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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. com., 26 juin 2019, n° 17/01903

RIOM

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Riffaud

Conseillers :

M. Kheitmi, Theuil-Dif

T. com. Clermont-Ferrand, du 15 juin 201…

15 juin 2017

Exposé des faits et de la procédure :

La SAS AT-GO Ing a été crée le 17 juin 2013 par M. X, associé unique. Son capital social, de 100 000 euros, a été libéré à concurrence de la moitié, le solde, soit 50 000 euros, devait être libéré par tranches de 10 000 euros, chaque début d'année, entre 2015 à 2019. Après plusieurs changements de dénomination sociale, elle est devenue la SAS AT GROUP.

Par jugement du 13 mai 2015, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à son encontre, la date de cessation des paiements étant fixée au 30 avril 2015 et la SELARL MANDATUM étant nommée en qualité de liquidateur.

Par lettre remise en main propre le 11 juin 2015 à M. B et lettres adressées par voie postale à Mme A et M. X, la SELARL MANDATUM, ès qualités, a mis en demeure les associés de la société AT GROUP de lui verser la somme de 50 000 euros au titre de la partie du capital non libérée lors de la création de la société.

En l'absence de réponse positive et, par actes d'huissier de justice délivrés les 18, 19, 26 et 30 mai 2016, la SELARL MANDATUM, ès qualités de liquidateur de la SAS AT GROUP, a fait assigner M. A et Mme A, la société BUILDING H CONSTRUCTION, M. B et M. X devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand au visa des articles 1134 et suivants du code civil, L. 643-1 et L. 228-28 du code de commerce, pour obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire, à lui payer les sommes de :

- 50 000 euros correspondant au capital non libéré outre intérêts capitalisés à compter du 6 août 2015 date des mises en demeure ;

- 7 200 euros de frais de procédure en application de l'article L. 228-28 du code de commerce ;

- à titre subsidiaire, 7 200 euros de frais de procédure sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les entiers dépens.

Suivant un jugement rendu le 15 juin 2017, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a :

- débouté la SELARL MANDATUM de ses demandes formées à l'encontre de la société BUILDING H CONSTRUCTION SAS, de M. X et des époux A ;

- condamné M. B à verser à la SELARL MANDATUM la somme de 35 000 euros correspondant à sa quote-part dans le capital de la société AT GROUP en liquidation judiciaire, outre intérêts au taux légal, capitalisés à compter du 6 août 2015 ;

- condamné M. B à verser à la SELARL MANDATUM la somme de 7 200 euros, outre les dépens ;

- débouté la SELARL MANDATUM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir analysé les mouvements de titres intervenus depuis la création de la SAS AT-GO Ing et refusé de prendre en considération les cessions d'actions qui seraient intervenues le 31 janvier 2014 au profit de la société BUILDING H CONSTRUCTION et au profit de M. B, selon lui dépourvues de valeur juridique, le tribunal a retenu que M. X avait cédé, pour l'euro symbolique, 51 % des actions à M. B, ce dernier ayant lui-même cédé aux époux A 30 % du capital.

La juridiction consulaire, après avoir constaté que seule la moitié du capital social étaitlibérée lors du prononcé de la liquidation judiciaire, a considéré que cette décision avait rendu exigible le capital non libéré. Elle a refusé les demandes tendant à la compensation légale avec des avances en compte courant qui lui étaient présentées en considérant, de première part, que l'appel de fonds, d'un montant de 10 000 euros, que les statuts prévoyaient début 2015, n'a pas été régulièrement décidé avant le prononcé de la liquidation de sorte qu'il n'avait pu se compenser avec une créance en compte courant d'associé, et de seconde part, qu'il n'était pas déterminé que les avances que M. X prétendait avoir consenties, aient été agréées par le liquidateur, et que ses apports ne ressortaient pas de la comptabilité arrêtée au 31 décembre 2014 à l'exception d'une somme de 5 857 euros.

Se fondant sur les dispositions de l'article L. 222-28 du code de commerce, le tribunal, qui a retenu que les cessions d'actions entre MM. X et D. sont intervenues les 3 juillet 2014 et 6 mars 2015, a considéré que le délai de deux années prévues par ce texte était expiré, et qu'il n'existait donc plus de solidarité entre M. X et M. B, ni entre MM. X et D. et les époux A pour la libération du capital social.

Il a, par ailleurs, admis la compensation judiciaire invoquée par les époux A qui détenaient un compte courant créditeur de 33 877,38 euros en retenant, à cet effet, l'existence d'une connexité entre les dettes réciproques du fait de la finalité économique de l'apport.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 1er août 2017, M. B a interjeté appel de cette décision, critiquant l'intégralité de son dispositif.

Par ordonnance du 6 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes tendant à voir déclarer irrecevable l'appel incident formé par la SELARL MANDATUM ès qualités, déclaré les écritures notifiées par la SAS BUILDING H CONSTRUCTION recevables à l'encontre de la SELARL MANDATUM ès qualités et dit que l'affaire serait plaidée sur le fond à l'audience collégiale du 15 mai 2019, la clôture étant prévue le 2 mai 2019.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2019.

