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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 24 juin 2009, n° 07/21817

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

Défendeur :

SOCIETE FORWARD TEXTILE AND GARMENT, Monsieur (D) L., SOCIETE CASHTEX

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur PIMOULLE

Conseillers :

Madame ROSENTHAL-ROLLAND, Madame Brigitte CHOKRON

Avoués :

SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, Me François TEYTAUD

Avocats :

Me Caroline M, Me Xavier DE R, Me M.

CA Paris n° 07/21817

23 juin 2009

Vu Les appels formés :

1 °) le 20 décembre 2007, par la S.A.S. Distribution Casino France,

2°) le 8 mai 2008, par la S.A.R.L. Forward Textile and Garment, du jugement du tribunal de grande instance de Bobigny (chambre 5, section 3, affairen°05/09036), prononcé le 27 novembre 2007 ;

Vu les dernières conclusions de la S.A.S. Distribution Casino France (30 mars 2009);

Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L Forward Textile and Garment (5 septembre 2008),

Vu les dernières conclusions de la S.A. Cashtex, intimée (22 juillet 2008),

SUR QUOI,

Considérant que la société Cashtex, d'une part, dont la principale activité est la création, la fabrication et la commercialisation de vêtements de prêt-à-porter de tendance sportswear, et qui revendique des droits d'auteur sur un modèle de blouson-gilet pour hommes référencé "Rockwood", un modèle de tee-shirt référencé "Pôle Position"et un modèle de blouson-gilet pour hommes référencé "Liverpool" et M. L, d'autre part, directeur général délégué et administrateur de la société Cashtex, titulaire de la marque nominale française «TOKYODENIMBANK» déposée à l'INPI le 25 février 2003 et enregistrée

sous len°3 211 655 pour désigner les produits des classes 3, 18 et 25, et notamment les vêtements, marque exploitée par la société Cashtex, invoquant la circonstance que des modèles reproduisant les caractéristiques originales de ce tee-shirt et de ces deux blousons étaient offerts à la vente dans les hypermarchés à l'enseigne «Géant», ont été autorisés par ordonnance du 1er juin 2005 du président du tribunal de grande instance de Saint Etienne à faire procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Distribution Casino France ; que, au vu des informations obtenues, la société Cashtex et M. L ont assigné la société Distribution Casino France et la société Forward Textile and Garment ; que le tribunal, par le jugement dont appel, ayant retenu :

- qu'en fabriquant ou en important, en proposant à la vente et en commercialisant des vêtements griffés «TOKYO DENIM BANK», les sociétés Distribution Casino France et Forward Textile and Garment se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon de marque au détriment de M. L,

- qu'en fabriquant ou en important, en proposant à la vente et en commercialisant des vêtements reproduisant les caractéristiques originales des modèles de vêtements «Rockwood», «Liverpool», et «Pôle Position», les sociétés Distribution Casino France et Forward Textile and Garment se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon au détriment de la société Cashtex,

- que les sociétés Distribution Casino France et Forward Textile and Garment se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment de la société Cashtex,

a, par le jugement dont appel :

- interdit, sous astreinte, aux sociétés Distribution Casino France et Forward Textile and Garment de faire usage de la dénomination «TOKYO DENIM BANK»,

- ordonné sous astreinte à ces mêmes sociétés de détruire tous objets ou vêtements reproduisant la marque «TOKYO DENIM BANK» ou les modèles «Rockwood», «Liverpool», et «Pôle Position»,

- condamné ces sociétés à verser des indemnités provisionnelles à la société Cashtex et à M. L et ordonné une expertise ;

1. Sur la procédure de saisie-contrefaçon :

Considérant que, par arrêt du 4 avril 2008, cette cour (4eme chambre section B), a confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bobigny qui avait rejeté la demande présentée par société Distribution Casino France tendant à voir constater la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16 et 23 juin 2005 ; que cette même décision avait cependant réservé à la juridiction saisie au fond 1 ' examen de la validité de 1 ' ordonnance qui avait autorisé la société Cashtex à faire procéder à cette saisie- contrefaçon ;

Considérant qu'il en résulte que la question de la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon, en ce qu'elle dépend de sa conformité à l'ordonnance, est définitivement tranchée ; que la société Distribution Casino France est néanmoins recevable à reprendre devant la cour son argumentation relative à la nullité de l'ordonnance ayant autorisé la saisie- contrefaçon ;

