CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 20 mai 2009, n° 07/05927
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Monsieur G. F
Défendeur :
Monsieur F. G, S.A.R.L. POPIMS ONE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Monsieur Didier PIMOULLE
Conseillers :
Madame Dominique ROSENTHAL, Mme Brigitte CHOKRON
Avoués :
Me Louis-Charles HUYGHE, SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT
Avocats :
Me Édouard P, Me Philippe R
ARRET : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
VU l'appel relevé par M. Gonzague F du jugement du tribunal de commerce de Paris (10ème chambre,n°de RG : 2005/044460), prononcé le 9 mars 2007;
VU les dernières conclusions de l'appelant (4 mars 2009) ;
VU les dernières conclusions (13 mars 2009) de M. Franck G et de la S.A.R.L POPIMS ONE, intimée ;
SUR QUOI,
Considérant que, par contrat du 30 avril 2004, M. F s'est vu concéder par la société POPMS ONE une sous-licence d'exploitation l'autorisant à fabriquer et commercialiser des objets comportant l'utilisation d'une technologie brevetée par M. G et d'autres inventeurs qui eux-mêmes avaient consenti une licence d'exploitation non exclusive à cette société ; que M. F, estimant que certains des objets qu'il avait conçus dans le cadre de ce contrat et dont il avait déposé les modèles à l'INPI avaient été présentés sans son accord sur le site internet des inventeurs et présentés à la vente par la société POPIMS ONE, a assigné M. G et ladite société en contrefaçon, demandant qu'ils soient condamnés, sous astreinte, à retirer du site web et à lui remettre les objets contrefaits, à produire tous documents nécessaires à la détermination de son préjudice, à lui payer une indemnité provisionnelle de 5.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à ses droits et une autre, d'égal montant, en réparation de la concurrence déloyale dont il disait avoir fait l'objet, outre une indemnité de procédure et la publication du jugement ;
Que les défendeurs ont conclu à l'irrecevabilité de ces prétentions en ce qu'elles étaient dirigées contre M. G, se sont opposés à celles dirigées contre la société POPIMS ONE en arguant de la nullité des dépôts des dessins et modèles revendiqués par M. F et ont reconventionnellement demandé qu'il leur soit donné acte de la résiliation, au 16 mars 2005, du contrat de sous-licence du 30 avril 2004 aux torts exclusifs de M. F et que ce dernier soit condamné à remettre à la société POPIMS ONE l'outillage financé par lui, à cesser de fabriquer et commercialiser les objets prévus par le contrat et à leur payer des dommages- intérêts pour procédure abusive et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, a déclaré M. F irrecevable à agir contre M. G et l'a débouté de ses prétentions en jugeant la contrefaçon alléguée privée de matérialité et a rejeté par ailleurs, faute de preuves, les demandes reconventionnelles tendant à la nullité des modèles et à la résiliation du contrat ;
1. Sur la recevabilité des demandes dirigées contre M. G :
Considérant que M. G demande qu'il lui soit donné acte «de ce qu'il n'est pas le titulaire du site internet qui appartient à la société POPIMS ONE, et de ce qu'il est dépourvu de toute qualité permettant de lui imputer les faits de contrefaçon allégués» ; qu'il prétend ainsi opposer à M. F, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, une fin de non recevoir tirée de «ce qu'il n'a pas la qualité requise pour être défendeur» (17eme page de ses dernières conclusions) ;
Mais considérant que les faits allégués par M. F consistent en la présentation des objets argués de contrefaçon sur un site internet associé à celui de la société POPIMS ONE ; que les parties s'opposent sur la responsabilité de M. G dans l'élaboration du contenu de ce site, l'appelant persistant à affirmer que sa situation de dirigeant de fait de la société POPIMS ONE se déduit de la circonstance que diverses recherches effectuées sur internet en rapport avec la technologie en cause conduisent au nom de son inventeur, tandis que les intimés soulignent que M. Franck G n'a pris aucune part à la direction de la société, seule responsable du contenu de son site internet ;
Considérant que la question ainsi posée ne concerne pas la qualité à agir au sens des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile relatives aux « cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé », mais suppose, tout au contraire, une appréciation au fond de la responsabilité de droit ou de fait de M. G et de l'imputabilité éventuelle des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale allégués ;
Qu'il en résulte que c'est à tort, et par des motifs contradictoires, que le tribunal, croyant appliquer l'article 122 du code de procédure civile, a dénié à M. F le droit d'agir contre M. G en retenant après un examen au fond, au moins implicite, qu'il n'était pas établi que ce dernier fût le dirigeant de droit ou de fait de la société POPIMS ONE ; que le jugement sera réformé de ce chef ;
2. Sur la contrefaçon :
Considérant que M. F expose que ses créations, qui bénéficient de la protection des dessins et modèles après leur dépôt à l'INPI, ont été présentées sans son accord sur le site internet des inventeurs et proposés en même temps à la vente par la société POPIMS ONE, ces actes de contrefaçon ayant été mis en évidence par le constat dressé le 6 décembre 2004 par la SCP Guinot-Michelet, huissiers de justice associés à Paris ;