Moyens et prétentions des parties :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 30 avril 2019 au moyen de la communication électronique, M. B, appelant, demande à la cour, au visa de l'article L. 643-1 du code de commerce, de :

"au principal, débouter la SELARL MANDATUM de toutes ses demandes à son endroit et la condamner à lui verser une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

subsidiairement,

- débouter la SELARL MANDATUM de ses demandes incidentes ;

- dire qu'au regard des statuts et pièces fournies la quote-part de capital détenue par lui ne saurait être retenue au-delà de 50 %, soit 50 actions sur 100 ;

- dire que la SELARL MANDATUM ne saurait solliciter une libération du capital supérieure à 10 000 euros, correspondant aux sommes exigibles début 2015 ; ce à hauteur maximale de 5 000 euros au prorata des actions détenues ;

- limiter, en conséquence, le cas échéant les condamnations à la somme 5 000 euros, et à titre infiniment subsidiaire, 25 000 euros au titre de la libération du capital ;

- débouter la SELARL MANDATUM de ses demandes présentées au titre des frais engagés ;

- rejeter la demande au titre des frais de procès présentée par la SELARL MANDATUM, ainsi que les autres parties ;

- condamner la SELARL MANDATUM aux dépens".

Au principal, M. B entend contester le fondement de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce, à savoir l'article L. 643-1 du code de commerce.

Il soutient que les dispositions de ce texte ne concernent que les créances sur le débiteur et non les créances du débiteur, comme le soulignent certaines décisions de justice.

Il ajoute que si la SELARL MANDATUM invoque désormais un nouveau fondement, à savoir l'article L. 624-20 du code de commerce, il s'agit d'un changement de fondement juridique ne pouvant ainsi intervenir en cause d'appel. En outre, la règle édictée par cet article L. 624-20 ne peut venir supplanter la règle contractuelle dans la mesure où, en l'espèce, un échéancier de libération du capital social était statutairement prévu.

Subsidiairement, il reproche au liquidateur d'avoir retenu une répartition erronée du capital social comme excluant la société BUILDING H CONSTRUCTION de la qualité d'associée alors que des cessions d'actions au profit de cette société et les statuts déposés au greffe établissent la qualité d'actionnaire de cette société. Il ajoute que seule la nullité des cessions, aurait pu permettre d'écarter leur existence, ce qui n'est pas le cas.

Sur le quantum susceptible d'être retenu à son encontre, il fait valoir que le jugement dont appel, définitif à l'égard des époux A, a décidé que ces derniers s'étaient libérés de leur quote-part de capital à hauteur de 15 000 euros, laissant un solde non libéré de 35 000 euros. Il soutient, subsidiairement, que c'est ce quantum qui doit lui être appliqué, sauf à ce que la cour considère que les époux A n'ont pas libéré leur part du capital, mais dans cette hypothèse ils devront être condamnés à y participer. Il ajoute que la qualité d'associée de la société BUILDING H CONSTRUCTION diminue d'autant sa condamnation. Il indique enfin que le liquidateur ne saurait réclamer la libération de l'intégralité du capital alors même qu'au moment de la liquidation judiciaire, seule la première échéance de 10 000 euros était libérable selon les clauses statutaires.

S'agissant de la condamnation au titre des frais complémentaire de procédure, il fait valoir que la société AT GROUP n'a exposé d'autre frais que ceux, irrépétibles, couverts par une éventuelle indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 05 mai 2019 au moyen de la communication électronique, la SELARL MANDATUM, ès qualités, qui forme appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1105, 1134 et suivants du code civil et des articles L. 228-28, L. 622-7, L. 624-20 et L. 641-14 du code de commerce, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de :

- condamner solidairement les époux A, la société BUILDING H CONSTRUCTION, M. B et M. X à lui payer, ès qualités, les montants suivants :

* 50 000 euros correspondant au capital non libéré outre intérêts capitalisés à compter du 6 août 2015 date de mises en demeure ;

* 7 200 euros de frais de procédure de première instance conformément à l'article L. 228-28 du code de commerce ;

- subsidiairement, si la demande de remboursement de frais au titre de l'article L.228-28 du code de commerce était rejetée, de condamner les époux A, la société BUILDING H CONSTRUCTION, M. B et M. X à lui payer, ès qualités, une somme de 14 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les mêmes aux dépens.

Le liquidateur fait valoir qu'à la date d'ouverture de la procédure collective, le capital social n'était toujours pas entièrement libéré, 50 000 euros restant dus à ce titre. Selon lui, l'article L. 624-20 du code de commerce rend exigible le montant non libéré du capital social, de sorte qu'il est établi que les associés lui doivent, en cette qualité, ladite somme.

Il ajoute, qu'en application de l'article L. 228-28 du code de commerce, les actionnaires sont tenus solidairement du montant non libéré du capital social. Et il indique que le 13 mai 2015, le capital social composé de 100 actions était détenu par M. B à hauteur de 70 actions, M. A à hauteur de 20 actions et Mme A à hauteur de 10 actions, cette répartition étant inchangée à ce jour.

