus, la juridiction administrative, après expertise, a condamné la société Eiffage à indemniser la ville de Paris.

5. Cette société et son assureur ont assigné en garantie la société Led Puck France.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, qui est préalable

Enoncé du moyen

6. La société Led Puck France fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de nullité de l'expertise, alors « que le principe du contradictoire doit être respecté par l'expert, et que le respect de ce principe implique la communication par l'expert à toutes les parties des pièces qu'il a reçues, peu important que son rapport ne laisse pas apparaître s'il les a utilisées ou non ; qu'en rejetant la demande de nullité de l'expertise, fondée sur le défaut – reconnu – de communication de certaines pièces reçues d'une partie à d'autres parties, aux motifs radicalement inopérants que l'expert n'aurait tiré aucune conclusion de ces pièces et que l'appelant peut en discuter devant la cour d'appel, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et les droits de la défense. »

Réponse de la Cour

7. Ayant souverainement retenu que l'expert n'avait tiré aucune conclusion des pièces qui n'auraient pas été communiquées, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'absence de grief que l'atteinte alléguée au principe de la contradiction aurait causé à la société Led Puck France, en a déduit, à bon droit, que la demande de nullité du rapport d'expertise devait être rejetée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier et le troisième moyens, réunis

Enoncé des moyens

9. Par son premier moyen, la société Led Puck France fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en garantie, alors :

« 1°/ que constitue une vente et non un louage d'ouvrage la convention par laquelle il est passé commande à un importateur de projecteurs électriques fabriqués en Allemagne, de 265 projecteurs référencés sur le catalogue du fabricant allemand, et dont il était demandé seulement qu'ils soient revêtus d'une « protection complémentaire à base de polyamide » et que « la patte de fixation soit raccourcie au maximum » ; que ces spécifications - dont il n'est pas constaté ni qu'elles auraient empêché une production en série des projecteurs, ni qu'elles auraient entrainé une quelconque modification de l'outil de production du fabricant, ni qu'elles n'existaient pas sur le catalogue dans l'hypothèse où il y aurait plusieurs longueurs de patte de fixation - et qui devaient être remplies pour un très grand nombre d'objets, n'étaient pas de nature à modifier le caractère du contrat ; en le qualifiant de contrat de louage, la cour d'appel a violé les articles 1779, 1787, 1582, 1147 devenu 1213 du code civil, 1792-4 du même code par fausse application ;

2°/ que les seules exigences constatées de « patte de fixation raccourcie au maximum » et « protection complémentaire à base de polyamide (rilsanisation) ne constituent pas la fabrication d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance ; que l'article 1792-4 du code civil n'était pas applicable et qu'il a été violé par la cour d'appel. »

10. Par son troisième moyen, la société Led Puck France fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'article 1792-4, alinéa 2, du code civil que la cour d'appel a déclaré applicable à la société Led Puck France dans ses rapports avec Eiffage Energie Ile-de-France à propos du contrat conclu entre elles – selon lequel est assimilé à un fabricant pour l'application du texte celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement fabriqué à l'étranger ne peut être appliqué lorsque le produit est fabriqué dans un pays de l'Union européenne ; en effet il résulte de ce texte que, selon que l'intermédiaire français achète un élément d'équipement pour le revendre au maître d'oeuvre ou de l'ouvrage à un fabricant français ou à un fabricant installé dans l'Union européenne, la qualification juridique et les responsabilités de cet intermédiaire ne sont pas les mêmes, l'exposant à des régimes juridiques différents ; cette distinction constitue une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives entravant l'accès au marché européen ; en faisant application de l'article 1792-4 à raison de la provenance allemande des projecteurs revendus par Led Puck France, la cour d'appel a violé l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

11. En premier lieu, la cour d'appel a relevé que, si les projecteurs commandés étaient référencés au catalogue de la société de droit allemand Franz Sill GmbH, le bon de commande, qui mentionnait qu'ils devaient être revêtus d'une protection complémentaire par « rilsanisation » et équipés d'une patte de fixation, également traitée selon le même procédé et raccourcie au maximum pour réduire l'encombrement des appareils de façon à faciliter le nettoyage du caniveau, spécifiait ainsi les caractéristiques particulières qu'ils devaient revêtir afin de répondre aux besoins précis du chantier auquel ils étaient destinés.

12. Ayant ainsi caractérisé l'existence d'un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers, elle a pu déduire, de ces seuls motifs, que la société Led Puck France était liée à la société Eiffage par un contrat de louage d'ouvrage.

13. En second lieu, les personnes responsables de plein droit en application des articles 1792 et suivants du code civil, lesquelles ne sont pas subrogées après paiement dans le bénéfice de cette action réservée au maître de l'ouvrage et aux propriétaires successifs de l'ouvrage en vertu des articles précités, ne peuvent agir en garantie contre les autres responsables tenus avec elles au même titre, que sur le fondement de la responsabilité de droit commun applicable dans leurs rapports (3e Civ., 8 juin 2011, pourvoi n° 09-69.894, Bull. 2011, III, n° 93).

14. Dès lors, l'entrepreneur qui a indemnisé le maître de l'ouvrage ne peut agir en garantie contre le fabricant que sur le fondement de la responsabilité de droit commun, à l'exclusion de l'article 1792-4 du code civil.

15. Ayant soumis l'action en garantie engagée par la société Eiffage et la SMABTP contre la société Led Puck France à la prescription de l'action en responsabilité contractuelle de droit commun, puis constaté qu'il était démontré que les désordres affectant les projecteurs trouvaient leur cause dans un défaut de fabrication, la cour d'appel, qui a fait application non pas de la responsabilité spécifique prévue à l'article 1792-4 du code civil, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun du locateur d'ouvrage, en a déduit, à bon droit, abstraction faite des motifs critiqués relatifs à la qualification de fabricant d'éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire et à la conformité de l'article précité avec l'article 34 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui sont surabondants, que la société Led Puck France devait garantir la société Eiffage et la SMABTP.

16. Pour partie mal fondé, le moyen est donc, pour le surplus, inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.