CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 5 juin 2013, n° 11/05795
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SA SELYS, SARL NYGEL
Défendeur :
SA BABOU
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Monsieur Benjamin RAJBAUT
Conseillers :
Madame Brigitte CHOKRON, Madame Anne-Marie GABER
Avocats :
SCP GALLAND - VIGNES, Me Pierre CYCMAN, SCP RIBAUT, Me Dominique LAVILLAINE, Me François TEYTAUD, Me Isabelle MARCUS MANDEL
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu l'appel interjeté le 25 mars 2011 par la société SELYS (SA), du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 10 février 2011 dans le litige l'opposant aux sociétés NYGEL (SARL) et BABOU (SA) ;
Vu les dernières conclusions de la société SELYS, appelante, signifiées le 16 mai 2012 ;
Vu les dernières conclusions de la société NYGEL, intimée, signifiées le 25 février 2013 ;
Vu les dernières conclusions de la société BABOU, intimée, signifiées le 16 janvier 2013 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 19 mars 2013 ;
SUR CE, LA COUR :
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;
Qu'il suffit de rappeler que la société SELYS, spécialisée dans la création, la fabrication et la commercialisation, sous les enseignes '100%féminin' et 'One O One', de vêtements de prêt-à-porter pour femmes fortes, revendiquant des droits d'auteur sur une robe référencée DTM 980, un top sans manches référencé 01078, un pantalon référencé 01077 et une veste courte référencée 01076 qu'elle aurait créés en février 2007 pour sa collection printemps-été 2007 et ayant constaté que les sociétés SELYS et NYGEL proposaient à la vente, selon elle à vil prix, des vêtements constituant, toujours selon elle, la contrefaçon de ses modèles originaux, a fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 10 mars 2008 dans les locaux de la société NYGEL [...] puis, le 31 mars 2008, au magasin BABOU de Bagnolet (93) et a, dans ces circonstances, assigné les sociétés NYGEL et BABOU au fondement des dispositions des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle et en concurrence déloyale et parasitaire ;
Que le tribunal de grande instance de Paris, par le jugement dont appel, a, pour l'essentiel, rejeté la demande de la société BABOU en nullité des opérations de saisie-contrefaçon, dénié à la robe DTM 980, au top 01078, au pantalon 01077 l'originalité requise pour accéder à la protection par le droit d'auteur, a reconnu en revanche un caractère original à la veste courte 01076, a condamné la société NYGEL à payer à la société SELYS, pour avoir contrefait son modèle de veste, 10.000 euros de dommages-intérêts et a prononcé une mesure d'interdiction sous astreinte, n'a retenu par contre aucun acte de contrefaçon à la charge de la société BABOU, a déclaré mal fondée l'action en concurrence déloyale et a débouté de la demande de publication judiciaire ;
Que la société appelante SELYS maintient que les quatre modèles de vêtements revendiqués, DTM 980, 01078, 01077, 01076, sont éligibles à la protection par le droit d'auteur et que les sociétés NYGEL et BABOU ont commis à son préjudice des actes de contrefaçon en offrant à la vente des copies des modèles originaux, ainsi que des actes de concurrence déloyale, demande des mesures d'interdiction sous astreinte, de confiscation, de publication, la condamnation in solidum des sociétés intimées à lui verser, à titre de dommages-intérêts, 300.000 euros du chef de la contrefaçon et 150.000 euros au titre de la concurrence déloyale ;
Que la société NYGEL, poursuivant la réformation du jugement en celles de ses dispositions lui faisant grief et sa confirmation pour le surplus, conclut au débouté de l'ensemble des prétentions de la société SELYS à laquelle elle réclame 10.000 euros pour procédure abusive à titre subsidiaire, au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par la société BABOU ;
Que la société BABOU persiste à soulever, par réformation du jugement sur ce point, la nullité des opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 31 mars 2008 dans ses locaux de Bagnolet, conclut au débouté de toutes les prétentions de la société SELYS et demande à titre subsidiaire à être garantie par son fournisseur, la société NYGEL, du paiement de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge ;
Sur la demande en nullité de la saisie-contrefaçon au magasin BABOU,