S'agissant de l'obligation solidaire de paiement pesant sur les anciens associés, il expose qu'il ressort des statuts de la société en date du 4 février 2014 et du procès-verbal d'assemblée que le capital social composé de 100 actions était détenu par M. X à hauteur de 40 actions, M. B à hauteur de 40 actions et la HOLDING H (nouvellement BUILDING H CONSTRUCTION) à hauteur de 20 actions. Il ajoute qu'il ressort du procès-verbal d'assemblée générale et des statuts du 3 juillet 2014 que seul M. X était associé, de sorte que c'est à cette date que la société BUILDING H CONSTRUCTION n'a plus revêtu cette qualité. Ainsi, il prétend que cette société était associée à hauteur de 20 % du capital entre le 4 février 2014 et le 3 juillet 2014, de sorte que le délai de prescription de deux ans visés par l'article L. 228-28 al. 3 du code de commerce courait à partir du 3 juillet 2014 pour expirer le 3 juillet 2016. Ainsi, ayant assigné la société BUILDING H CONSTRUCTION en paiement par acte du 30 mai 2016, il estime que son action était recevable et fondée. Concernant M. X, il soutient que ce dernier a cédé ses actions le 22 novembre 2014, selon un formulaire de cession enregistré aux services des impôts le 4 décembre 2014, de sorte que le délai de prescription précité courait à partir du 22 novembre 2014 pour expirer au 22 novembre 2016. Ayant assigné en paiement M. X par acte du 26 mai 2016, il estime son action recevable et bien fondée.

Sur la compensation des créances invoquée, il soutient que celle-ci est impossible. S'agissant de la compensation légale, il fait valoir qu'elle ne peut s'opérer qu'entre deux obligations réciproques, fongibles, liquides et exigibles. Il ajoute que cette compensation ne joue pas lorsque les créances ne sont pas exigibles avant le prononcé de la liquidation judiciaire et qu'en l'espèce c'est bien le jugement d'ouverture qui a rendu exigible la fraction non libérée du capital de sorte que la compensation légale ne peut s'opérer. S'agissant de la compensation des créances connexes, il fait valoir que seule cette modalité de compensation pourrait jouer mais qu'elle ne peut s'opérer en l'espèce en raison de l'absence de connexité entre la créance résultant du compte courant d'associé et celle au titre de la libération du capital social, conformément à la jurisprudence en la matière.

Il conclut ainsi à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation solidaire des associés et anciens associés au paiement d'un montant de 50 000 euros au titre du solde non libéré du capital social au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées et remises au greffe le 2 mai 2019 au moyen de la communication électronique, les époux A demandent à la cour, au visa des articles 1347 et 1347-1 du code civil et de l'article L. 622-7 du code de commerce, de :

- dire mal fondé l'appel incident formé par la SELARL MANDATUM, ès qualités ;

- constater qu'ils ont apporté en compte courant d'associé la somme de 34 838 euros ;

- dire que leur créance en compte courant d'associé se compensera à due concurrence avec les sommes réclamées à titre solidaire à l'encontre de chacune des parties défenderesse pour le paiement du solde de la fraction non libérée du capital social de la SAS AT GROUP ;

En conséquence,

* à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

* à titre subsidiaire,

- dire que, compte tenu de la compensation pour dettes connexes ayant vocation à s'opérer entre leur avance en compte courant d'associé à hauteur de 34 838 euros et la demande de condamnation solidaire de la SELARL MANDATUM à hauteur de 50 000 euros, au titre de la fraction du capital non libéré, ils ne pourront être tenus qu'à concurrence du solde, soit la somme de 15 162 euros ;

- débouter la SELARL MANDATUM de toutes demandes plus amples ou contraires ;

* à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne retenait pas la compensation,

- dire que cette compensation doit intervenir de plein droit pour la fraction du capital, soit 10 000 euros, qui était exigible en janvier 2015 ;

- dire que leur contribution ne saurait excéder la somme de 40 000 euros ;

- dire que, concernant le paiement des sommes dues au titre du capital non libéré revendiqué par la SELARL MANDATUM, ès qualités, en application de l'article L. 228-2 du code de commerce, leur contribution dans leurs rapports avec les autres associés ne saurait excéder 30 % de ladite somme ;

- dire que M. B et la société BUILDING H CONSTRUCTION devront donc solidairement leur rembourser toutes sommes excédant la somme de 15 000 euro (30 % de 50 000 euros) ;

- débouter la SELARL MANDATUM, ès qualités, de toutes demandes plus amples ou contraires à leur encontre ;

- condamner la SELARL MANDATUM, ès qualités, à leur payer, chacun, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont distraction au profit de la SCP C&R, avocat.

Les époux A soutiennent être créanciers de la société à raison d'une somme de 33 838 euros au titre de leurs comptes courants d'associés, cette créance ayant été ratifiée par le liquidateur le 22 juin 2015. Ils font valoir que cette créance en compte courant d'associé et leur dette au titre du capital social non libéré sont connexes et doivent se compenser. Ils ajoutent que si la Cour de cassation, par une décision de 1997 a écarté cette connexité, cette décision est vivement critiquée par la doctrine qui retient la connexité en reconnaissant que l'avance en compte courant et l'apport en numéraire réalisés par un associé concourent à un objectif économique unique, le financement de la société. Ils s'estiment bien fondés à solliciter la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la compensation entre leur créance au titre du compte courant d'associé et la dette liée au surplus du capital non libéré.