Que ce procès-verbal de constat (pièces 37, annexe 2 et 3 et 38 de l'appelant) établit en effet que le site internet de la société POPIMS ONE affichait, sous la rubrique « popims-squares », la représentation de douze objets dont M. F donne la liste (pièce 43) avec, pour chacun, la référence du dépôt à l'INPI du modèle correspondant et celle de la fiche établie par la société POPIMS ONE désignant M. F comme le détenteur des droits, soit un collier pendentif, un bouton de porte, un bouchon de carrelage, un cabochon d'interrupteur, un magnet, un support de brosse à dent, un pins, un porte clés porte jeton, une broche, un miroir de sac, un bloc notes et un étui pour paquet de cigarette ;
1.1. Sur la validité des modèles :
Considérant que les intimés contestent la validité des dépôts revendiqués par M. F en affirmant qu'ils ne relèvent pas d'une création artistique, mais d'une
pure application de la technologie qu'ils sont destinés à mettre en valeur et sont dépourvus de la moindre originalité et ne satisfont pas à la condition de nouveauté exigée par l'article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.511-3 du même code qu' «un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué» ;
Que les intimés, qui se limitent à une affirmation générale en s'abstenant de toute précision sur l'existence d'antériorités éventuelles de dessins ou modèles identiques à ceux déposés par M. F ne satisfont pas à la charge processuelle qui leur incombe ;
Considérant, au demeurant, que les objets dont les modèles ont été déposés par M. F présentent tous la caractéristique originale d'incorporer un élément de présentation d'une image dans un cadre susceptible de recevoir la technologie objet de la sous-licence concédée à M. F par la société POPIMS ONE, sans pour autant qu'une telle application soit une nécessité ;
1.2. Sur la matérialité :
Considérant que les intimés ne contestent pas les circonstances alléguées par M. F mais font valoir que la société POPIMS ONE ne s'est livrée à aucune opération commerciale portant sur les objets dont l'image a été ainsi présentée ; que la reproduction des pages du site internet de cette société, telles que versées au débat, ne comportent aucune adresse ou autre indication de nature à orienter la personne qui les consulte vers un site marchand où lesdits objets seraient offerts à la vente ; que les images litigieuses, qui figurent à la suite d'un texte de deux pages présentant la technologie Popims et expliquent les améliorations que celle-ci apporte par rapport à celle des réseaux lenticulaires connus jusque- là ne font qu'en illustrer les diverses possibilités d'application ; qu'elles n'ont aucune finalité mercantile se rapportant aux objets pour eux-mêmes et n'ont d'autre but que la seule promotion de la technologie commercialisée par la société POPIMS ONE ;
Mais considérant que la société POPMS ONE, en s'appropriant pour les présenter sur son propre site internet l'image des objets conçus par M. F sans avoir obtenu préalablement son accord et pour la promotion de sa propre activité commerciale et les besoins de son exploitation, a commis des actes de contrefaçon ;
Considérant qu'il en résulte que les modèles sont valables et que la matérialité de la contrefaçon est établie ; que le jugement sera réformé sur ce point ;
1 .2. Sur l'imputabilité :
Considérant qu'aucune des pièces versées au débat par l'appelant ne vient étayer la thèse de celui-ci selon laquelle M. Franck G, tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant des inventeurs, aurait été titulaire du site Internet de la société POPIMS ONE sur lequel les actes de contrefaçon ont été commis ; que M. G n'a jamais été le représentant légal de la société POPIMS ONE ; que la circonstance que M. G ait pu contribuer à la rédaction de lettres contentieuses adressées à M. F par la société POPIMS ONE sous la signature de M. C, son gérant, ne peut être regardée comme caractéristique d'un acte de gestion ou d'immixtion dans la direction de la société susceptible de faire peser sur M. G une responsabilité au titre de la gérance de fait ; que les demandes dirigées contre ce dernier par M. F seront rejetées ;
1.3. Sur le préjudice :
Considérant qu'il a été précédemment indiqué que la société POPMS ONE n'avait procédé à aucun acte de commercialisation portant directement sur les objets conçus par M. F ;
Qu'il en résulte, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux mesures sollicitées par M. F pour déterminer l'étendue exacte de son préjudice, que la cour est en mesure, au vu des éléments du débat, de fixer à 5.000 euros le montant des dommages-intérêts qui lui sont dus ;
3. Sur la concurrence déloyale :
Considérant que M. F demande à la cour de «dire et juger que l'appropriation, la présentation et la commercialisation, en connaissance de cause des objets créés par [lui] sont constitutives d'une concurrence déloyale de la part de Mr Franck G, des inventeurs qu'il représente et de la société POPIMS ONE» ;
Mais considérant que l'appelant n'invoque aucune circonstance distincte de l'ensemble des faits retenus au titre de la contrefaçon et n'apporte au débat aucun élément de nature à établir la consistance d'un préjudice distinct de celui précédemment examiné qui lui a été causé par la présentation, sans son accord, de l'image des objets de sa conception sur le site internet de la société POPIMS ONE ; que sa demande tendant à la condamnation des intimés à lui payer à ce titre 30.000 euros de dommages-intérêts sera rejetée ;
4. Sur la résiliation du contrat de sous-licence :
Considérant que le contrat intitulé «sous-licence d'exploitation et accord de distribution» conclu le 30 avril 2004 entre la société POPMS ONE, d'une part, et M. F, d'autre part, comporte, en son article 1, les dispositions suivantes :
«1 Droit de substitution au profit du SOUS-LICENCIÉ
1.1 Monsieur Gonzague F, bénéficiaire du présent contrat, de ces annexes et des fiches Objets, a le droit de se substituer toute société de son choix pour l'exécution de l'ensemble du présent contrat, dans un délai de trois mois.
