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Décisions

Cass. 3e civ., 19 mai 2010, n° 09-13.296

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

M. Fournier

Avocat général :

M. Bailly

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

Amiens, du 27 janv. 2009

27 janvier 2009

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 janvier 2009), que la société Maiselec, assignée en paiement de loyers par la société civile immobilière PEG, (la SCI PEG), a demandé reconventionnellement la résolution du bail dérogeant au statut des baux commerciaux conclu le 11 septembre 2003 et l'indemnisation de divers préjudices ;

Attendu que la société Maiselec fait grief à l'arrêt de rejeter pour partie ses demandes et d'accueillir celles de la bailleresse, alors, selon le moyen :

1°/ que la gravité du comportement d'une partie à un contrat synallagmatique peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ; que le courrier du 30 juillet 2004 intitulé «Résiliation du bail précaire» transmis par le gérant de la société Maiselec à la SCI PEG mentionnait que «je vous informe que l'eau continue de s'infiltrer et de couler le long du mur au nouveau de l'ancienne conduite de cheminée à l'endroit où l'ancien dégât des eaux a eu lieu bien avant la jouissance du local. Pour des raisons d'hygiène et de sécurité je ne peux plus recevoir de clients et les commerciaux dans ce local. Par conséquent et du fait qu'il n'y a aucun effort de votre part à ce sujet, je suis contraint à résilier le bail précaire au nom de la société Maiselec» ; qu'il ressort des termes clairs et précis de ce courrier que la société Maiselec avait mis fin de manière unilatérale au bail précaire l'unissant à la SCI PEG à raison des manquements de cette dernière à son obligation de délivrance conforme ; qu'en retenant que par courrier du 30 juillet 2004, la société Maiselec avait donné congé à la la SCI PEG, laquelle l'avait accepté, pour en déduire que l'exposante se trouvait privée de la possibilité d'invoquer utilement l'article 1184 du code civil, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du courrier du 30 juillet 2004 et violé en conséquence l'article 1134 ensemble l'article 1184 du code civil ;

2°/ que si le bail peut être résolu par la commune intention des parties, c'est à la condition que cette volonté soit certaine, parfaite et non équivoque ; qu'en affirmant péremptoirement que le prétendu congé donné par la société Maiselec avait été accepté par la SCI PEG, quand un tel accord ne résultait d'aucune des pièces versées aux débats et sans indiquer à tout le moins sur quel élément elle se fondait pour affirmer que le départ de la société Maiselec aurait été convenu d'un commun accord des parties de telle manière que l'article 1184 du code civil était inapplicable à la rupture de leurs relations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil ;

3°/ que la circonstance que le locataire ait délivré un congé que le bailleur a accepté ne le prive pas de la faculté de demander au juge de prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de ce dernier, s'il apparaît qu'il a commis des manquements d'une gravité telle qu'ils ont empêché le locataire de jouir de la chose et l'ont contraint à quitter les lieux ; que la cour d'appel qui, au prétexte que le locataire avait pris l'initiative de délivrer un «congé» à son bailleur que celui-ci avait accepté, en déduit que la société Maiselec n'était plus fondée à se prévaloir des règles de l'article 1184 du code civil, et qui s'abstient, par voie de conséquence, de se prononcer sur la gravité des manquements invoqués par la société Maiselec dans sa lettre précitée du 30 juillet 2004 et repris à l'appui de sa demande de résiliation, a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;

4°/qu' il résulte de l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile que lorsqu'une partie demande la confirmation du jugement, sans énoncer de nouveaux moyens, elle est réputée s'en approprier les motifs et que la cour d'appel, qui décide d'infirmer le jugement entrepris, a l'obligation d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en limitant le préjudice de la société Maiselec au trouble de jouissance subi du fait des deux dégâts des eaux survenus dans le local loué, sans réfuter les motifs du jugement pris de ce que «la société Maiselec qui a fait constater par un huissier la présence d'insectes xylophages dans des cloisons en bois, de l'humidité dans les murs et plafonds liée à des infiltrations d'eau et à un précédent dégât des eaux et un réseau électrique incomplet justifie sa demande reconventionnelle par la carence du propriétaire à délivrer la chose promise dans l'état correct nécessaire à la réalisation de l'objet de la convention. (...) Après treize mois de démarches vaines auprès du bailleur pour rendre les lieux conformes à leur destruction comprendre "destination" contractuelle le preneur qui n'a pas pu exercer son activité s'est résolu à déménager», desquels il résultait que la société Maiselec avait été dans l'impossibilité totale de jouir du bien loué en sorte que son dommage ne se limitait nullement au préjudice de jouissance résultant des seuls dégâts des eaux, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part , qu' ayant relevé, sans dénaturation, que, par courrier du 30 juillet 2004, la société Maiselec avait donné congé pour le 1er novembre 2004 et délaissé les lieux à la fin du mois d'octobre 2004 et retenu que la SCI PEG avait accepté ce congé, la cour d'appel, qui a constaté que la convention des parties avait pris fin avant que ne soit formée la demande reconventionnelle tendant à sa résolution, en a exactement déduit que devait être rejetée la demande en résolution d'un bail expiré en vertu d'un congé accepté ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la société Maiselec devait être indemnisée à raison des dégâts des eaux et qu'aucune indemnisation ne pouvait être accordée au titre d'une perte de recette qui n'était pas établie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement apprécié la consistance du préjudice subi par la locataire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.