A titre subsidiaire, sur la connexité partielle, ils soutiennent que la jurisprudence a admis la compensation de plein droit intervenue entre deux dettes exigibles, l'une au titre de la libération du capital, l'autre au titre d'une avance en compte courant. Ils précisent qu'une des fractions concernant la libération du capital à hauteur de 10 000 euros était exigible depuis le début de l'année 2015 et, qu'au moins à concurrence de cette somme, la compensation entre les dettes réciproques est de plein droit. Ainsi, seul le solde peut être revendiqué par le liquidateur, soit la somme de 40 000 euros à laquelle il convient d'appliquer leur pourcentage de participation, soit 30 % ; les autres associés devant leur rembourser toute somme excédent celle de 15 000 euros, correspondant à leur contribution à la dette.

Sur les deux sommes de 7 200 euros réclamées au titre de l'article L. 228-28 du code de commerce par le liquidateur, ils font valoir que ce texte ne prévoit pas la prise en charge et le recouvrement des frais de procédure mais précise simplement la solidarité qui pèse sur les associés successifs d'une société dont le capital n'a pas été entièrement libéré. Ils font observer qu'ils ont été mal informés de la situation de la société AT GROUP au moment de l'acquisition des actions, de sorte qu'il ne serait pas équitable de leur laisser à charge quelque indemnité que ce soit.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 26 février 2018 au moyen de la communication électronique, la société BUILDING H CONSTRUCTION demande à la cour, au visa des articles L. 211-17, L. 228-1 et L. 228-28 du code de commerce, 1134 alinéa 2 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- la mettre hors de cause ;

y ajoutant,

- condamner toute partie succombant à lui payer une somme de 1 500 euros au titre du caractère abusif de cette procédure ainsi qu'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle soutient n'avoir jamais possédé la qualité d'associée et prétend que si les statuts la mentionnent comme telle, elle n'a jamais été propriétaire d'un quelconque titre en l'absence d'ordre de mouvement et de paiement d'un prix qui aurait été convenu. Elle ajoute n'avoir jamais été conviée à aucune assemblée et n'avoir jamais approuvé les comptes de la société. Elle fait plaider en outre que la cession du 31 janvier 2014 a été révoquée par les parties et a été rendue caduque, comme le lui a précisé l'avocat de M. X, alors président de la société.

Elle soutient enfin que la demande du liquidateur, en plus d'être infondée, est irrecevable faute de démontrer l'existence d'un virement d'un compte de valeur mobilière à un autre pouvant la concerner puisque ce mouvement n'a jamais été réalisé d'une part et en raison de l'expiration du délai de deux ans prévus par l'article L. 228-28 du code de commerce d'autre part. Sur l'expiration du délai elle ajoute que la cession d'actions étant caduque, seule la date des statuts du 4 février 2014 mentionnant son nom en qualité d'actionnaire peut être retenue, de sorte qu'avec une assignation délivrée en mai 2016, l'action était prescrite.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 décembre 2017 au moyen de la communication électronique, M. X demande à la cour, au visa de l'article L. 228-28 du code de commerce, de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SELARL MANDATUM de ses demandes à son encontre ;

- dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Il soutient avoir cédé ses actions à M. B les 3 juillet 2014 et 21 novembre 2014 de sorte que le délai de deux ans prévus à l'article L. 228-28 du code de commerce était expiré et qu'ainsi, il n'existait plus de solidarité pour la libération du capital entre lui et les autres associés.

Le ministère public, qui a reçu communication de la procédure, a requis la confirmation de la décision entreprise par adoption de ses motifs.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'obligation des actionnaires de libérer le capital social

Devant la juridiction consulaire, le liquidateur fondant sa demande de condamnation solidaire au versement de la fraction non libérée du capital social de la SAS AT GROUP sur les dispositions de l'article L. 643-1 du code de commerce, relatives à l'exigibilité des créances non échues résultant du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, sur les dispositions de l'article L. 228-28 du même code, relatives à la solidarité entre l'actionnaire défaillant, les cessionnaires successifs et les souscripteurs au titre du montant non libéré d'une action, et sur les dispositions des articles 1134 et suivants (anciens) du code civil relatives aux obligations contractuelles.

En cause, d'appel, la SELARL MANDATUM, ès qualités, invoque désormais les dispositions de l'article L. 624-20 du code de commerce qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, en vigueur lors de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS AT GROUP, prononcée le 13 mai 2015, prévoit que le jugement d'ouverture rend immédiatement exigible le montant non libéré du capital social.

Contrairement à ce qui est soutenu par M. B, il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, mais d'une demande tendant à la même fin que celle présentée devant les premiers juges, à savoir obtenir le versement de la fraction non libérée du capital social de la société en liquidation, et comme telle autorisée par l'article 565 du code de procédure civile. Cette demande est donc recevable.

