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Décisions

Cass. com., 25 mai 2022, n° 20-18.307

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocats :

SCP Bénabent, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

CA Lyon, du 9 juin 2020

9 juin 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 juin 2020), par un acte du 4 juin 2007, M. [W] [B] a acquis de son frère, M. [T] [B], et de leurs parents, M. et Mme [M] [B], les parts qu'ils détenaient dans la société SO.GE.HO pour la somme totale de 2 929 000 euros. L'acquisition s'est réalisée par le biais de la société Blue investissement, créée à cet effet. Le même jour, MM. [W] et [M] [B] ont signé une convention par laquelle le premier s'engage à payer au second une somme, plafonnée à deux millions d'euros, calculée sur la base d'une évaluation des titres de la société Blue investissement réalisée à partir du 1er janvier 2018 et finalisée d'un commun accord entre les parties au plus tard au 30 avril 2018. La convention prévoit en outre que, faute d'accord entre les parties sur cette évaluation, ces dernières désigneront un ou plusieurs experts chargés d'évaluer la valeur nette liquidative de la participation de M. [W] [B] dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil.

2. Par un acte du 19 novembre 2019, M. [M] [B] a assigné M. [W] [B] devant le président d'un tribunal de commerce en application de l'article 1843-4 du code civil, en vue de désigner un expert pour procéder à l'évaluation des titres de la société Blue investissement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. [W] [B] fait grief à l'arrêt de dire que le président du tribunal de commerce n'a commis aucun excès de pouvoir et de rejeter, en conséquence, l'appel-nullité par lui formé, alors « que le pouvoir juridictionnel exclusif du président du tribunal statuant en la forme des référés en application de l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 applicable à la cause, est limité à la désignation d'un expert chargé de l'évaluation de droits sociaux ; qu'au cas d'espèce, le président du tribunal de commerce de Lyon, après avoir fait droit à la demande de désignation d'un expert sollicitée par M. [M] [B], a également statué sur la validité de la convention conclue le 4 juin 2010 entre ce dernier et M. [W] [B] outrepassant l'étendue de son pouvoir juridictionnel et commettant ainsi un excès de pouvoir ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel, qui a consacré elle-même cet excès de pouvoir, a violé l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Il résulte de l'article 1843-4 du code civil que la décision par laquelle le président du tribunal de commerce procède à la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux est sans recours possible. Cette disposition s'applique, par sa généralité, au pourvoi en cassation comme à toute autre voie de recours. Il n'y est dérogé qu'en cas d'excès de pouvoir.

6. M. [W] [B] s'est pourvu en cassation contre un arrêt ayant rejeté son appel-nullité formé contre l'ordonnance ayant fait droit à la demande d'expertise formée par M. [M] [B].

7. Ce pourvoi n'est donc pas recevable, sauf si un excès de pouvoir est caractérisé.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1843-4 du code civil :

8. Il ressort de ce texte que les parties peuvent s'en remettre, en cas de contestation sur la valeur des droits sociaux d'un associé, à l'estimation d'un expert désigné, à défaut d'accord entre elles, par le président du tribunal statuant sans recours possible.

9. Le président du tribunal appelé à désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil et dont le pouvoir juridictionnel se limite à en examiner les conditions d'application, ne peut connaître de la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi. En présence d'une telle contestation, le président doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l'expert dans l'attente d'une décision du tribunal compétent, saisi à l'initiative de la partie la plus diligente.

10. Pour rejeter le recours formé contre l'ordonnance du président du tribunal ayant désigné un expert après avoir écarté une exception de nullité de la convention au motif que la demande d'annulation était prescrite et qu'en toute hypothèse, la convention était causée, l'arrêt énonce que le président du tribunal a fait application du texte dont il était saisi sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels et qu'en l'absence de tout excès de pouvoir, l'appel-nullité formé par M. [W] [B], dont les conclusions tendent à la réformation de l'ordonnance critiquée, doit être rejeté.

11. En statuant ainsi, alors qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal, saisi sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, de trancher la contestation relative à la validité de la convention en exécution de laquelle il est saisi, la cour d'appel a violé ce texte et consacré un excès de pouvoir.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon.