Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-16.816
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocat général :
Mme Henry
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 19-16.816 et n° P 19-17.154 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 5 février 2019), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Nord-Est (la banque) a, dans la limite des montants fixés par deux conventions de crédit global de trésorerie conclues les 3 novembre 2005 et 30 mars 2007 avec la société Nord voile, consenti à celle-ci deux prêts, respectivement de 189 700 et 150 000 euros, qui ont été réalisés le 26 juillet 2013.
3. N'ayant pas honoré ses engagements de remboursement, la société Nord voile a été mise en demeure, le 4 septembre 2014, de payer les sommes restant dues au titre des prêts. La même mise en demeure a été délivrée à M. L..., gérant de la société, qui s'était rendu caution solidaire de l'exécution des conventions de crédit global de trésorerie. Les créances de la banque ont été cédées à la société Intrum Justitia Debt Finance AG (la société Justitia).
4. Par un jugement du 30 septembre 2016, la société Nord voile a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde. Le 22 septembre 2017, un plan de sauvegarde a été adopté, prévoyant le règlement de la créance de la société Justitia en un unique dividende forfaitaire de 10 %, le 22 septembre 2018.
Examen des moyens des pourvois n° W 19-16.816 et n° P 19-17.154, rédigés en termes identiques, réunis
Sur les moyens, pris en leur première branche, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur les moyens, pris en leur seconde branche
Enoncé des moyens
6. La société Nord voile et M. L... font grief à l'arrêt de fixer au passif de la procédure de sauvegarde les créances de la société Justitia aux sommes de 53 445,23 euros outre intérêts au taux de 8,50 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, 202 234,83 euros outre intérêts au taux de 2 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, et de 158 633,96 euros outre intérêts au taux de 2,12 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, de condamner M. L... à payer les sommes de 189 700 euros au titre du prêt du même montant outre intérêts au taux de 2 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, et la somme de 150 000 euros au titre du prêt de 150 000 euros outre intérêts au taux de 2,12 % l'an majoré de six points à compter du 2 décembre 2014, de dire que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros outre intérêts ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde ou si ce plan est résolu et de débouter M. L... de toutes ses autres demandes et notamment de sa demande de délai de paiement, alors « que l'article L. 626-11 du code de commerce, issu de la loi du 26 juillet 2005, entré en vigueur le 1er janvier 2006, s'applique sans réserve aux procédures nouvelles et les cautions en bénéficient dès lors que la procédure collective est ouverte à la date du 1er janvier 2006, indépendamment de la date de leur engagement ; qu'en jugeant que cette disposition n'était pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005, la cour d'appel a violé l'article L. 626-11 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 626-11 du code de commerce :
7. Il résulte de ce texte que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde d'un débiteur en rend les dispositions opposables à tous, et qu'à l'exception des personnes morales, les cautions de ce débiteur peuvent s'en prévaloir, même si leur engagement est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 qui a introduit ce bénéfice à leur égard, dès lors que la procédure a été ouverte postérieurement.
8. Pour limiter la faculté pour M. L... de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde de la société Nord voile aux sommes dues au titre du cautionnement du 30 mars 2007, et rejeter sa demande d'inclusion de celles dues au titre du cautionnement du 3 novembre 2005, l'arrêt retient que l'article L. 626-11 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, n'est pas applicable au cautionnement donné le 3 novembre 2005 en garantie de la convention de crédit global consentie le même jour.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. En l'état des motifs critiqués par le moyen, qui ne viennent pas au soutien des chefs de dispositif relatifs aux condamnations prononcées contre la société Nord voile et contre M. L..., ni au soutien du chef de dispositif disant que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 30 mars 2007, ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde de la société ou si ce plan est résolu, la cassation n'atteint que ce dernier chef de dispositif en ce qu'il exclut de son champ la condamnation de M. L... à payer la somme de 189 700 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 3 novembre 2005.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il exclut du chef de dispositif disant que la condamnation à payer la somme de 150 000 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 30 mars 2007, ne pourra être mise à exécution contre M. L... qu'au terme du plan de sauvegarde de la société ou si ce plan est résolu, la condamnation de M. L... à payer la somme de 189 700 euros, outre intérêts, au titre du cautionnement du 3 novembre 2005, l'arrêt rendu le 5 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.