M. B soutient, par ailleurs, que cette règle ne serait pas applicable dès lors que la libération progressive du capital social procédait des statuts et qu'il y aurait lieu d'appliquer la règle contractuelle à laquelle les dispositions susvisées de l'article L.624-20 ne sauraient se substituer et pas davantage les dispositions de l'article L. 643-1, qui ne tendent pas à l'exigibilité des créances de la société sur ses associés mais à celle de la société à l'égard des tiers, et il considère que la question de la libération des apports ne pourrait être envisagée qu'au regard des dispositions de l'article 1832 alinéa 3 du code civil relatives à la contribution aux pertes.

Toutefois, s'il est effectif, comme le fait valoir M. B, que la règle posée par l'article L. 624-20 du code de commerce ne saurait rendre immédiatement exigible la fraction du capital social dont la libération fractionnée et les dates d'échéance ont acquis une force conventionnelle pour avoir été fixées par les statuts, il n'en reste pas moins que cette libération fractionnée du capital ne figurait plus dans les statuts de la SAS AT GROUP lors du prononcé de sa liquidation judiciaire. En effet, si ces modalités de versement du capital social figuraient dans les statuts du 4 février 2014, elles ont ensuite disparu dans les statuts adoptés le 3 juillet 2014, même si le capital n'avait pas alors été intégralement libéré, et elles ne figuraient pas davantage dans les statuts du 4 mai 2015, en vigueur à la date d'ouverture de la liquidation.

L'authenticité de ces derniers statuts n'est pas contestée par Mme A, alors présidente de la société. Il en résulte que le liquidateur est fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 624-20 du code de commerce à l'égard des détenteurs du capital social.

* Sur la qualité d'actionnaire de la société BUILDING H CONSTRUCTION

La SELARL MANDATUM, ès qualités, agit à l'encontre de la société BUILDING H CONSTRUCTION, en se fondant sur la mention portée dans les statuts adoptés par une assemblée générale extraordinaire du 4 février 2014 et qui indiquent que le capital social de 100 000 euros, divisé en 100 actions de 1 000 euros, est respectivement réparti à concurrence de 40 actions pour M. X, de 40 actions pour M. B et 20 actions pour la HOLDING H. Le liquidateur considère que le procès-verbal d'assemblée générale et les statuts, revêtus de la signature de tous les associés, établissent la preuve de la qualité d'actionnaire de la société HOLDING H, devenue BUILDING H CONSTRUCTION.

Les premiers juges ont rejeté la demande du liquidateur en considérant qu'une cession de 200 actions sur les 1 000 émises à l'origine, consentie le 31 janvier 2014 par M. X au bénéfice de la société BUILDING H CONSTRUCTION, était « sans valeur juridique » au motif que leur prix constituait un avantage en nature consenti à la société et non un prix versé au cédant des titres.

En cause d'appel, la société BUILDING H CONSTRUCTION prétend que les mentions des statuts sont insuffisantes à établir sa qualité d'actionnaire.

Elle reconnaît que le 31 janvier 2014, M. X lui a, par acte sous seing privé, consenti la cession de 20 actions représentant 20 % du capital social en contrepartie, non pas du versement de 20 000 euros mais de travaux de conseil et gestion d'ores et déjà effectués, facturés et non encaissés et également, pour l'avenir, d'un apport, consistant en la prise en charge par la société HOLDING H de l'ensemble des travaux de gestion d'entreprise pour le compte de la SAS AT GROUP. Mais elle, prétend qu'elle n'a jamais été véritablement actionnaire de la société débitrice, n'avoir jamais possédé un quelconque titre de la société débitrice faute d'un quelconque ordre de mouvement de titres et n'avoir jamais été conviée à une quelconque assemblée générale de la société dont elle n'a pas davantage approuvé les comptes.

Il résulte des dispositions de l'article L. 228-1 du code de commerce relatives aux sociétés par actions, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des cessions de titres litigieuses, que les valeurs mobilières émises par ces sociétés revêtent la forme de titres au porteur ou de titres nominatifs, sauf pour les sociétés pour lesquelles la loi ou les statuts imposent la seule forme nominative, pour tout ou partie du capital. Le même article ajoute que « en cas de cession de valeurs mobilières admises aux opérations d'un dépositaire central ou livrées dans un système de règlement et de livraison mentionné à l'article L. 330-1 du code monétaire et financier, le transfert de propriété s'effectue dans les conditions prévues à l'article L. 211-17 de ce code. Dans les autres cas, le transfert de propriété résulte de l'inscription des valeurs mobilières au compte de l'acheteur, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Les dispositions des articles R. 228-7 et suivants du code de commerce, en vigueur à la même époque, prévoyaient qu'il appartenait à la société de tenir à jour la liste des personnes titulaires d'actions nominatives, avec l'indication du domicile déclaré par chacune d'elles, et que des registres de titres nominatifs émis par une société étaient établis par cette société ou par une personne habilitée à cet effet, ces registres pouvant être constitués par la réunion, dans l'ordre chronologique de leur établissement, de feuillets identiques utilisés sur une seule face, chacun de ces feuillets étant réservé à un titulaire de titres à raison de sa propriété ou à plusieurs titulaires à raison de leur copropriété, de leur bail, de leur nue-propriété ou de leur usufruit sur ces titres.