Considérant qu'il est établi par les pièces de la procédure que, faisant droit à la requête qui lui était présentée par la société Cashtex et M. L, le président du tribunal de grande instance de Saint-Étienne, au visa des articles L.332-1 et suivants et L.716-7 et suivants du code de la propriété intellectuelle, a rendu le 1er juin 2005 une ordonnance autorisant les requérants à faire procéder par un huissier de justice à certaines opérations et autorisant notamment, (5eme point de l'ordonnance) «l'Huissier instrumentaire à effectuer toutes recherches et constatations utiles aux fins de découvrir l'origine et l'étendue de la contrefaçon de marque et de droit d'auteur invoquée, et notamment, de se faire produire et au besoin copier ou faire reproduire tous comptes, factures et documents, se rendre chez tous grossistes, distributeurs, importateurs ou fabricants sis dans le ressort de ce tribunal dont les opérations révéleraient la participation directe ou indirecte aux faits incriminés, consigner les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées au cours des opérations en s'abstenant cependant d'interpellations autres que celles strictement nécessaires à l'accomplissement de sa mission» ;

Considérant que la société Distribution Casino France affirme que le président du tribunal de grande instance de Saint Etienne ne pouvait autoriser l'huissier à procéder à quelque investigation que ce soit dès lors qu'il ne trouvait sur les lieux aucun produit argué de contrefaçon ;

Mais considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.332-1, alinéa 2,2°, que : « [...] le président du tribunal de grande instance peut [...] ordonner [...] la saisie des exemplaires constituant une reproduction illicite de l'œuvre [...]; il peut également ordonner la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les œuvres, ainsi que tout document s'y rapportant» ; que le pouvoir, ainsi expressément conféré au président du tribunal de grande instance d'ordonner la saisie de tous documents se rapportant à la contrefaçon invoquée, n'est nullement subordonné par ces dispositions à la saisie préalable des exemplaires contrefaisants ;

Considérant, de ce qui précède, que le moyen tiré par la société Distribution Casino France de la prétendue nullité de l'ordonnance n'est pas fondé ;

2. Sur la titularité des droits d'auteur :

Considérant que la société Cashtex revendique les droits de création relatifs à deux modèles de blouson-gilet aux manches longues, et comportant sur toute la longueur du devant une fermeture à glissière non apparente, référencés «Rockwood» et «Liverpool» et à un modèle de tee-shirt référencé «Pôle Position», ces trois modèles, créés au premier trimestre 2004 et dont la commercialisation effective a débuté en novembre 2004 à l'occasion de la collection hiver 2004/05, se caractérisant par la combinaison originale des éléments suivants :

- modèle «Rockwood» :

  • au niveau des épaules, un écusson ovale de couleur blanche contrastant, dans lequel est cousu un chiffre en cuir de couleur rouge bordé de noir formant un semblant d'épaulettes,
  • deux poches avec ouverture verticale sur le devant du vêtement,
  • au niveau de la poitrine, à l'horizontale, ainsi qu'au départ des aisselles, sur les côtés, sur le devant et l'arrière du vêtement, une double bande de tissus rapportée bi- couleur,
  • une broderie sur tout le devant du vêtement, en dessous de la double bande rapportée précitée, de part et d’autre de la fermeture à glissière, et comportant la dénomination «ROCKWOOD» en lettres rouges surpiquées blanc,
  • sur la partie haute du vêtement, de part et d'autre de la fermeture à glissière, figurent, côté droit, un écusson rond et de couleur jaune et rouge et une broderie jaune en lettres majuscules en italique,
  • sur la partie basse du vêtement, de part et d'autre de la fermeture à glissière, figure un écusson ovale et de couleur jaune et noir côté droit, en forme d'armoirie, de couleur bleu, blanc et rouge, cerné de noir, côté gauche,
  • un col montant en contraste de couleur par rapport au reste du vêtement (blanc/gris),
  • le bas des manches et le bas du blouson sont également en contraste de couleur par rapport au reste du vêtement (blanc/gris) et matelassés,
  • au niveau de l'avant-bras, partant du coude, est cousue un écusson blanc allant jusqu'au bas des manches rapportées, sans autre ornementation qu'un liséré rouge rappelant l'écusson des épaules.

