CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 25 janvier 2007, n° 05/03969
CAEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Olibi Basse Normandie (SARL)
Défendeur :
Nouvelle Imprimerie Normandie de Continu (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fèvre
Conseillers :
Mme Holman, Mme Boissel Dombreval
Avoués :
SCP Parrot Lechevallier Rousseau, SCP Dupas-Trautvetter Ygouf Balavoine Levasseur, SCP Terrade Dartois
Avocat :
Me Apery
La Cour,
Vu le jugement du Tribunal de Commerce de COUTANCES du 2 décembre 2005 qui a débouté la SARL Imprimerie OLIBI, qui avait vendu une machine " CODA M16 ", à la SARL Société Nouvelle Imprimerie Normande de Continu SNINC qui a été déclarée en liquidation judiciaire de sa demande en restitution de la machine, et a confirmé l'ordonnance du juge commissaire qui avait rejeté la requête en revendication présentée par la SARL Imprimerie OLIBI ;
Vu l'appel de la SARL OLIBI Basse-Normandie et ses conclusions du 28 novembre 2006 par lesquelles elle demande à la Cour de réformer le jugement ; constater l'accord intervenu entre elle-même et SNINC sur la restitution de la machine avant la procédure collective ; dire qu'il n'y avait pas lieu à revendication ; subsidiairement déclarer OLIBI recevable et bien fondée en sa demande en revendication ; constater que la machine lui a déjà été restituée et réclame 2. 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions du 29 novembre 2006 de Maître X, liquidateur judiciaire de la SARL SNINC, qui demande à la Cour de déclarer la SARL OLIBI irrecevable en son appel, à tout le moins infondé ; débouter la SARL OLIBI de ses demandes ; la condamner à lui payer 3. 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Vu les conclusions du 10 octobre 2006 de la SNINC représentée par son mandataire ad hoc qui demande la confirmation du jugement ;
Attendu que Maître X déclare, à l'appui de son moyen d'irrecevabilité de l'appel, que l'appelante ne critique pas le jugement, celui-ci l'ayant déboutée de sa revendication et l'appelante retenant à titre principal que la revendication n'a pas lieu d'être ; mais que toutes les demandes de la SARL
OLIBI, tant en première instance que devant la Cour tendent à une même fin : se
voir reconnaître son droit de propriété et la légitimité de la prise de possession de la machine qui lui a été restituée postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; que le tribunal le lui a refusé en la déboutant de son opposition à l'ordonnance du 28 juillet 2005 du juge-commissaire qui avait rejeté une requête en revendication ; que pour aboutir à cette décision, le tribunal a estimé qu'OLIBI ne rapportait pas la preuve d'un écrit (portant clause de réserve de propriété) antérieur ou concomitant à la livraison ; qu'il a donc refusé de reconnaître le droit de propriété d'OLIBI et la légitimité de sa prise de possession ; que celle-ci a intérêt à l'appel et que par ses demandes et moyens devant la Cour, elle critique le jugement, soutenant notamment qu'existe une " preuve que cette clause de réserve de propriété a été convenue entre les parties dans un écrit établi au plus tard le jour de la livraison ", ce qui est directement contraire à l'affirmation du tribunal ; qu'il s'en suit que l'appel est recevable ;
Attendu que la machine CODA M16 a été vendue par OLIBI à la SNINC en août 2003 ; que la SNINC a été déclarée en liquidation judiciaire le 12 avril 2005 ; qu'OLIBI a repris la machine se trouvant alors dans les locaux de SNINC le 2 juillet 2005 ; qu'elle fait valoir que les parties s'étaient mises d'accord sur la restitution de la machine avant la procédure collective et en déduit que la revendication ne s'imposait pas ;
Attendu que par lettre du 18 octobre 2004 OLIBI protestait auprès de la SNINC du fait qu'un chèque correspondant à une " mensualité de la machine CODA M16 que nous vous avons vendue en août 2003 " était revenu impayé ; ajoutant que " dans ces conditions nous ne pouvons continuer à vous laisser exploiter " notre matériel " et que faute de régularisation " nous prendrons toutes les dispositions nécessaires pour récupérer notre bien... " ; que le 11 mars 2005, la SNINC écrivait à OLIBI au sujet de la vente de la machine "... cette vente devenait définitive après le paiement complet du prix... les circonstances économiques exceptionnelles nous obligent à renoncer à l'exploitation de cette machine... Nous vous demandons de reprendre cette machine et de nous établir un avoir des sommes restant dues du 31 mars 2005 au 31 août 2008... " qu'une dispense de pénalités prévues aux conditions générales de vente était aussi demandée ; que cette lettre était signée du gérant de la SNINC M. Y ; que par lettre du 15 mars 2005, signé de son gérant M. Olivier A..., OLIBI acceptait ces conditions et confirmait son accord " pour reprendre dès la fin du mois de mars 2005 notre CODA M16 de 1993 avec tous les