Considérant que pour prétendre que la saisie-contrefaçon effectuée le 31 mars 2008 dans les locaux du magasin à l'enseigne BABOU de Bagnolet (93) serait entachée de nullité, la société BABOU fait valoir d'une part, que l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon est entachée d'erreurs affectant le lieu du siège social de la société requérante ainsi que l'adresse de son conseil, d'autre part, que l'huissier aurait excédé ses pouvoirs en se faisant assister par Laetitia GUICHARD, une personne non autorisée ;
Or considérant, sur le premier point, que si l'ordonnance de saisie-contrefaçon indique en effet que la société SELYS a son siège à [...] et que le conseil de celle-ci, Me Pierre CYCMAN, est du barreau de Bobigny et a pour adresse [...], il ne pouvait échapper à la société BABOU que ces énonciations procédaient d'erreurs matérielles résultant de la substitution du mot Bobigny au mot Paris ;
Que la société BABOU n'allègue au demeurant aucun grief des suites de ces erreurs matérielles qui n'ont pas été renouvelées dans l'acte d'assignation en justice qui lui a été ultérieurement délivré ;
Que c'est dès lors à raison que le tribunal a écarté comme non fondé ce moyen de nullité tiré d'un vice de pure forme ;
Considérant, sur le second point, que s'il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon que l'huissier instrumentaire MICHON a opéré en présence de Laetitia GUICHARD, conseillère régionale de la SARL MANAG-MAG, aucun élément ne permet de soutenir que cette personne aurait participé d'une quelconque manière à la conduite des opérations de saisie-contrefaçon et aurait ainsi assisté l'huissier instrumentaire dans la mise en oeuvre de ces opérations ;
Considérant que Me MICHON précise à cet égard, aux termes d'un courrier du 16 janvier 2009, que Laetitia GUICHARD, mentionnée dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon, est la conseillère régionale de la société MANAG-MAG, enseigne BABOU et fait partie de la direction régionale de celle-ci. Sa présence sur place a été rendue possible du fait que cette dernière se trouvait dans les locaux concernés le jour de mon opération. ;
Que c'est encore à juste titre que le tribunal a rejeté comme dénué de fondement le moyen de nullité tiré de ce que l'huissier instrumentaire aurait franchi les limites de l'ordonnance de saisie-contrefaçon ;
Sur la titularité des droits,
Considérant que les pièces versées à la procédure et en particulier les bulletins de salaire, établissent que la société SELYS emploie Alexander SCHEURING aux fonctions de styliste ;
Considérant que celui-ci atteste aux termes d'un document conforme aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile, avoir créé, pour le compte de la société SELYS, les modèles suivants : veste 01076, top long 01078, pantalon 01077, robe DTM980 (...) en février 2007. (...)
Je suis informé de la procédure engagée par mon employeur, société SELYS, contre la société NYGEL.
J'ai créé ces modèles pour le compte de la société SELYS et n'entends revendiquer aucun droit sur ces modèles puisque je les ai cédés à la société SELYS . ;
Considérant qu'il est produit par ailleurs, pour chacun des modèles invoqués, la fiche technique correspondante comprenant des croquis et des indications quant à la matière utilisée ;
Considérant, enfin, qu'il est justifié, au vu des factures émises en 2007 à compter du mois de février et en 2008, de la commercialisation par la société SELYS de la veste 01076, du top long 01078, du pantalon 01077 et de la robe DTM980, cette dernière, en particulier, ayant fait l'objet d'une commande de la société LA REDOUTE du 22 août 2007 suivie d'une livraison le 10 septembre 2007 ;
Considérant que ces éléments, qu'aucune preuve contraire ne vient combattre, établissent sans la moindre équivoque, l'exploitation à compter de février 2007, sous le nom de la société SELYS, des quatre modèles de vêtement, précisément identifiés, objets du présent litige en contrefaçon ;
Or considérant que l'exploitation d'une oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, en l'absence de revendication du ou des auteurs, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire, sur l'oeuvre, du droit de propriété incorporelle de l'auteur ;
Considérant qu'il s'infère des observations qui précèdent que la société SELYS est fondée à se prévaloir de présomption de titularité des droits sur les quatre modèles de vêtement opposés et justifie par là-même, ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal, de sa qualité à agir au fondement de contrefaçon de droits d'auteur ;
Sur l'originalité,
