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Décisions

Cass. crim., 27 novembre 1997, n° 97-80.080

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman

Rapporteur :

M. de Larosière de Champfeu

Avocat général :

M. Géronimi

Avocat :

SCP Piwnica et Molinie

Riom, ch. corr., du 12 déc. 1996

12 décembre 1996

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 408 de l'ancien Code pénal, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'abus de confiance et l'a condamné à payer des dommages-intérêts à la compagnie UAP ;

"aux motifs propres ou repris des premiers juges, que l'article 408 de l'ancien Code pénal s'applique même en cas de dépassement de mandat;

qu'André X... avait été accrédité depuis le 7 janvier 1971 par la compagnie UAP en qualité d'agent principal ; qu'il était chargé de faire notamment souscrire par la clientèle des titres de capitalisation, selon un plan de travail fixé par son inspecteur et avec la collaboration des agents mandataires;

que son rôle ne consistait qu'à présenter l'opération financière aux clients, l'agent mandataire, seul autorisé à percevoir des fonds, recevant les montants des souscriptions et des primes ultérieures;

que, cependant, au mépris de ses obligations statutaires qui lui faisaient interdiction de percevoir des fonds lors de la souscription des bons de capitalisation, il avait obtenu d'un certain nombre de clients le paiement des sommes souscrites aux contrats de placement et en avait détourné une grande partie à son profit retenant les bulletins de souscription pour camoufler ses détournements ;

"alors que sous l'empire de l'ancien Code pénal, le délit d'abus de confiance n'était légalement constitué que s'il était constaté que les objets, effets ou deniers avaient été remis au prévenu en exécution d'un des contrats énumérés à l'article 408 de l'ancien Code pénal et que la cour d'appel qui relevait expressément que cette condition n'était pas remplie puisqu'André X... n'était pas autorisé à percevoir des fonds, a privé sa décision de base légale au regard au regard du texte susvisé en sorte que la cassation est encourue" ;

Attendu qu'après avoir constaté qu'Alain X..., agent de l'UAP, avait reçu de cette compagnie d'assurance mandat de proposer à la clientèle des produits d'épargne, sans pouvoir recevoir lui-même les fonds correspondants, la cour d'appel retient, pour le déclarer coupable d'abus de confiance, qu'il a néanmoins obtenu de divers clients la remise des sommes par eux placées, et les a détournées à son profit ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la juridiction du second degré a justifié sa décision au regard de l'article 408 ancien du Code pénal, applicable en la cause ;

Qu'ainsi le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 388, 512, 485, 520 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'escroquerie ;

"aux motifs repris des premiers juges, qu'en abusant de sa qualité d'agent principal de l'UAP jusqu'en juin 1991, date de son licenciement et utilisant cette fausse qualité postérieurement à celui-ci, André X... a perçu à plusieurs reprises des sommes remises par les clients de l'UAP à titre de prêts dont il s'avère qu'il ne s'agissait nullement de prêts personnels;

qu'en effet, il résulte de l'audition des victimes, qu'aucun de ces prêts n'a été consenti, ni à titre privé à André X... ni en sa qualité d'agent principal de l'UAP, tandis que celui-ci ayant émis des chèques de garantie non provisionnés, connaissait l'incapacité dans laquelle il se trouvait de procéder à leur remboursement ;

1°)"alors que les tribunaux ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis ; que l'article 405 de l'ancien Code pénal distingue l'usage de faux noms ou de fausse qualité qui suffit à constituer le délit d'escroquerie lorsqu'il a permis d'obtenir la remise d'une chose appartenant à autrui sans qu'il soit nécessaire que cet usage ait eu pour but de persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou crédit imaginaire ou de faire naître l'espérance ou la crainte d'un quelconque événement chimérique et les manoeuvres frauduleuses qui, elles, ne sont constitutives du délit d'escroquerie qu'autant qu'elles ont eu ce but ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de renvoi ne visait ni dans ses motifs, ni dans son dispositif, l'usage de fausse qualité et que dès lors en relevant d'office cette circonstance en dehors de toute comparution volontaire du prévenu, les juges du fond ont excédé leur pouvoir ;