En application de l'article R. 228-9 de ce code, ces registres devaient contenir les indications relatives aux opérations de transfert et de conversion des titres, et notamment :

« 1° La date de l'opération ;

2° Les nom, prénoms et domicile de l'ancien et du nouveau titulaire des titres, en cas de transfert ;

3° Les nom, prénoms et domicile du titulaire des titres, en cas de conversion de titres au porteur en titres nominatifs ;

4° La valeur nominale et le nombre de titres transférés ou convertis. Toutefois, lorsque ces titres sont des actions, le capital social et le nombre de titres représenté par l'ensemble des actions de la même catégorie peuvent être indiqués en lieu et place de leur valeur nominale ;

5° Le cas échéant, si la société a émis des actions de différentes catégories et s'il n'est tenu qu'un seul registre des actions nominatives, la catégorie et les caractéristiques des actions transférées ou converties ;

6° Un numéro d'ordre affecté à l'opération.

En cas de transfert, le nom de l'ancien titulaire des titres pouvait être remplacé par un numéro d'ordre permettant de retrouver ce nom dans les registres. »

En raison de la défaillance du secrétariat juridique de la SAS AT GROUP, il n'a pas été produit de registre de mouvement de titres et la preuve du transfert de la propriété des titres, transfert contesté par la société BUILDING H CONSTRUCTION, résultant de leur inscription sur le compte-titres de l'acquéreur n'est pas rapportée par le liquidateur. Et il n'a pas davantage été produit de feuillet retraçant le transfert de titres au bénéfice de la société BUILDING H CONSTRUCTION.

Ainsi, c'est à bon escient que les premiers juges ont rejeté les demandes du liquidateur dirigées contre cette société qui n'a pas acquis la qualité d'actionnaire de la société débitrice.

* Sur l'historique des mouvements de titre et la détention du capital social

Aucun mouvement de titre régulier n'étant intervenu au profit de la société HOLDING H, les mouvements ayant affecté les 100 actions de la société débitrice, d'abord détenues en leur intégralité par M. X, et qui sont retracés par des formulaires de cession des droits sociaux soumis à la formalité de l'enregistrement, doivent être retenus comme suit :

- 3 juillet 2014 (enregistrement 8 juillet 2014), cession par M. X, alors titulaire de l'intégralité des actions, de 49 actions à M. B ;

- 28 novembre 2014 (enregistrement 4 décembre 2014), cession par M. X de ses 51 derniers titres de la société à M. B ;

- 1er décembre 2014 (enregistrement 4 décembre 2014), cession par M. B à Mme B. épouse L. de 10 titres de la société ;

- 1er décembre 2014 (enregistrement 4 décembre 2014), cession par M. B à M. A de 10 titres de la société ;

- 6 mars 2015 (enregistrement 10 mars 2015), cession par M. B à M. A de 10 titres de la société.

Ainsi, le jour de l'ouverture de la procédure collective, M. B détenait 70 des 100 actions de la SAS AT GROUP, tandis que M. A en détenait 20 et Mme A en détenait 10.

* Sur les demandes dirigées contre M. X

A la date de l'introduction de l'instance engagée par le liquidateur contre les actionnaires ou anciens actionnaires de la SAS AT GROUP, soit le 26 mai 2016, pour ce qui concerne M. X, ce dernier ne détenait plus aucun titre de la société en liquidation judiciaire. Il avait, en effet, cédé ses dernières actions à M. B suivant le formulaire de cession de droits sociaux enregistré le 4 décembre 2014.

Pour rejeter la demande dirigée par le liquidateur contre M. X, les premiers juges ont considéré que le délai de deux années prévu par l'article L. 228-28 du code de commerce était expiré.

Selon ce texte : « L'actionnaire défaillant, les cessionnaires successifs et les souscripteurs sont tenus solidairement du montant non libéré de l'action. La société peut agir contre eux, soit avant ou après la vente, soit en même temps, pour obtenir tant la somme due que le remboursement des frais exposés.

Celui qui a désintéressé la société dispose d'un recours pour le tout contre les titulaires successifs de l'action. La charge définitive de la dette incombe au dernier d'entre eux.

Deux ans après le virement d'un compte de valeurs mobilières à un autre compte, tout souscripteur ou actionnaire qui a cédé son titre cesse d'être tenu des versements non encore appelés. »

En application de ces dispositions, et sous réserve du respect de la prescription abrégée de deux ans à compter du virement des titres cédés, la société peut exiger de chacun des détenteurs successifs la libération du capital attaché aux actions cédées.

La première cession de ses actions étant intervenue le 3 juillet 2014, et la seconde, le 28 novembre suivant, tandis que la liquidation judiciaire a été ouverte le 13 mai 2015, c'est à juste titre que le liquidateur soutient que la prescription biennale n'était pas acquise lorsqu'il a fait assigner M. X devant la juridiction consulaire et, en conséquence, ce dernier reste redevable, avec les autres actionnaires du versement du capital social non libéré et attaché à la totalité des actions cédées, soit de la somme de 50 000 euros.