Considérant qu'il importe encore, avant d'examiner si la contrefaçon est caractérisée, de se livrer à la recherche nécessaire de l'originalité, le bien-fondé de l'action en contrefaçon étant d'abord subordonné à la condition que la création, objet de cette action, soit une création originale ;
Considérant que si les dispositions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle posent en effet le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de sa création, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, encore faut-il qu'il s'agisse d'une oeuvre de l'esprit éligible à la protection instituée au titre des droits d'auteur, c'est- à dire une oeuvre originale ;
Considérant que les sociétés intimées contestant à chacune des créations opposées le statut d'oeuvre de l'esprit digne de protection par le droit d'auteur, il revient à la Cour d'en apprécier l'originalité ;
Considérant que la société SELYS présente la robe DTM 980 comme une robe en jersey froissé, avec manches, aux caractéristiques suivantes :
- le corps de la robe, posé à plat, rappelle la forme d'une cloche (ou forme parachute), avec un bas de très grande largeur,
- l'avant du corps est composé d'une seule pièce, avec, sur le bas, une couture apparente, apposée à des fins strictement esthétiques, et comporte un décolleté arrondi,
- le dos du corps, dont l'encolure est en ras du cou, est composé de trois pièces: deux symétriques composant le haut du vêtement, cousues ensemble de manière rectiligne au centre du dos et se terminant au niveau de la taille, toujours par une couture rectiligne qui rejoint la troisième pièce d'une très grande largeur, ces empiècements cintrant ainsi le vêtement au niveau du haut du dos,
- le bas de la robe se termine par deux grandes fentes de chaque côté,
- à ce corps, sont ajoutées des manches trois quart en forme de tube,
- portée, cette robe apparaît déstructurée puisque la robe est plus longue sur les côtés qu'au milieu de l'avant ou du dos,
- le bas de la robe est terminé par un ourlet boursouflé avec passage d'un cordon ;
Considérant que pour nier le caractère original de ce modèle les sociétés intimées soutiennent qu'il serait 'basique' et élémentaire et présenterait pour seule particularité la forme ample qui se rencontre dans tous les vêtements destinés aux femmes fortes ;
Mais considérant que la robe revendiquée ne se caractérise pas seulement par sa forme ample mais par une combinaison d'éléments associant un dos du corps composé de trois pièces cousues ensemble de manière à constituer un empiècement cintrant le vêtement au niveau du haut du dos, un avant du corps formé d'une seule pièce et orné sur le bas, d'une couture apparente, une asymétrie entre les côtés de la robe et le milieu de la robe dont les longueurs sont différentes, un ourlet à l'aspect boursouflé ;
Considérant que s'il n'est pas contesté que ce modèle de robe a été étudié de façon à affiner la silhouette des femmes fortes, il n'en demeure pas moins que les caractéristiques, telles que précédemment décrites, regardées non pas isolément mais dans leur ensemble, lui confèrent une physionomie propre, qui le distingue des autres modèles du même genre ;
Que force est à cet égard de souligner que les sociétés intimées se gardent de produire ne serait-ce qu'un seul modèle susceptible de justifier de la prétendue banalité de la robe revendiquée ;
Considérant qu'il s'infère de ces observations que la robe DTM 980 de la société SELYS porte l'empreinte d'une liberté créatrice de son auteur qui a pu exprimer, en dépit des contraintes tenant à la clientèle ciblée, des choix personnels et des parti-pris esthétiques et présente en conséquence l'originalité requise pour accéder au statut d'oeuvre de l'esprit éligible à la protection par le droit d'auteur ;
Que le jugement déféré sera réformé sur ce point ;
Considérant que le modèle de top 01078 se présente comme un top débardeur, long, sans manches, en jersey froissé, comportant les mêmes caractéristiques (exception faite pour les manches) que la robe DTM 980, précédemment évoquée, dont il constitue une adaptation ;
Considérant que les motifs selon lesquels il a été conclu à l'originalité de la robe DTM 980 valent pour le modèle de top 01078 qui présente la même forme en plus court et sans manches ;
Que c'est dès lors à tort que les premiers juges ont dénié au modèle en cause tout caractère original ;
Considérant que la veste courte 01076 est définie par la société SELYS comme une veste déstructurée, en jersey froissé, constituée de plusieurs pièces rectangulaires, de taille dégressive en avançant vers les manches, cousues les unes aux autres, d'un col carré, bordé par une couture apparente, d'imposants boutons coco, d'un ourlet boursouflé laissant accroire au passage d'un cordon ;
