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Décisions

Cass. com., 24 mai 2011, n° 10-15.760

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Bertrand, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Paris, du 27 janv. 2010

27 janvier 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2010), que la société Agilent Technologies Deutschland GmbH est titulaire, en vertu d'un contrat de cession du 29 octobre 1999, de la partie française du brevet européen EP 0309 596 ayant pour titre dispositif de pompage pour délivrer un liquide à haute pression délivré le 31 mars 1999 sur demande de la société Hewlett-Packard GmbH ; qu'un arrêt irrévocable du 7 avril 2004 a débouté la société Waters Corporation, de droit américain, et la société française Waters de leur demande en nullité des revendications 1 à 12 du brevet, retenu à la charge de ces dernières des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 10, 11 et 12 du brevet pour avoir fabriqué et vendu en France des appareils de chromatographie n° 2690, 2695, 2790 et 2795 ; que dans le cadre d'une procédure en liquidation de préjudice restée pendante, les sociétés Hewlett-Packard et Agilent Technologies Deutschland, estimant que les dispositifs de pompage commercialisés par les sociétés Waters à compter du mois d'août 2002, prétendument modifiés de manière à les exclure du champ du brevet, mettaient en oeuvre les revendications de ce brevet, ont demandé au tribunal d'étendre la mission de l'expert à ces actes de contrefaçon ; que la société Agilent Technologies France est intervenue volontairement à l'instance, en qualité de distributeur en France des appareils de chromatographie couverts par le brevet, pour obtenir réparation du préjudice causé par des faits de concurrence déloyale tant au titre des produits jugés contrefaisants par l'arrêt du 7 avril 2004 qu'au titre des produits modifiés ; que les sociétés Waters Corporation et Waters ont formé une action en déclaration de non-contrefaçon du brevet par les appareils modifiés ;


Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Hewlett-Packard GmbH, Agilent Technologies GmbH et Agilent Technologies France font grief à l'arrêt de dire que les appareils modifiés 2690, 2695, 2790 et 2795 équipés des logiciels 2.01, 2.02 ou 2.03 commercialisés par les sociétés Waters ne sont pas des contrefaçons de la partie française du brevet européen n°0 309 596, de les débouter en conséquence de leurs demandes et d'ordonner une mesure de publication, alors, selon le moyen :

1°/ que l'étendue de la protection conférée par un brevet européen est déterminée par la teneur de la revendication ; que si celle-ci peut-être interprétée par la description ou les dessins, il ne peut y être ajouté ; qu'en l'espèce, la revendication 1 du brevet couvre un dispositif de pompage caractérisé en ce qu'il comporte, de manière générale, « des moyens de commande (41, 42, 43, 44, 35) reliés aux moyens d'entraînement (30, 34 ; 31, 33 ; 32, 36) pour régler les longueurs de course des pistons (10, 20) entre leur point mort haut et leur point mort bas, respectivement, en réponse au débit d'écoulement désiré du liquide déchargé à la sortie du dispositif de pompage, le volume par course (c'est à dire la quantité de liquide déplacée pendant un cycle de pompage) diminuant lorsque le débit d'écoulement diminue et vice versa, de sorte que des pulsations dans l'écoulement du liquide déchargé à la sortie du dispositif de pompage sont réduite », sans préciser que ces moyens de commande permettraient un ajustement automatique des longueurs de course en fonction du débit d'écoulement souhaité ; qu'en retenant que la revendication 1 du brevet ne porterait que sur un « fonctionnement automatique des moyens de commande revendiqués », et partant, sur un dispositif permettant un ajustement automatique des longueurs de course en fonction du débit d'écoulement sélectionné, la cour d'appel a ainsi ajouté à la revendication 1 une caractéristique qu'elle ne comporte pas et a, par là même, restreint la teneur de cette revendication, en violation des articles 69 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur le brevet européen et L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'en se fondant, pour écarter la contrefaçon du brevet n° 0 309 596, tant par reproduction que par fourniture de moyens, sur le fait que ledit brevet n'aurait pas pour objet de couvrir un ajustement manuel de la longueur de course des pistons en fonction du débit désiré, la cour d'appel a apprécié la contrefaçon sur la base d'une lecture erronée de la revendication 1 du brevet, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences, et se caractérise par la reproduction des moyens essentiels constituant l'invention ; qu'en relevant, pour écarter la contrefaçon, que dans les appareils Waters modifiés, les pulsations seraient éliminées en rendant identiques la pression à l'intérieur de la première pompe et la pression de sortie du système de pompage au moment de la phase de transfert de la première pompe vers la deuxième pompe, quand il lui appartenait, indépendamment de l'adjonction de ces caractéristiques, de rechercher si les moyens essentiels constituant l'invention protégée par la revendication 1 du brevet n° 0 309 596 n'étaient pas reproduits par les appareils Waters modifiés, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation des articles L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, contrairement aux affirmations du moyen, n'a pas ajouté à la revendication n°1 mais n'a fait qu'interpréter celle-ci à l'aide de la description ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que les appareils Waters modifiés ne reproduisent ni les caractéristiques du dispositif de pompage couvert par le brevet en ce qu'il recherche la réduction des pulsations par l'action des moyens de commande du dispositif qui, reliés aux moyens d'entraînement, règlent les longueurs de course des pistons en réponse au débit souhaité, ni la caractéristique selon laquelle le volume par course diminue avec un débit d'écoulement plus faible et vice versa ; qu'il retient encore que ce sont les moyens de commande reliés aux moyens d'entraînement qui assurent le réglage automatique de la longueur de course en réponse au débit d'écoulement désiré et non l'opérateur qui ne fait pas partie des moyens de commande de la revendication ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a pu déduire que les caractéristiques essentielles des dispositifs en cause ne présentaient pas de ressemblances suffisantes démontrant une contrefaçon, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Agilent Technologies France fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen, que les actions en contrefaçon et en concurrence déloyale ont des fondements distincts ; qu'en déboutant la société Agilent Technologies France de sa demande en concurrence déloyale, sans se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci, qui était fondée sur des faits distincts de la contrefaçon, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant confirmé le jugement en ce que celui-ci avait déclaré irrecevable l'action en concurrence déloyale de la société Agilent Technologies France, le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.