Le jugement devra donc être infirmé de ce chef.

* Sur les demandes dirigées contre M. B

Les premiers juges ont condamné M. B à verser à la SELARL MANDATUM, ès qualités, la somme de 35 000 euros au titre de sa quote-part dans le capital social de la SAS AT GROUP, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 août 2015 avec anatocisme.

Appelant à titre incident, le liquidateur réclame la condamnation solidaire de M. B avec les autres actionnaires au versement de la somme de 50 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 6 août 2015, capitalisés.

M. B soutient, quant à lui, qu'au regard des statuts et des pièces versées aux débats sa quote-part dans le capital social ne peut excéder la moitié des actions, soit 50, de sorte que la seule fraction du capital social exigible avant l'ouverture de la liquidation judiciaire s'élevant, conformément aux modalités de libération progressive énoncées aux statuts, il ne saurait valablement être tenu au-delà de 5 000 euros.

Toutefois, il y a lieu de rappeler que la libération progressive du capital social ne figurait plus dans les statuts en vigueur à la date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS AT GROUP et, qu'ainsi, le liquidateur est ainsi fondé à poursuivre le recouvrement de la fraction non libérée du capital social qui s'établit à 50 000 euros.

Tenu, en application de l'article L. 228-28 du code de commerce, du montant non libéré des actions qu'il détient, M. B ne peut valablement soutenir qu'il ne détenait que 50 des actions de la SAS AT GROUP lors de l'ouverture de la liquidation judiciaire. C'est, en effet, à juste titre que le tribunal, adoptant l'argumentation du liquidateur, a retenu qu'il en détenait 70 et, à l'instar de M. X, ayant lui aussi détenu l'intégralité des titres de la société débitrice moins de deux années avant l'action engagée par le liquidateur pour recouvrer la fraction non libérée du capital social, M. B reste redevable solidairement avec M. X du versement de la somme de 50 000 euros en capital, s'attachant à la totalité des actions, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure.

Le jugement encourt également l'infirmation à ce titre.

* Sur les demandes dirigées contre les époux A

Les époux A qui, à l'occasion des cessions de titres, ont déclaré être mariés sous le régime de la communauté, détenaient à eux deux 30 % des actions lors de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS AT GROUP. Ils n'en ont jamais détenu davantage et c'est à tort que la SELARL MANDATUM, ès qualités, vient leur réclamer le versement de 50 000 euros au titre du capital non libéré. En effet, ils ne peuvent, en tout état de cause et en prenant en considération les mouvements de titres se voir réclamer s'agissant de Mme A plus de 5 000 euros à raison de la détention de 10 actions, et pour ce qui concerne M. A plus de 10 000 euros, à raison de la possession de 20 actions.

Le tribunal a rejeté la demande formée par le liquidateur à leur encontre au motif que les époux A seraient habiles à invoquer la compensation entre la somme due au titre de leur quote-part non libérée du capital social et leur créance en compte courant d'associé, laquelle s'établit au montant non contesté de 33 877, 38 euros, déclaré au passif de la société débitrice, en raison de la connexité entre ces dettes, et ce nonobstant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS AT GROUP.

Ce raisonnement, fondé sur la finalité économique des opérations et, en particulier, sur le fait qu'il s'agit d'assurer le financement de la personne morale ne peut toutefois être validé. En effet, la créance en compte courant d'un associé naît du prêt qu'il consent à la société tandis que celle de la société à l'encontre d'un associé, relative à la libération du capital social, procède du contrat de société lui-même à raison duquel cet associé s'est engagé à consentir un apport en numéraire. Ainsi, il ne peut être donc considéré que ces créances sont connexes pour être nées d'un même contrat (en ce sens Cass. Com. 18 janvier 2000, pourvoi n° 97-14362) et qu'elles sont susceptibles de se compenser en dépit de l'ouverture de la procédure collective.

Les époux A ne sont pas davantage fondés à invoquer le bénéfice de la compensation légale qui serait intervenue avant l'ouverture de la procédure collective. En effet si, compte tenu du fait que la rédaction des statuts ne mentionnait plus les modalités d'un versement échelonné du capital social non libéré lors du prononcé de la liquidation judiciaire, il a été retenu par la cour qu'en application de l'article L. 624-20 du code de commerce, les actionnaires étaient devenus, du fait de l'ouverture de la liquidation judiciaire, redevables du versement du capital non échu, il n'en demeure pas moins que la dette d'un actionnaire au titre de la libération du capital souscrit mais non libéré ne devient exigible que sur une décision de l'organe dirigeant de la société venant en réclamer le versement.

En l'espèce, il n'est pas produit une telle décision, de sorte qu'il ne peut être valablement considéré que la créance de la SAS AT GROUP était devenue exigible avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et que les époux A seraient fondés à invoquer les règles de la compensation de droit commun.

En conséquence, le jugement devra être réformé de ce chef.

