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Décisions

Cass. com., 22 juin 2022, n° 21-10.051

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Bessaud

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier

Nancy, du 29 sept. 2020

29 septembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 29 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 27 mars 2019, pourvoi n° 17-18.733), la société L'Equipe est l'actuelle titulaire de la marque française verbale « L'Equipe » n° 96 654 944, pour désigner divers produits et services en classes 16, 25, 28, 38 et 41, déposée le 16 décembre 1996 par la société Intra-Presse, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Les Editions P Amaury, et régulièrement renouvelée depuis lors.

2. Les sociétés Intra-Presse et L'Equipe ont assigné la société Sport Co et marquage, titulaire de la marque française semi-figurative « Equip'sport » n° 3 478 011, déposée en couleurs, pour désigner différents produits et services dans les classes 25, 28 et 41, notamment pour contrefaçon par imitation de la marque « L'Equipe ». La société Sport Co et marquage a formé une demande reconventionnelle en déchéance des droits de la société Intra-Presse sur la marque « L'Equipe », pour l'ensemble des produits et services désignés en classes 25, 28 et 41, notamment, « Education ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles » en classe 41.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Les sociétés Les Editions P Amaury et L'Equipe font grief à l'arrêt de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 4 avril 2014 en ce qu'il a prononcé la déchéance de la marque « L'Equipe » n° 96 654 944, pour les produits et services d'éducation, formation, divertissement et activités sportives et culturelles de la classe 41 de la classification internationale, à compter du 4 avril 2008, condamné la société Intra-Presse, aux droits de laquelle vient la société Les Editions P Amaury, et la société L'Equipe aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné la transmission, par les soins du greffe, du dispositif de l'arrêt à l'INPI et de les condamner aux dépens des deux procédures d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des deux procédures d'appel, alors :

« 1°/ que l'usage d'une marque s'entend d'un usage conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine d'un produit ou d'un service, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance ; que cet usage peut être le fait tant du titulaire de la marque que d'un tiers autorisé ; qu'en retenant en l'espèce que même si la marque L'Equipe donne son nom à l'épreuve sportive les "10 km L'Equipe" et que la société L'Equipe a autorisé la société ASO à utiliser le terme L'Equipe "comme titre de l'épreuve les "10 km L'Equipe", cet usage de la marque ne vaut pas usage de celle-ci "pour une activité sportive ou culturelle organisée par un tiers" mais, compte tenu de l'économie générale d'un contrat de parrainage, "pour les produits réellement développés par son titulaire, ici des activités de presse et de média" et en prononçant en conséquence la déchéance de la marque "L'Equipe" n° 96 654 944 pour les produits et services d'éducation, formation, divertissement et activité sportives et culturelles de la classe 41, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait un usage de la marque "L'Equipe", avec l'autorisation de son titulaire, pour désigner une activité sportive ou culturelle, et a ainsi violé l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction, applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 ;

2°/ qu'en affirmant que "le fait de faire de la publicité pour une marque au travers d'un contrat de parrainage sportif constitue naturellement un usage de cette marque, cependant cet usage vaut pour les produits et services réellement développés par son titulaire, ici des activités de presse et de média, et non pour une activité sportive ou culturelle organisée par un tiers" et que "la circonstance que la marque donne son nom à l'épreuve sportive ne modifie pas l'économie générale du contrat de parrainage qui exclut par sa nature même l'idée d'un usage de marque conforme à sa fonction essentielle" de garantie d'origine, sans indiquer les raisons pour lesquelles, même dans le cadre d'un contrat de parrainage ayant pour but de faire la publicité de sa marque, l'usage, avec l'autorisation de son titulaire, de la marque "L'Equipe" pour désigner la manifestation sportive les "10 km L'Equipe" organisée par la société ASO ne permettait pas au public d'identifier cette manifestation sportive en la distinguant d'autres manifestations du même genre, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt énonce qu'une marque fait l'objet d'un usage sérieux au sens de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle lorsqu'elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée.

