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Décisions

Cass. com., 21 avril 2022, n° 20-11.850

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocat :

Me Haas

T. com. Bordeaux, du 29 janv. 2019, n° 2…

29 janvier 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 septembre 2019), M. [G] est associé de la société par actions simplifiée Cosmopolite Wine et de la société à responsabilité limitée Emergence Bordeaux, dirigées par M. [F].

2. M. [G] a assigné les sociétés Cosmopolite Wine et Emergence Bordeaux ainsi que M. [F] en référé, aux fins de voir enjoindre à ce dernier, en ses qualités de président et gérant de ces sociétés, de produire, sous astreinte, certains comptes annuels et documents sociaux, et de voir ordonner une expertise de gestion.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. M. [F] et les sociétés Cosmopolite Wine et Emergence Bordeaux font grief à l'arrêt d'ordonner une expertise avec mission pour l'expert d'examiner le compte courant d'associé de M. [G], d'en indiquer le montant, d'en retracer l'évolution et de donner son avis sur l'utilisation qui en a été faite au regard de l'objet social, alors « qu'un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ; que l'examen du compte courant d'un associé, de son évolution et de l'utilisation qui en a été faite ne constituant pas une opération de gestion, la cour d'appel a, ordonnant une expertise sur ce point, violé l'article L. 223-37 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 223-37 du code de commerce, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

5. La conclusion d'une convention de compte courant d'associé, qui est une convention réglementée, constitue une opération de gestion au sens de l'article précité.

6. Après avoir relevé, d'une part, que M. [G] a investi dans la société Emergence Bordeaux une certaine somme au titre d'une avance en compte courant, et d'autre part, que cette société n'établit aucune comptabilité, qu'elle ne réunit pas ses associés et que son gérant ne répond pas aux demandes de son associé, l'arrêt retient que M. [G], en sa qualité d'associé, est légitime à s'inquiéter du sort de son investissement et que les dispositions de l'article L. 223-37 du code de commerce l'autorisent à solliciter une mesure ayant pour objet d'examiner une ou plusieurs opérations de gestion. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu ordonner une mesure d'expertise sur le devenir de l'investissement de M. [G].

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [F] et les sociétés Cosmopolite Wine et Emergence Bordeaux font grief à l'arrêt d'enjoindre à M. [F], en ses qualités de président de la société Cosmopolite Wine et de gérant de la société Emergence Bordeaux, de produire, sous astreinte, certains comptes annuels et documents sociaux de ces sociétés alors « que la procédure d'injonction de faire organisée par l'article L. 238-1 du code de commerce, qui tend à obtenir la communication de certains documents par les dirigeants sociaux et permet, en cas de succès de la demande, de faire supporter par eux la charge de l'astreinte et des frais de procédure, doit être dirigée contre ces dirigeants pris en leur nom personnel et non contre la société qu'ils représentent ; qu'en faisant injonction à M. [F], pris en ses qualités de président de la société Cosmopolite Wine et de gérant de la société Emergence Bordeaux, de communiquer divers documents à M. [G], la cour d'appel a violé l'article L. 238-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 238-1 du code de commerce :

9. La procédure d'injonction de faire organisée par ce texte, qui tend à obtenir la communication de certains documents par les dirigeants sociaux et permet, en cas de succès de la demande, de faire supporter par eux la charge de l'astreinte et des frais de procédure, doit être dirigée contre ces dirigeants, pris en leur nom personnel, et non contre la société qu'ils représentent.

10. L'arrêt confirme l'ordonnance en ce qu'elle a enjoint à M. [F], en ses qualités de président de la société Cosmopolite Wine et de gérant de la société Emergence Bordeaux, de communiquer à M. [G] certains comptes annuels et documents sociaux de ces sociétés.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant l'ordonnance, il enjoint à M. [F], ès qualités, de communiquer à M. [G] comptes annuels et documents sociaux et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux.