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Décisions

Cass. com., 2 juillet 1996, n° 94-19.431

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Poullain

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, Me Thomas-Raquin

Paris, 15e ch. B, du 20 mai 1994

20 mai 1994

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Eurhaven Commercial Holding AG (la société Eurhaven) a prêté la somme de 240 000 deutsche mark à M. Jacques Y..., agissant pour le compte de la société Fashion Morabito, à présent société Fashion, qui était alors en formation; que la société Eurhaven a assigné la société Fashion en remboursement des prêts et que celle-ci a fait valoir qu'elle n'avait pas repris les engagements contractés par M. Y...; que la société Eurhaven a appelé en la cause M. Y..., lui réclamant le remboursement des sommes prêtées; que la société Fashion a alors repris les engagements litigieux, par décision de l'assemblée générale des associés du 18 avril 1985; qu'elle a été déclarée en liquidation des biens le 19 décembre 1985; que la société Eurhaven a soutenu que M. Y... ne pouvait lui opposer la reprise des engagements par la société, adoptée en fraude de ses droits dès lors qu'il savait, en la votant, que la société Fashion ne pourrait pas les honorer;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Eurhaven reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande à l'encontre de M. Y..., alors, selon le pourvoi, que l'existence de la fraude s'apprécie à la date de l'acte qui en est argué et que la reprise après immatriculation des engagements souscrits au nom d'une société en formation ne peut résulter que du vote des associés; que la cour d'appel qui a déclaré opposable à la société Eurhaven la reprise par la société Fashion selon délibération de l'assemblée de ses associés en date du 18 avril 1985 des engagements souscrits par M. Y... les 26 avril et 6 juin 1982, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions, si M. Y..., auquel un règlement amiable avait été demandé le 24 septembre 1984 et qui avait été assigné personnellement en paiement le 15 avril 1985 après que la société Fashion ait conclu le 7 janvier 1985 à l'irrecevabilité de l'action dirigée contre elle, faute de reprise des engagements, connaissait l'état de cessation des paiements de la société Fashion lorsqu'il a voté au moyen de la majorité des voix dont il disposait la reprise des engagements qui jusqu'alors lui incombaient personnellement et n'avait pas ainsi agi dans le seul but de se dégager par un abus de majorité constituant une fraude au droit de son créancier, a privé de base légale sa décision au regard de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 et de la règle "fraus omnia corrumpit";

Mais attendu, qu'ayant relevé que la société Fashion avait reconnu sa dette dès l'origine en la comptabilisant au bilan arrêté au 31 décembre 1982, à une époque où M. Y... n'en était pas le gérant, et que l'assemblée générale au cours de laquelle la reprise des engagements a été votée n'a pu se tenir à la date initialement prévue par l'administrateur désigné par ordonnance de référé, à raison du retard dans l'établissement des comptes d'exercices ayant suivi la gérance de M. Y..., l'arrêt a retenu que "le caractère frauduleux de la reprise des engagements de M. Y... n'est pas établi"; qu'écartant ainsi les allégations visées au moyen dont il ne résultait pas un abus de majorité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 39 de la loi du 13 juillet 1967 ;

Attendu que la cour d'appel pour fixer la créance de la société Eurhaven contre la société Fashion, en liquidation de biens depuis le 15 octobre 1985, à la somme de 240 000 DM, l'arrêt retient que la créance invoquée n'est, dans son montant tel qu'arrêté par les premiers juges pas contestée et, en tout état de cause, pas valablement combattue;

Attendu qu'en fixant la créance de la société Eurhaven sans y inclure le montant des intérêts au taux contractuel de 18 % l'an, constaté par le jugement, courus jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure collective de paiement du passif, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé la créance de la société Eurhaven sur la société Fashion sans y inclure le montant des intérêts contractuels courus au jour du jugement ouvrant la procédure collective, l'arrêt rendu le 20 mai 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.