5. L'arrêt observe également, s'agissant des différents usages d'une marque, que le contrat de licence autorise le licencié à utiliser la marque pour développer une activité commerciale parmi celles visées à l'enregistrement, moyennant le paiement d'une redevance, la marque étant ainsi exploitée par un tiers autorisé pour au moins un des produits ou services visés tel que précisé au contrat. Il relève qu'au contraire, dans un contrat de parrainage ou partenariat sportif, le titulaire de la marque finance l'organisation de la manifestation considérée en contrepartie de la possibilité d'apposer sa marque, ou mieux, de lui donner son titre, afin de conférer à celle-ci une visibilité auprès des participants et des personnes intéressées à travers différents supports et médias qui diffusent ou relatent l'événement en cause, assurant ainsi la publicité de sa marque pour les produits ou services qu'il développe lui-même, et non pour désigner une activité sportive qu'il exercerait ou commercialiserait.

6. L'arrêt constate d'abord l'utilisation du signe « L'Equipe » pour désigner un événement sportif, à savoir une course intitulée « 10 km L'Equipe », organisée chaque année depuis le 19 juin 2011 par la société Amaury sport organisation (la société ASO), filiale de la société Les Editions P Amaury, et relève que la société L'Equipe indique, selon ses propres termes, être le partenaire de la société organisatrice, qu'elle a dûment autorisée à faire usage de la marque « L'Equipe » donnant son nom à l'épreuve.

7. L'arrêt relève ensuite, pour déterminer si, en autorisant la société ASO à utiliser le terme « L'Equipe » comme titre de l'épreuve en cause et dans la documentation qui accompagne et relate cette manifestation, la société L'Equipe fait un usage de ce signe à titre de marque pour désigner une activité sportive, comme elle le soutient, ou si elle réalise une opération de publicité pour son activité de presse dans le cadre d'un contrat de parrainage sportif, dit « sponsoring », comme la société Sport Co et marquage le prétend, que le contrat liant les deux sociétés n'a pas été versé aux débats et que dans leurs conclusions du 24 avril 2015, les sociétés Les Editions P Amaury et L'Equipe indiquaient que « les partenaires sportifs versent des sommes très importantes pour pouvoir associer leur marque à celle de l'événement sportif. »

8. Il retient enfin que si le fait de faire de la publicité pour une marque à travers un contrat de parrainage sportif constitue un usage de cette marque, cependant, cet usage vaut pour les produits et services réellement développés par son titulaire, ici des activités de presse et de média, et non pour l'activité sportive ou culturelle organisée par un tiers, ce dernier fût-il intégré au même groupe de sociétés, comme c'est le cas en l'espèce. Il ajoute que la circonstance que la marque donne son nom à l'épreuve sportive ne modifie pas l'économie générale du contrat de parrainage qui exclut par sa nature même l'idée d'un usage de marque conforme à sa fonction essentielle.

9. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, faisant ressortir un usage promotionnel de la marque « L'Equipe » pour ses activités de presse et média dans le cadre d'un contrat de parrainage sportif, c'est à juste titre et sans procéder par voie de simple affirmation, que la cour d'appel a retenu qu'aucun usage sérieux de la marque « L'Equipe » n'était démontré pour les activités sportives et culturelles, ni pour les activités, présentées comme similaires, d'éducation, de formation, de divertissement et culturelles et qu'elle a, en conséquence, prononcé la déchéance partielle des droits du titulaire de cette marque pour ces produits et services.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. Les sociétés Les Editions P Amaury et L'Equipe font grief à l'arrêt de dire que leur demande tendant au prononcé de mesures de publication est irrecevable, alors « que devant la juridiction de renvoi, la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision est cassée ; que les parties peuvent ajouter en cause d'appel aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes demandaient devant la cour de renvoi d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en faisant valoir qu'il s'agissait de l'accessoire de leurs demandes devant la cour de renvoi ; qu'en retenant, pour la déclarer irrecevable, que cette demande est "manifestement hors de l'étendue de la présente saisine, (ce) point ayant d'ores et déjà été définitivement tranché", sans rechercher, comme elle y était invitée, si la demande de publication de l'arrêt à venir n'était pas l'accessoire des demandes présentées par les sociétés exposantes devant elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 565 (lire 566) et 633 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Le rejet du premier moyen rend le moyen sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.