-modèle «Liverpool» :

  • partant du bas du col et jusqu'au niveau des manches, sont cousues deux bandes de tissus rapportées de couleur bleue et rouge d'environ 1 cm, distante d'une de l'autre d'1 cm environ également, afin de laisser apparaître une bande de tissu rouge du vêtement,
  • deux poches avec ouverture verticale de chaque côté du vêtement, au niveau des coutures,
  • partant des épaules et allant jusqu'au bas en bord cote du vêtement, à l'avant, sur le côté gauche du vêtement est cousue une bande de tissu verticale de couleur blanche d'environ 4cm,
  • au niveau de la poitrine, à la place du cœur, empiétant sur la bande de tissu blanche précitée, est cousue un écusson de couleur rouge et bleue,
  • une broderie horizontale sur toute la longueur du côté droit du vêtement comportant la dénomination «LIVERPOOL» en lettres majuscules bleues surpiquées blanc, composant une sorte de parallélisme avec la bande blanche verticale présente sur le côté gauche,
  • un écusson de couleur bleue blanc rouge est apposé à la gauche de la broderie précitée,
  • au dos du vêtement est représenté, surpiqué, un écusson composé d'un lion rugissant de côté, sur ses pattes en fil blanc.

- modèle «Pôle Position» :

  • un contraste de couleur entre les manches, le dos du vêtement d'une part et le devant et le col du vêtement d'autre part,
  • un col ras du cou,
  • sur le devant du vêtement, est apposée une sérigraphie constituée de la dénomination «POLE POSITION», les lettres allant dans un effet de rétrécissement vers le milieu,
  • au dessus de la sérigraphie sont cousus 3 écussons: à droite, un écusson ovale de couleur jaune et noir, à gauche un écusson de couleur rouge et blanche et au centre un écusson de couleur noir et blanc,
  • en dessous de la sérigraphie, à droite, est cousu un écusson rectangulaire jaune et noir, et à gauche est brodée la dénomination «Tokyo»,
  • sur la manche gauche est cousu un écusson rond ailé de couleur rouge et gris,
  • au dos figure une autre sérigraphie en lettres majuscules.

2.1 Sur la présomption de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle :

Considérant que la société Cashtex, pour revendiquer les droits de l'auteur relativement à ces trois modèles, fait valoir qu'ils ont été divulgués sous son nom et qu'elle bénéficie de la présomption établie par 1 ' article L. 113 -1 du code de la propriété intellectuelle selon lequel : «La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée» ;

Considérant qu'il incombe à la société Cashtex de prouver la qu'elle a divulgué les modèles qu'elle revendique comme siens pour opérer le renversement de charge de la preuve qu'elle invoque ; que les sociétés Distribution Casino France et Forward Textile and Garment sont recevables à contester ses allégations à ce sujet ; que les premiers juges ont écarté à tort toute discussion sur ce point en se bornant à énoncer, sans pertinence, que cette présomption ne pouvait être combattue par le tiers contrefacteur ;

Considérant que la société Cashtex laisse faussement entendre que les modèles de blouson «Rockwood» et «Liverpool» auraient été présentés dans son catalogue automne-hiver 2004-2005 ; que l'examen de ce document (pièce 10 de l'intimée) révèle qu'aucun de ces blousons n'y figure, un tee-shirt «Pôle Position» (sic, page 18 du catalogue) étant seul susceptible de correspondre à l'un des trois modèles en cause ;

Considérant que la société Cashtex indique encore qu'elle produit des factures qui attestent que les modèles «Rockwood», «Liverpool» et «Pôle Position» ont été commercialisés par elle ;

Mais considérant que les pièces 14, 15 et 16 communiquées à ce sujet par la société Cashtex, loin de constituer des factures, sont en réalité des documents internes intitulés «portefeuille facture» dont, à défaut d'explication par la société Cashtex sur le sens des informations qu'ils contiennent, la cour peut imaginer qu'ils se réfèrent à des livraisons des modèles en cause à des clients ;