2°)"alors que si par les manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 405 de l'ancien Code pénal figure l'abus de qualité vraie, en l'espèce, l'ordonnance de renvoi ne visait aucunement ce moyen de l'escroquerie, seul étant visé au titre des manoeuvres frauduleuses "la remise de chèques de garantie non provisionnés" en sorte qu'en relevant d'office l'abus par le prévenu de la qualité vraie d'agent de l'UAP, les juges du fond ont à nouveau méconnu leur saisine ;

3°)"alors que dès lors que les premiers juges avaient manifestement excédé leur saisine, non seulement la cour d'appel ne pouvait statuer par adoption de leurs motifs, mais elle devait annuler le jugement puis évoquer l'affaire pour statuer sur le fond comme l'article 520 du Code de procédure pénale lui en faisait l'obligation et qu'en s'abstenant de procéder de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure qu'Alain X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'escroqueries par emploi de manoeuvres frauduleuses, pour avoir emprunté des fonds à des clients de l'UAP, leur remettant en garantie des chèques qu'il savait non provisionnés ;

Attendu que les juges relèvent, pour le déclarer coupable dans les termes de la prévention, que les versements de fonds ont été déterminés, non seulement par la remise de chèques dénués de provision, mais encore par la qualité d'agent de l'UAP, dont le prévenu a abusé avant d'être licencié par cette compagnie, et qu'il a continué à utiliser après son licenciement, alors qu'elle était devenue fausse ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que le demandeur s'est expliqué sur l'usage de la qualité d'agent de l'UAP devant les juges du fond, qui n'ont opéré aucune requalification, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;

Qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé contre le demandeur la peine de 3 ans d'emprisonnement dont 18 mois assortis du sursis avec mise à l'épreuve pendant 3 ans ;

"aux motifs que la personnalité du prévenu mais aussi la gravité des faits qui se sont écoulés et répétés sur une assez longue période et qui ont porté sur des sommes considérables dont les victimes n'ont qu'un infime espoir d'obtenir remboursement malgré les intentions affirmées d'André X... qui n'offre aucune garantie, justifient une peine d'emprisonnement pour partie ferme plus sévère que celle prononcée par le premier juge ;

"alors qu'en matière correctionnelle, selon les dispositions combinées des articles 132-19 et 132-24 du Code pénal, le choix d'une peine d'emprisonnement sans sursis doit être spécialement motivé en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur et qu'en ne s'expliquant pas spécialement sur les éléments qui caractérisent la personnalité du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour condamner le demandeur à une peine d'emprisonnement pour partie sans sursis, la cour d'appel retient que la gravité des faits, la longue durée de la période au cours de laquelle ils ont été commis, l'importance du préjudice, les perspectives hasardeuses d'indemnisation des victimes et la personnalité du prévenu justifient le prononcé d'une telle mesure ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, satisfaisant aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure ;

Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 et 42 de l'ancien Code pénal, 112-1 et 131-26 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre du demandeur, la privation pendant 5 ans de ses droits civiques, civils et de famille en application de l'article 131-26 du Code pénal ;

"alors que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis ; qu'une loi édictant une peine complémentaire nouvelle ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur;

qu'à l'inverse de l'article 131-26 du Code pénal, l'article 42 de l'ancien Code pénal applicable à la date des faits reprochés à André X... ne prévoyait pas l'interdiction de représenter ou d'assister une partie en justice et que dès lors, en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe susvisés" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis;

qu'une loi édictant une peine complémentaire nouvelle ne peut s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir déclaré André X... coupable d'escroqueries et d'abus de confiance commis en 1990 et 1991, a prononcé à son égard, pour une durée de cinq ans, la peine complémentaire de l'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que cette dernière disposition, qui porte notamment sur le droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, n'est entrée en vigueur que le 1er mars 1994, et que ce droit n'était pas compris dans ceux énumérés par l'article 42 du Code pénal alors applicable, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Riom, en date du 12 décembre 1996, en ses seules dispositions ayant prononcé contre André X... la privation du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, toutes autres dispositions dudit arrêt demeurant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Riom, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.