* Sur les sommes mises à la charge des actionnaires

Il résulte de ce qui précède que MM. B et M. X qui, dans le délai de deux années, ont à un moment donné détenu l'intégralité des actions de la société débitrice, sont solidairement tenus à l'égard de la liquidation judiciaire de la société AT GROUP, de l'obligation de verser le montant non libéré du capital social, soit 50 000 euros.

M. A, détenteur de 20 actions, est solidairement tenu avec les deux susnommés, du versement du capital non libéré dans la limite de 10 000 euros.

Mme A, détentrice de 10 actions, est quant à elle, solidairement tenue avec MM. B et M. X, du versement du capital non libéré dans la limite de 5 000 euros.

Tous sont tenus des intérêts légaux à compter du 6 août 2015, date de la mise en demeure.

Par ailleurs, c'est à bon droit que le liquidateur se fondant sur les dispositions de l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil sollicite la capitalisation des intérêts légaux pour peu qu'ils soient dus à raison d'au moins une année entière.

Sur la demande en paiement formée par les époux A à l'encontre de M. B et de la société BUILDING H CONSTRUCTION

Les époux A demandent que M. B et la société BUILDING H CONSTRUCTION soient condamnés solidairement à leur rembourser toutes sommes excédant la somme de 15 000 euros (30 % de 50 000 €).

Toutefois, les époux A étant tenus de la fraction non libérée du capital social dans la limite des actions qu'ils détiennent, et partant d'une somme qui n'excède pas 15 000 euros, il doit être constaté que leur demande fondée sur les dispositions du second alinéa de l'article L. 228-28 du code de commerce, relatives à la charge définitive de la dette, est dépourvue d'objet.

Il n'a pas été formé de semblable demande par M. X qui ne détenait plus d'action de la société AT GROUP lors de la l'ouverture de sa liquidation judiciaire.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société BUILDING H CONSTRUCTION

La demande formée, au titre de la libération de la fraction non versée du capital social, par le liquidateur à l'encontre de la société BUILDING H CONSTRUCTION, n'était pas, en raison des accords intervenus entre M. X et cette société, dénuée de tout fondement.

Dès lors, il ne peut être considéré que cette demande, même si elle n'a pas prospéré, a procédé d'un abus.

En conséquence, cette demande de dommages-intérêts doit être rejetée.

Sur la demande du liquidateur relative aux frais

Se fondant sur les dispositions de l'article L. 228-28 du code de commerce, le tribunal, faisant droit à la demande de la SELARL MANDATUM, ès qualités, a condamné M. B à verser à la procédure collective la somme de 7 200 euros au titre des frais exposés.

L'examen de la pièce justificative produite (facture) montre qu'il s'agit des honoraires de l'avocat du liquidateur à l'occasion de la procédure engagée contre les associés ou ex-associé.

Toutefois, ces honoraires, constituent des frais exposés à l'occasion de l'instance en justice et non compris dans les dépens, tels qu'ils sont prévus par l'article 700 du code de procédure civile. En conséquence, il sera statué sur la demande présentée par le liquidateur à ce titre et le jugement sera réformé en ce qu'il a alloué une indemnité au titre de l'article L. 228-28 susvisé.

Sur les dépens et leurs accessoires

MM. B, S., L. et Mme A, qui succombent à la demande du liquidateur relative au paiement du capital social non libéré, seront tenus solidairement des dépens et condamnés à verser à la SELARL MANDATUM, ès qualités, au titre de la procédure de première instance et d'appel, une indemnité de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des demandes des parties relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, sera rejeté.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées par la SELARL MANDATUM, ès qualités, à l'encontre de la société BUILDING H CONSTRUCTION ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare le liquidateur de la SAS AT GROUP recevable en ses demandes dirigées contre M. X ;

Rejette la demande présentée par le liquidateur de la SAS AT GROUP sur le fondement de l'article L. 228-28 du code de commerce au titre des frais ;

Dit que M. B, M. X, M. A et Mme A sont solidairement tenus à l'égard du liquidateur de la SAS AT GROUP du versement de la somme de 50 000 euros représentant la fraction non libérée du capital social de la société en liquidation judiciaire à concurrence de :

* la totalité s'agissant de MM. B et X ;

* 20 % soit 10 000 euros s'agissant de M. A ;

* 10 % soit 5 000 euros s'agissant de Mme A ;

Condamne en conséquence, solidairement, à verser à la SELARL MANDATUM, ès qualités de liquidateur de la SAS AT GROUP :

* MM. X et B, la somme de 50 000 euros ;

* M. A, solidairement avec MM. X et B, la somme de 10 000 euros ;

* Mme A, solidairement avec MM. X et B, la somme de 5 000 euros ;

Dit que ces condamnations sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2015 et ordonne la capitalisation des intérêts légaux pour peu qu'ils soient dus pour au moins une année entière ;

Constate que la demande en paiement formée par M. A et Mme A à l'encontre de M. B et de la société BUILDING H CONSTRUCTION est sans objet ;

Déboute la société BUILDING H CONSTRUCTION de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Condamne solidairement M. B, M. X, M. A et Mme A aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la SELARL MANDATUM, ès qualités, une indemnité de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes des parties.