Considérant que les sociétés intimées ne contestent pas sérieusement le caractère original de la veste et se bornent à soutenir que les coutures apparentes ne sont pas de nature à justifier d'une originalité ;
Or considérant que la société SELYS ne revendique pas seulement les coutures apparentes mais un ensemble d'éléments dans un agencement particulier ;
Et considérant que la Cour relève en effet, au terme d'un examen global, prenant en compte non pas chacune de ses caractéristiques isolément mais toutes ses caractéristiques combinées ensemble, que le modèle de veste concerné, présente une physionomie singulière, qui le distingue d'autres modèles de type déstructuré et qui porte la trace d'une recherche esthétique de son auteur ;
Considérant que le modèle de veste est en conséquence original, ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal, et bénéficie de la protection instituée au titre du droit d'auteur ;
Considérant que la société SELYS définit le modèle de pantalon 01077 comme un pantalon en jersey froissé dont les caractéristiques originales et nouvelles sont une coupe stylisée droite, des coutures apparentes, purement esthétiques sur le bas de chaque jambe, une ceinture bouffante ;
Or considérant qu'il ressort de l'examen de la Cour que le modèle en cause donne à voir une coupe droite dépourvue du moindre caractère stylisé, qu'une telle coupe, associée à une ceinture bouffante, évoque le fonds commun du pantalon de pyjama, que la présence de coutures apparentes sur le bas de chaque jambe, obéit certes à des considérations d'ordre esthétique, mais ne suffit pas à donner au modèle en cause une physionomie propre susceptible de le différencier d'autres modèles du même genre ;
Qu'il s'infère de ces éléments que le pantalon de la société SELYS ne révèle aucun apport créatif de son auteur et ne saurait en conséquence caractériser une oeuvre de l'esprit digne de protection par le droit d'auteur ;
Que le jugement déféré mérite sur ce point confirmation ;
Sur la contrefaçon,
Considérant que les actes incriminés de contrefaçon ne sont pas discutés par la société NYGEL qui ne conteste pas avoir offert à la vente les modèles argués de contrefaire, respectivement, la robe DTM 980, le top 01078, la veste courte 01076 ;
Considérant qu'il résulte de l'examen auquel la Cour a procédé, que les pièces incriminées réalisent respectivement la reproduction servile, ce que la société NYGEL ne discute pas davantage, des modèles originaux précités dont l'ensemble des caractéristiques sont reproduites selon la même combinaison ;
Qu'il s'ensuit que la contrefaçon, caractérisée selon les dispositions de l'article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle, par toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle de l'oeuvre, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est en l'espèce établie à la charge de la société NYGEL pour la robe DTM980, le top 01078, la veste courte 01076 ;
Considérant qu'il ressort du procès-verbal de Me ALLAIRE en date du 31 mars 2008, que les opérations de saisie-contrefaçon diligentées au magasin BABOU de Bagnolet n'ont pas permis d'établir la présence sur les lieux d'articles suspectés de contrefaçon du modèle de robe DTM980 et du modèle de veste courte 01076 ;
Considérant que la contrefaçon ne saurait dès lors être retenue à la charge de la société BABOU pour les deux modèles précités ;
Considérant qu'il n'est pas contesté en revanche que l'huissier instrumentaire a relevé la présence dans le magasin de débardeurs dont la société BABOU ne discute pas qu'ils reproduisent l'ensemble des caractéristiques du modèle de top 01078 de la société SELYS ;
Que la contrefaçon sera en conséquence retenue à la charge de la société BABOU pour le modèle de top concerné ;
Sur la demande en concurrence déloyale et parasitisme,
Considérant que la société SELYS fait grief aux sociétés intimées, au fondement des dispositions de l'article 1382, d'avoir vendu des copies serviles de ses modèles originaux à vil prix ;
Or considérant que la servilité de la reproduction constitue un facteur aggravant de la contrefaçon, dont il sera tenu compte ci-après au titre des mesures réparatrices, et non pas un acte distinct de la contrefaçon ;
Considérant qu'il n'est pas justifié par ailleurs d'une pratique de vente à perte préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la liberté du commerce et de l'industrie ;