accessoires " ; que cet échange de correspondances manifeste clairement et donc vaut l'accord des parties pour mettre fin au contrat ; que cet accord est une résolution amiable et contractuelle de la vente intervenue le 15 mars 2005, antérieurement au jugement déclaratif du 12 avril 2005, prévue par l'article L 621-118 1er alinéa in fine du code du commerce ; que Maître X soutient qu'une condition résolutoire n'a pas été stipulée mais que la condition résolutoire en cas d'inexécution est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques ; que le paiement du prix est l'obligation essentielle de l'acheteur ; que le prix n'a pas été régulièrement payé ; qu'il résulte des termes de la lettre du 11 juillet 2005 de la SNINC qu'elle ne pouvait plus payer ;
Attendu qu'il est constant que la machine se trouvait en nature dans les locaux de la SNINC lors de l'ouverture de la procédure collective ; qu'OLIBI n'était pas dispensée de revendication ; que la résolution contractuelle de la vente pour défaut de paiement du prix et impossibilité de la payer antérieurement au jugement déclaratif a toutefois pour effet de dispenser OLIBI de l'obligation d'établir que les écrits comportant la clause de réserve de propriété, la facture et la non livraison aient effectivement existé à la date de livraison ;
Attendu au surplus que tel est apparemment le cas ; que le bon de livraison porte la date du 26 août 2003, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de la date effective de livraison ; qu'il comporte par deux fois, au recto et au verso, de manière très visible la phrase " la propriété des marchandises est réservée au vendeur jusqu'à complet paiement du prix ; qu'il importe peu que la date mentionnée par le gérant de SNINC, s'ajoutant à celle pré-imprimée et sa signature, aient été apposées postérieurement ; qu'il ne s'agit pas de conditions de validité de la clause à la date de livraison ; que la facture indiquant en gros caractères " réserve de propriété jusqu'au paiement complet du prix " porte aussi la date du 26 août 2003 ; que ni la fraude ni le faux ne se présument ni ne sont établis en l'espèce, sauf pour l'apposition, a posteriori mais facultative, des mentions manuscrites par le gérant de la SNINC ; que les termes des lettres précitées de SNINC supposent la parfaite connaissance par son dirigeant dès la conclusion du contrat de vente, de la clause de réserve de propriété ; que le fait que la clause de réserve de propriété ait été réitérée dans un écrit du 28 août 2003 signé des deux parties ne prouve pas que la question ait été abordée seulement à cette date ni en tous cas qu'elle n'ait pas figuré dans les factures et bons de livraison antérieurs ; que rien ne prouve ni même ne rend vraisemblable et qu'il est hautement imputable que les factures et bons de livraisons antérieurs à cet écrit n'aient pas comporté le clause ; que l'écrit du 28 août 2003 intitulé " avenant " et comportant ainsi une clause attributive de juridiction parait être une formalisation, à titre de précaution, de l'accord des parties ;
Attendu que Maître X remarque lui-même que le jugement d'ouverture a été publié au BODAAC le 3 mai 2005, que la revendication exercée le 7 juillet par lettre au juge commissaire a été faite dans les formes et délais légaux ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la SARL OLIBI a commis une irrégularité manifeste en retirant le 2 juillet 2005 la machine des locaux de la SARL SNINC en liquidation judiciaire sans attendre les résultats de sa revendication et même avant de l'avoir exercée, mais que cette revendication doit doublement être acceptée sur les fondements tant de l'article L. 621-118 1er alinéa in fine du code de commerce combinés avec les articles 1183 et 1184 alinéa 1er du code civil que de l'article L. 621-122 2e alinéa du même code de commerce dans leur rédaction applicable à l'espèce ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement et de faire droit à la demande subsidiaire de l'appelante ;
Attendu qu'il est équitable, notamment en raison de la faute commise par cette dernière, de lui laisser la charge de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS :
Dit l'appel recevable,
Infirme le jugement entrepris,
Dit fondé la revendication de la SARL OLIBI Basse-Normandie exerçant ou ayant exercé sous l'enseigne ou dénomination Imprimerie OLIBI portant sur la machine CODA M16 vendue avec réserve de propriété à la SARL SNINC qui s'était trouvée en nature dans les locaux de celle-ci à l'ouverture de la procédure collective,
Constate que la machine a déjà été restituée,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Met à la charge de Maître X et de la SARL SNINC représentée par son mandataire ad hoc les dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront pris en frais privilégiés de procédure collective et recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Collective.