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Décisions

CA Dijon, ch. civ. B, 5 juin 2007, n° 06/02182

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Lease Group (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Littner

Conseillers :

Mme Vieillard, Mme Vautrain

Avoués :

SCP André-Gillis, SCP Fontaine-Tranchand & Soulard

Avocats :

SCP du Parc Huguenin Decaux et Associés, SCP J-P Marque, F. Monneret, A. Marque

T. com. Dijon, du 28 nov. 2006, n° 06/00…

28 novembre 2006

Exposé du litige :

Par acte sous seing privé du 19 mars 2004 Monsieur X, artisan terrassier, a souscrit auprès de la société BNP PARIBAS LEASE GROUP un contrat de crédit-bail portant sur une chargeuse pelleteuse dont le prix d'acquisition HT était de 75 463 euros.

Les loyers mensuels n'étant plus payés à compter de celui de mai 2005, la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP a, par lettres recommandées avec accusé de réception des 2 août et 9 septembre 2005, mis Monsieur X en demeure de régulariser les arriérés et de restituer le matériel.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 septembre 2005, elle lui a fait connaître qu'il était redevable de l'indemnité de résiliation, ce qui portait le montant de la créance à 90 828,69 euros.

Par acte d'huissier du 9 mars 2006 elle l'a assigné devant le tribunal de commerce de Dijon afin de voir constater la résiliation du contrat, ordonner la restitution du matériel et obtenir sa condamnation au règlement des sommes dues.

Par jugement du 4 juillet 2006 cette juridiction a prononcé le redressement judiciaire de Monsieur X et désigné Maître Y en qualité de représentant des créanciers; la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP a déclaré sa créance entre les mains de ce dernier puis l'a assigné en intervention forcée en demandant au tribunal de fixer sa créance à la somme de 90 828,69 euros.

Elle a par ailleurs saisi le juge commissaire, par requête du 4 septembre 2006, d'une demande de restitution du matériel loué.

Cette requête a été rejetée par ordonnance du 16 octobre 2006 au motif que le contrat n'était pas résilié à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP ne justifiait pas avoir demandé à Monsieur X s'il entendait le poursuivre.

Par jugement du 28 novembre 2006 le tribunal de commerce de Dijon a rejeté l'opposition formée à l'encontre de cette ordonnance et a condamné la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP à payer à Monsieur X la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA BNP PARIBAS LEASE GROUP a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 13 février 2007 elle demande à la Cour de :

- réformer la décision entreprise

- constater la résiliation du contrat de crédit-bail

- ordonner la restitution du matériel.

Elle fait valoir que le bénéfice de la clause résolutoire de plein droit était acquis avant l'ouverture de la procédure collective et qu'elle a toujours manifesté sans équivoque sa volonté de se prévaloir de cette clause.

Par acte d'huissier du 19 février 2007 la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP a fait assigner Maître Y devant la Cour. Celui-ci n'a pas constitué avoué.

Par conclusions déposées le 30 mars 2007 Monsieur X demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris

- ordonner la poursuite du contrat de crédit-bail

- débouter la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP de toutes ses demandes

- la condamner à lui payer la somme complémentaire de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il allègue qu'il résulte de la combinaison des articles L. 622-13 et L. 622-21 du Code de commerce qu'après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire aucun créancier ne peut exercer une action tendant à la résiliation d'un contrat ou à la constatation d'une clause résolutoire pour défaut de paiement d'une somme d'argent échue antérieurement à l'ouverture de cette procédure.

La procédure a été communiquée à Monsieur le Procureur Général qui a été avisé de la date de l'audience.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties à la décision déférée et aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'il résulte de l'article L. 622-21 et L. 631-14 du Code de commerce que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire interdit toute action tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ;

Que toutefois en cas de clause résolutoire le juge ne fait que constater la résolution et ne la prononce pas ;

Que dans les contrats autres que le bail commercial c'est l'événement générateur de la mise en oeuvre de la clause qui doit être pris en considération afin de déterminer si la résolution était acquise ou non avant le jugement d'ouverture ; qu'en effet dès lors que les conditions d'application de la clause sont réunies et que le créancier a exprimé sa volonté de la mettre en oeuvre, la résolution est un droit ;

Que lorsque la clause résolutoire de plein droit stipule que le défaut de paiement d'une seule échéance entraîne la résolution du contrat, c'est au jour de l'exigibilité de l'échéance qu'il faut se placer afin de déterminer si la clause a produit ses effets avant ou après le jugement d'ouverture, alors même que la sommation de payer est intervenue après ;

Que l'article 8 du contrat de crédit-bail en date du 19 mars 2004 prévoit que « sans qu'il y ait besoin d'aucune formalité judiciaire, le locataire reconnaissant avoir été mis en demeure par les présentes, le présent contrat peut être résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, dans les cas suivants : non-respect de l'un des engagements pris au présent contrat et notamment le défaut de paiement d'une échéance ou de toute somme due en vertu du contrat » ;

Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 août 2005 la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP a mis en demeure Monsieur X de restituer le matériel loué sous huit jours, la mise en demeure de régler les loyers étant restée sans effet; qu'elle précisait qu'à défaut il serait redevable de l'indemnité de résiliation ;

Que le même avertissement a été adressé à l'intimé le 9 septembre 2005 ;

Qu'enfin par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 septembre 2005 la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP a fait connaître à Monsieur X que la mise en demeure de payer et celle de restituer le matériel étant restées sans effet, il était redevable de l'indemnité de résiliation, ce qui portait le montant de sa créance à 90 828,69 euros; que cette lettre était accompagnée d'un décompte portant la mention « contrat résilié le 21 septembre 2005 » ;

Que la BNP PARIBAS LEASE GROUP a donc clairement manifesté sa volonté de mettre en oeuvre la clause résolutoire; que celle-ci était donc acquise antérieurement au jugement prononçant le redressement judiciaire ;

Que Monsieur X ne prouve pas que, comme il l'indique dans ses écritures, la BNP a continué de lui écrire « au sujet du contrat non résilié » ;

Que postérieurement à l'ouverture de la procédure la banque n'a saisi le tribunal que d'une demande aux fins de constater la résiliation et non de la prononcer ;

Qu'en application de l'article L 624-12 du Code de commerce la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP est donc fondée à solliciter la restitution du matériel.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement rendu le 28 novembre 2006 par le tribunal de commerce de Dijon en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare fondée l'opposition formée par la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP à l'encontre de l'ordonnance rendue le 16 octobre 2006 par le juge commissaire de ce même tribunal,

Constate la résiliation du contrat de crédit-bail en date du 19 mars 2004 à la date du 21 septembre 2005,

En conséquence ordonne la restitution à la SA BNP PARIBAS LEASE GROUP de la chargeuse pelleteuse midi pelle chenilles n° de série 1102, contrat n° M 0011571001,

Dit que l'huissier compétent pourra procéder à l'appréhension du matériel tant entre les mains du débiteur que de tout tiers détenteur et si besoin avec l'assistance des personnes prévues par l'article 21 de la loi du 9 juillet 1991 et se fera remettre tous les documents se rapportant audit bien,

Condamne Monsieur X aux dépens de la procédure d'appel,

Admet la SCP ANDRE & GILLIS, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.