Mais considérant que ces documents, d'usage interne à l'entreprise, ne permettent pas d'identifier les destinataires éventuels, désignés sous forme codée, ni de vérifier la réalité des livraisons éventuelles qu'ils mentionnent ; que les indications qu'ils comportent en bas de page montrent qu'ils ont été édités les 24, 25 et 29 mars 2005, soit plusieurs mois après les ventes dont ils sont supposés apporter la preuve ;

Considérant, en vertu du principe que nul ne peut être admis à se constituer à soi même ses propres preuves, que c'est ajuste titre que la société Distribution Casino France dénie toute force probante à ces documents ;

Considérant qu'il suit de là que la société Cashtex échoue à rapporter la preuve qu'elle aurait divulgué les deux modèles de blousons en cause en novembre 2004 ; que la commercialisation sous son nom, pour la saison automne-hiver 2004-2005, du seul modèle de tee-shirt «Pôle Position» est établie par la présence de ce modèle dans le catalogue correspondant ;

Considérant que la société Forward Textile and Garment produit au débat un CD daté du 15 avril 2004 émanant d'une société chinoise Yon Xin Enterprises, dont l'authenticité n'est pas contestée, présentant les photographies des modèles de vêtements fabriqués par cette société et notamment un blouson «Cambridge», en tous points identique -à l'inscription du nom de ville près - au modèle «Liverpool» revendiqué par la société Cashtex ; qu'elle produit également un CD montrant les productions de la société chinoise Ninbo Yubing, daté du 15 octobre 2004, sur lequel apparaît ce même modèle et un autre modèle identique au blouson «Rockwood» ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Cashtex, qui ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait divulgué sous son nom les deux modèles de blousons «Rockwood» et «Liverpool» et ne bénéficie donc pas de la présomption de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle à l'égard de ces modèles, et qui ne démontre pas qu'elle serait titulaire des droits de l'auteur relativement à ces blousons pour les avoir elle-même créés, est irrecevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur au titre de ces blousons ; qu'elle sera déboutée de ses demandes à ce titre dirigées contre les sociétés Distribution Casino France et Forward Textile and Garment ;

2.2. Sur l'originalité du modèle de tee-shirt :

Considérant que la société Distribution Casino France soutient que le tee-shirt «Pôle Position» tel que représenté sur le catalogue ne bénéficie pas de la condition d'originalité requise si ce n'est par les écussons qui en constituent la décoration ; qu'elle fait valoir que le modèle argué de contrefaçon ne porte pas de tels écussons ;

Mais considérant que cet argument, en ce qu'il tend à mettre en lumière les différences entre le modèle argué de contrefaçon et le modèle supposé contrefait, vise à contester la contrefaçon elle-même et n'est pas pertinent en ce qu'il est invoqué pour contester l'originalité du tee-shirt ;

Considérant, en réalité, que le modèle de tee-shirt «Pôle Position» tel que montré page 18 du catalogue automne-hiver 2004-2005 de la société Cashtex, se caractérisant par la combinaison originale des éléments précédemment décrits, présente une originalité justifiant la mise en œuvre de la protection des droits de l'auteur ;

3. Sur la contrefaçon de droits d'auteur :

Considérant que la société Cashtex produit au débat une facture (piècen°8), accompagnée du ticket de caisse correspondant, relative à un achat qu'elle a effectué le 8 février 2005 au magasin «Géant» d'Argenteuil portant sur un tee-shirt d'une valeur de 8 euros et un gilet d'une valeur de 15 euros ; que ces documents ne donnent aucune précision sur le modèle de tee-shirt auquel correspond cet achat ; qu'il ne permet en tout cas nullement de faire un rapprochement quelconque entre le modèle «Pôle Position» qu'elle revendique, précédemment décrit et reproduit en page 18 de son catalogue automne-hiver 2004-2005 et celui qui a fait l'objet de cet achat ;