1.2 Cette substitution sera valable uniquement si deux conditions suivantes sont cumulativement réunies.
- M. F doit être l'actionnaire majoritaire de la société considérée lors de la substitution,
- M. F doit avoir informé POPIMS ONE de la substitution dans un délai de 8 jours après ladite substitution.
1.3 Dès que la substitution aura été signifiée à POPIMS ONE conformément à l'article précédent, le présent contrat aura pour parties POPIMS ONE d'une part et le bénéficiaire de la substitution d'autre part.» ;
Considérant que les circonstances suivantes sont établies par les pièces versées au débat :
- le 20 juillet 2004 a été constituée entre M. Gonzague F et Mme Florence Fassard une S.A.R.L dénommée PIMOUV' ayant notamment pour objet « la fabrication, la production, la commercialisation, l'importation de produits et d'objets, ainsi que l'acquisition et l'exploitation de licences, de brevets d'invention en vue de leur exploitation. » et dont le capital, fixé à 20.000 euros est divisé en 1.000 parts de 20 euros chacune, attribuées aux associés en proportion de leurs apports, soit 100 parts à Mme Florence Fassard et 900 parts à M Gonzague F,
- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 juillet 2004 parvenue entre les mains du destinataire le 9 août 2004, M. Gonzague F a informé la société POPIMS ONE du transfert du contrat de sous-licence au bénéfice de la société PMOUV',
- l'acte constitutif de la société PIMOUV' a été publié le 29 juillet 2004 et la société a été immatriculée le 2 août 2004, l'exploitation ayant débuté le 20 juillet 2004,
- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juillet 2004, la société PMOUV'a confirmé à la société POPIMS ONE qu'elle reprenait à sa charge les obligations figurant au contrat de sous-licencié qui lui avait été transféré par M. F ;
Considérant que la société PIMOUV' a adressé le 21 septembre 2004 à la société POPIMS ONE une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, reçue le 22 septembre 2004, répondant à une précédente lettre du 16 août contenant divers reproches formulés par la société POPIMS ONE contre M. F personnellement ;
Considérant qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la société POPIMS ONE aurait contesté les termes de la lettre de la société PiMOUV'lui confirmant la substitution dont elle avait été précédemment avisée par M. F ;
Considérant que, le 7 décembre 2004, la société POPIMS ONE a adressé à M. F personnellement une nouvelle lettre le mettant en demeure de se conformer à certaines obligations du contrat ; que cette lettre comporte le passage suivant : « Vous nous avez annoncé avoir transféré le Contrat à une société Pimouv' en application de l'article 1 du Contrat. Cette soit-disant substitution est sans valeur car elle n'a pas respecté les conditions prévues au Contrat. Nous ne pouvons donc que considérer que nous restons liés contractuellement à vous à titre personnel et que nous n'avons jamais eu et n'avons pas à ce jour de relation contractuelle avec cette société Pimouv'.» ; qu'il n'y est fait nulle mention des motifs de contestation de la substitution ;
Considérant, en toute hypothèse, que la cour constate que les seules conditions prévues par l'article 1, ci-dessus reproduit, du contrat de sous-licence pour que la substitution prenne effet, à savoir, d'une part que la capital de la société substituée soit détenu en majorité par M. F, d'autre part que la société POPIMS ONE soit avertie par ce dernier dans les huit jours de la substitution et que celle-ci intervienne dans les trois mois de la signature du contrat de sous-licence sont réunies ; qu'il en résulte, du seul fait de l'application des dispositions contractuelles auxquelles la société POPIMS ONE a librement consenti, que la substitution a pris effet et que le cocontractant de la société POPIMS ONE est, non pas M. F personnellement, mais la société PIMOUV';
Qu'il suit de là que les demandes reconventionnelles présentées par la société POPIMS ONE se rapportant à l'exécution ou à la résiliation du contrat de sous-licence, en ce qu'elles sont dirigées, non contre la société PIMOUV', mais contre M. F, ne peuvent être accueillies ;
5. Sur les autres demandes :
Considérant qu'il résulte du sens de la présente décision que M. F n' a pas commis de faute dans l'exercice de son droit d'agir en justice ; que la demande de dommages- intérêts pour procédure abusive présentée par les intimés sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris, STATUANT à nouveau,
CONDAMNE la S.A.R.L POPIMS ONE à payer à M. Gonzague F 5.000 euros de dommages-intérêts,
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes contraires à la motivation,
CONDAMNE la S.A.R.L POPIMS ONE aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à M. Gonzague F 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.