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Décisions

Cass. crim., 8 juillet 1986, n° 85-90.088

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthiau

Rapporteur :

M. Souppe

Avocat général :

M. Dontenwille

Avocat :

SCP Nicolas, Massé-Dessen et Georges

Reims, du 6 déc. 1984

6 décembre 1984

REJET du pourvoi formé par :

- X... Patrice,

contre un arrêt de la Cour d'appel de Reims en date du 6 décembre 1984, qui l'a condamné pour escroquerie à une amende de 800 francs et a statué sur les réparations civiles.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 405 du Code pénal, L. 412-20 et L. 434-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable du délit d'escroquerie poursuivi ;

" aux motifs que le demandeur en sa qualité de délégué syndical et de membre titulaire du comité d'établissement de la société P. M. V avait établi, pour la journée du 8 février 1982, un bon de délégation, précisant la nature de ses démarches, relatives à chacune de ses fonctions ; qu'en fait, il avait consacré la plus grande partie de son temps à des activités syndicales dans une entreprise étrangère, soit de 9 h à 13 h 30 et de 14 h 30 à 16 h ; qu'il lui était reproché de s'être fait payer par son employeur des heures de délégation pour des activités étrangères à l'entreprise qui l'employait ; que les bons de délégation destinés à justifier de l'emploi de son temps au cours de la journée du 8 février, au vu desquels sa rémunération devait lui être versée par son employeur, avaient été remis à celui-ci " le lendemain ou le surlendemain " du 8 février et, par conséquent, à un moment où le demandeur savait quelle avait été, en fait, son activité au cours de cette journée et n'ignorait pas, en se prétendant employé pour l'accomplissement de tâches entrant dans le cadre strict de ses attributions, qu'il faisait usage de fausse qualité et commettait, par ce seul fait, le délit d'escroquerie, sans même que cet usage ait été accompagné de manoeuvres frauduleuses, dès lors que ledit usage avait été la cause déterminante de la remise des sommes indûment payées par l'employeur ;

" alors que l'affirmation inexacte d'un droit ne doit pas être confondue avec l'usurpation d'une qualité ; qu'ainsi, le fait, par le demandeur, de porter des horaires inexacts sur ses bons de délégation ne constituait, d'aucune façon, une prise de fausse qualité au sens de l'article 405 du Code pénal, faussement appliqué ;

" alors, au demeurant, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions du demandeur selon lesquelles seul l'horaire porté sur les bons de délégation était fallacieux, la preuve étant rapportée de l'accomplissement des missions y figurant, en dehors de ces horaires, en dehors de l'horaire normal de travail, de sorte qu'en touchant le salaire afférent aux heures de délégation portées sur les bons litigieux, il n'avait pas escroqué son employeur mais au contraire perçu un salaire qui lui était dû conformément à la loi " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le salarié X..., délégué syndical et membre du comité d'entreprise de la société de Transports Plumet-Migny-Vasseur (PMV), a remis à son employeur deux bons de délégation précisant la nature des démarches par lui effectuées dans l'exercice de sa double fonction représentative pendant les heures de délégation indiquées ; qu'il a ainsi obtenu de la société PMV le paiement du salaire correspondant ; qu'il a reconnu avoir consacré à d'autres tâches la majeure partie du temps prétendument destiné à l'accomplissement de sa mission ;

Attendu que pour déclarer le demandeur coupable d'escroquerie au préjudice de la société PMV et faire droit à la demande de réparations de la partie civile, l'arrêt attaqué relève que les bons de délégation ont été remis le lendemain de la période visée et énonce que X... n'ignorait donc pas que se prétendant alors " employé pour l'accomplissement des tâches entrant dans le cadre strict des fonctions concernant l'entreprise PMV " (bon de délégation de délégué syndical) ou " employé pour l'accomplissement des tâches entrant dans le cadre strict de ses attributions " (bon de délégation de membre du comité d'établissement), il faisait usage d'une fausse qualité et commettait par ce seul fait le délit d'escroquerie, sans même que cet usage ait été accompagné de manoeuvres frauduleuses, dès lors que ledit usage a été la cause déterminante de la remise des sommes indûment payées par l'employeur ;

Attendu que, bien qu'en affirmant son droit au paiement du salaire correspondant aux heures de délégation, exprimé par les bons litigieux, X... ait agi en sa qualité de délégué syndical et de membre du comité d'entreprise, les énonciations de l'arrêt attaqué n'en caractérisent pas moins en tous ses éléments constitutifs l'escroquerie dont le demandeur a été déclaré coupable ;

Qu'en effet l'abus d'une qualité vraie, de nature à imprimer l'apparence de la sincérité à des déclarations mensongères, à commander la confiance de la victime et à la persuader de l'existence d'un crédit imaginaire, constitue une manoeuvre frauduleuse au sens de l'article 405 du Code pénal ;

Qu'ainsi la Cour d'appel, qui n'avait pas à répondre autrement qu'elle l'a fait aux conclusions de la défense, a donné une base légale à sa décision sans encourir les griefs du moyen, lequel dès lors ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.