Considérant que, dans sa requête du 1er juin 2005 en vue d'être autorisée à faire procéder à une saisie-contrefaçon, la société Cashtex exposait qu'elle avait constaté qu'étaient notamment offerts à la vente dans les hypermarchés à l'enseigne «Géant» un modèle de tee- shirt référencé [...] 106, dont le code barre est 3602826031564, reproduisant quasi à l'identique les caractéristiques originales précitées du modèle «Pôle Position» lui appartenant ; qu'il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon établi les 16 et 23 juin 2005 (pièce 18 de la société Cashtex) que l'huissier instrumentaire n'a pu saisir au siège de la société Distribution Casino France aucun exemplaire du tee-shirt correspondant à ces références, mais que la représentante de l'entreprise rencontrée sur place lui a indiqué que «pour les produits portant le code barre 3602826031564 le fournisseur serait «Sicobex» situé au Maroc ; que, par la suite, l'huissier instrumentaire s'est vu remettre une facturen°4227/2005 de la société Sicobex relative à la fourniture à EMC Distribution de 4710 tee-shirt manche longue moto référencés JNA 105, le code barre 3602826031564 apparaissant en haut et à gauche du document n'étant pas significatif dès lors, d'une part, qu'il a été manifestement apposé de manière manuscrite sur le document à une date incertaine, d'autre part que, selon les explications données à l'huissier, il s'applique de manière générique à tous les produits livrés par Sicobex ;

Considérant que la société Cashtex produit au débat un document photographique (pièce 7) supposé représenter le modèle de tee-shirt contrefaisant son modèle «Pôle Position» ;

Considérant que l'ensemble de ces éléments ne constitue pas la preuve de la contrefaçon alléguée ;

Considérant en effet :

- que la facture du 8 février 2005 ne prouve pas la mise en vente du modèle argué de contrefaçon dans les magasins «Géant» ;

- que la facture de tee-shirt saisie porte sur un article ne correspondant pas aux éléments d'identification donnés par la société Cashtex puisque la référence est JNA 105 au lieu de JNA 106 et que la mention du code barre n'est pas significative ;

- que la photographie de la pièce 7 montre un tee-shirt de couleur uniformément jaune, à l'exception d'une étroite bande de couleur noire soulignant le tour de cou, ne portant aucune inscription sur une face et la seule inscription «Riders» précédée d'une aile stylisée devant le "R" sur l'autre ; que ce modèle n'a strictement aucun rapport avec le modèle «Pôle Position» figurant sur le catalogue de la société Cashtex, hormis la couleur jaune, qui n'est pas protégeable en elle-même, et qui, de toute façon, ne peut être revendiquée comme une caractéristique du modèle «Pôle Position» puisque celui-ci est présenté dans une variante bleu et blanc dans le document photographique communiqué au débat en piècen°3 de la société Cashtex ; qu'il ne comporte aucune différence de couleur pour les manches ni aucun écusson ou inscription du modèle présenté comme original et dont les caractéristiques ont été précédemment indiquées ; qu'il est ainsi abusif de soutenir que le modèle «Riders» serait la reproduction et constituerait une contrefaçon du modèle «Pôle Position» ;

Considérant, en synthèse, pour ce qui concerne la contrefaçon de droit d'auteur, que la société Cashtex sera déboutée de toutes ses demandes, s'agissant des blousons, parce qu'elle ne prouve pas qu'elle serait titulaire de droits d'auteurs relativement aux deux modèles en cause, s'agissant du tee-shirt, parce que la preuve de la contrefaçon n'est pas rapportée ;

4. Sur la contrefaçon de marque :

Considérant que M. L expose qu'il est titulaire de la marque nominale française «TOKYODENIMBANK» déposée à l'INPl le 25 février 2003 et enregistrée sous le n°3 211 655 pour désigner les produits des classes 3, 18 et 25, et notamment les vêtements, et que cette marque est exploitée abondamment par la société Cashtex » ; qu'il indique avoir constaté qu'était offert à la vente dans les hypermarchés à l'enseigne «Géant» un modèle de gilet référencé YBG50, dont le code barre est 3700347900021, reproduisant les caractéristiques originales précitées du modèle «Liverpool» appartenant à la société Cashtex, au surplus griffé «TOKYO DENIM BANK» ;

Considérant cependant que M. L n'apporte au débat aucun élément de nature à étayer ce postulat ;

Considérant que ni la facture du 8 février 2005, ni le ticket de caisse correspondant, déjà examinés (piècen°8), en ce qu'ils se rapportent à l'achat d'un gilet d'une valeur de 15 euros, ne comportent aucune indication, référence ou code barre quelconque permettant de deviner qu'il pourrait s'agir d'un gilet vendu sous la marque «TOKYO DENIM BANK» ; qu'il en est de même de la facture du 25 mars 2003 relative à l'achat de divers articles dont un gilet au prix de 20 euros acquis au magasin «Géant» du centre commercial La Valentine à Marseille, qui ne mentionne aucun détail permettant d'identifier plus précisément le modèle de gilet, encore moins de connaître la marque sous laquelle il était offert à la vente ;

