Cass. crim., 12 octobre 1995, n° 93-85.412
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. de Massiac
Avocat général :
M. Amiel
Avocats :
SCP Alain Monod, SCP Le Bret et Laugier
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 400, alinéa 2, du Code pénal, 590 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Jocelyn D... coupable de tentative de chantage à l'encontre de la Banque Pelletier, et, en répression, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs que Jocelyn D... a fait part le 8 avril 1991 à M. X... de sa volonté de saisir la COB d'un dossier compromettant sur les pratiques de la banque ainsi que de ses exigences, soit une promotion en classe VI, une lettre de recommandation du président Blanc et une somme de 5 millions ;
"que le 16 avril 1991, convoqué par M. A... qui avait été avisé par M. X..., il a confirmé avoir constitué un dossier qu'il comptait utiliser pour agir auprès de la COB si ses exigences n'étaient pas satisfaites ;
"qu'il est établi, tant par les déclarations des témoins que par la retranscription de l'enregistrement de l'entretien du 16 avril 1991 dont il ne conteste ni l'authenticité ni le contenu, que Jocelyn D... a menacé la banque de révéler des agissements pour le moins susceptibles de porter atteinte à sa considération, son honneur et sa notoriété, s'il ne lui était pas donné satisfaction ;
"qu'il importe peu que le dossier évoqué existe ou non, que les révélations portent sur des faits réels ou dissimulée sous des artifices de langage ;
"que cette menace a paru assez sérieuse pour que M. X... en réfère à M. A..., qui en a avisé le sous-directeur M. Y... ;
que l'élément intentionnel est établi par le fait qu'à deux reprises, à dix jours d'intervalle, et donc avec un délai de réflexion suffisant, le prévenu a fait part de ses exigences, d'abord à M. X..., puis à M. A..., manifestant clairement le dessein de contraindre son employeur, pour lui extorquer des engagements et des fonds ;
"alors que le délit de chantage ne résulte que de la menace de révélations ou d'imputations diffamatoires, c'est-à -dire de faits déterminés de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ;
que la Banque Pelletier admettait dans ses conclusions d'appel que les pratiques boursières que le prévenu menaçait de divulguer "n'auraient probablement entraîné que de simples critiques de la COB et non des sanctions, (et que) l'utilisation par D... du prétendu dossier était extrêmement inquiétante pour la banque sur un tout autre plan" (p. 10 4) ;
qu'elle admettait donc que, comme l'avaient retenu les premiers juges, la menace de saisir la COB ne constituait pas un chantage ;
qu'elle soutenait avoir craint, en revanche, la détention par D... d'"informations sur des clients... pouvant engager la responsabilité de la banque sur le plan du secret professionnel", et "l'utilisation qui aurait pu être faite de ce dossier pour porter atteinte à l'honorabilité et à la réputation de la banque" (p. 11) ;
"qu'en s'abstenant d'expliquer, et même de rechercher, comment une menace aussi vague et imprécise d'utiliser le prétendu dossier autrement que pour saisir la COB pouvait être interprétées comme portant sur la révélation ou l'imputation d'un fait diffamatoire à l'égard de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a répondu, comme elle le devait, aux conclusions dont elle était saisie et a caractérisé, à la charge du prévenu, en tous ses éléments constitutifs, la tentative du délit défini à l'ancien article 400 du Code pénal et dont les dispositions sont reprises à l'article 312-10 de ce Code ;
Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus devant eux, ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.