Considérant enfin que la société SELYS ne justifie pas des investissements consacrés aux modèles opposés dont elle ne démontre pas davantage qu'ils constituent, par la publicité qui en est faite, des produits phares, aptes à l'identifier auprès du public ;
Qu'elle n'est pas fondée, en conséquence, à reprocher aux sociétés intimées, d'avoir cherché, en l'imitant, à détourner sa clientèle et à tirer profit du succès rencontré par ses produits ;
Qu'il suit de ces observations que la faute de concurrence déloyale et parasitisme n'est pas caractérisée en la cause ;
Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;
Sur les mesures réparatrices,
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, la juridiction prend en compte, pour fixer les dommages-intérêts, les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ;
Considérant qu'il résulte des informations recueillies au terme des opérations de saisie-contrefaçon, que la société NYGEL a été trouvée en possession de 79 robes contrefaisantes vendues au prix unitaire de 6,50 euros, 113 vestes courtes déstructurées contrefaisantes, vendues au prix unitaire de 6 euros, 164 modèles de débardeurs sans manches semblables au top 01078 de la société SELYS, vendus au prix unitaire de 6 euros tandis que la présence de 13 débardeurs contrefaisants a été constatée au magasin BABOU, offerts à la vente au prix unitaire de 12,99 euros pour le modèle sans manches et de 12,99 euros pour le modèle avec manches ;
Or considérant que l'offre massive à la vente d'articles de contrefaçon à bas prix banalise le modèle original et porte atteinte à sa valeur patrimoniale, que de surcroît, le caractère servile des copies réalisées contribue nécessairement à avilir ce modèle et à le déprécier aux yeux de la clientèle ;
Considérant qu'au regard des principes posés par les dispositions précédemment rappelées et des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, il y a lieu de condamner la société NYGEL à payer à la société SELYS la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts et la société BABOU à payer à la société SELYS la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que la mesure de publication judiciaire à titre d'indemnisation complémentaire n'est pas justifiée dans les circonstances de la cause ;
Considérant qu'une mesure d'interdiction sous astreinte sera prononcée dans les termes du dispositif ci-après, que les mesures de confiscation et de destruction ne s'imposent pas, en revanche, l'interdiction étant suffisante au regard de la nécessité de faire cesser les faits illicites et de prévenir leur renouvellement ;
Sur l'appel en garantie,
Considérant qu'il est constant que la société NYGEL a fourni à la société BABOU les produits contrefaisants et qu'il n'est pas discuté que la garantie recherchée par la société BABOU ne repose pas sur un fondement contractuel mais sur les dispositions de l'article 1625 du Code civil ;
Or considérant que la garantie d'éviction instituée à l'article précité ne saurait permettre à la société BABOU, professionnel averti de la vente au détail de vêtements de prêt à porter, de s'exonérer de l'obligation de s'assurer de la licéité des produits qu'elle propose à la vente ;
Et considérant que la société BABOU ne justifie en l'espèce d'aucune démarche ni d'une quelconque initiative en ce sens ;
Qu'il s'ensuit que la demande en garantie n'est pas fondée ;
PAR CES MOTIFS:
Réforme le jugement déféré, sauf en ce qu'il déboute la société BABOU de sa demande en nullité des opérations de saisie-contrefaçon du 31 mars 2008 et en ce qu'il déboute la société SELYS de sa demande en concurrence déloyale,
Statuant à nouveau dans les limites de l'appel,
Condamne la société NYGEL à payer à la société SELYS la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir contrefait la robe DTM 980, la veste 01076, le top 01078,
Condamne la société BABOU à payer à la société SELYS la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour avoir contrefait le top 01078,
Déboute la société BABOU de son appel en garantie,
Interdit aux sociétés NYGEL et BABOU de poursuivre l'offre en vente des produits illicites sous astreinte provisoire de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt,
Rejette toute demande contraire aux motifs de l'arrêt,
Condamne in solidum les sociétés NYGEL et BABOU aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la société SELYS une indemnité de 9.000 euros au titre des frais irrépétibles.