Considérant que le procès-verbal de saisie-contrefaçon, en ce qu'il n'a permis d'appréhender aucun des articles argués de contrefaçon, ne fournit aucun élément à l'appui des affirmations de M. L ;

Que la facture, jointe au procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16 et 23 juin 2005, relative à la fourniture par la société Forward Textile and Garaient à la société Limoges Textile, de 768 vestes YBG 50 A et de la même quantité de vestes YBG 50 B, ne comporte aucune indication quant à la marque de cette veste dont la requête de la société Cashtex indique qu'elle serait la contrefaçon de son modèle «Liverpool» ;

Considérant qu'aucun des documents photographiques versés au débat par la société Cashtex et M. L représentant les modèles de blousons argués de contrefaçon ne permet de vérifier qu’ils auraient été offerts à la vente sous la marque «TOKYO DENIMBANK» ; que, spécialement, le modèle présenté comme la contrefaçon du modèle original «Liverpool» (piècen°4, piècen°20) ne comporte aucune marque visible ;

Considérant, certes, que la société Forward Textile and Garment semble admettre (page 5 de ses dernières écritures) qu'un blouson portant la marque en cause ait pu être livré par erreur à la société Distribution Casino France par la société Fidellimport, qui était chargé de la fabrication des modèles de la société Cashtex ;

Mais considérant que cette explication, que la société Cashtex et M. L jugent invraisemblable, est en toute hypothèse dépourvue de pertinence dès lors que la mise en vente du modèle supposé contrefaisant n'est pas prouvée ;

Considérant en outre qu'il est établi par diverses factures versées au débat (pièces 19) que la société Distribution Casino France a elle-même été en relation directes d'affaires avec la société Cashtex et lui a notamment acheté le 27 septembre 2004 des blousons moto pour femme noir et beige désignés sur cette facture sous la marque Tokyo ; qu'il ne peut donc être exclu que des modèles portant la marque «TOKYODENIMBANK» aient pu être livrés à la société Distribution Casino France par la société Cashtex elle-même ;

Considérant que M. L échoue ainsi à rapporter la preuve, dont la charge lui incombe, de la matérialité des faits constitutifs de la contrefaçon de marque qu'il dénonce ;

5. Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaires :

Considérant que la société Cashtex et M. L soutiennent, d'une part, que la société Forward Textile and Garment a commis des actes de concurrence déloyale en faisant fabriquer et en proposant à la vente deux modèles de blousons appartenant à la société Cashtex, et ce, la saison suivant celle de leur mise sur le marché, après avoir pu en mesurer le succès, s'épargnant les risques inhérents à toute mise sur le marché de produits nouveaux et profitant ainsi, sans bourse délier, des efforts de création, de publicité, de recherche que la société Cashtex a engagé pour la mise au point de ses modèles «Rockwood » et «Liverpool», d'autre part, que la société Distribution Casino France, qui connaît parfaitement la société Cashtex et les modèles de sa collection, notamment les modèles de blousons et de tee-shirts «Rockwood », «Pôle Position» et « Liverpool» qui lui ont été présentés en début de saison, a délibérément choisi de commander des copies de ces modèles auprès de deux autres entreprises, et ce, pour pouvoir bénéficier de prix d'achat plus avantageux ;

Mais considérant qu'il résulte des motifs qui précèdent que les faits constitutifs des pratiques ainsi dénoncées ne sont pas prouvés ;

Considérant, en définitive, que la société Cashtex et M. L, faute de rapporter la preuve des faits nécessaire au succès de leurs prétentions, seront déboutés de toutes leurs demandes ; que le jugement entrepris sera infirmé en conséquence ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris,

STATUANT à nouveau,

DÉBOUTE la société Cashtex et M. L de toutes leurs demandes,

CONDAMNE la société Cashtex et M. L à supporter la charge de tous les dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, 10.000 euros à la société Distribution Casino France et 10.000 euros à la société Forward Textile and Garment.