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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 4 juillet 2022, n° 20/04470

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Diabolo Menthe (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pignon

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Goumilloux

Avocats :

Me Leroy-Maubaret, Me Maubaret, Me Teani, Me Poussin

TJ Bordeaux, du 17 sept. 2020, n° 16/042…

17 septembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

Mme [J], bailleur, a consenti un bail commercial à M. [K], preneur, pour une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 1996. Le bail a été renouvelé le 13 septembre 2005.

Par acte d'huissier du 28 mars 2014, le preneur a sollicité le renouvellement du bail.

Par acte d'huissier du 15 avril 2014, le bailleur a adressé au preneur une réponse de refus de renouvellement du bail avec off re de d'indemnité d'éviction.

Une expertise amiable a été réalisée aux fi ns de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction et les parties ne se sont pas accordées sur le montant de celle-ci.

Par acte d'huissier du 14 avril 2016, le preneur a assigné le bailleur devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fi ns d'ordonner une expertise pour évaluer l'indemnité d'éviction.

Par ordonnance du 4 juillet 2017, le juge de la mise en état du tribunal a désigné M. [L] en qualité d’expert. L'expert a déposé son rapport le 28 mars 2018

.

Le preneur a sollicité la fixation de l'indemnité d'éviction à hauteur de la somme de 61 260 euros et le bailleur, à hauteur de la somme de 36 510 euros.

Par jugement contradictoire du 17 septembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- fixé l'indemnité d'éviction due à M. [E] [K] par Mme [Z] [M] épouse [J] à la somme de 61.260euros,

- fixé l'indemnité d'occupation due par M. [E] [K] à Mme [Z] [M] épouse [J] à la somme de 8.500euros l'an ht, charges en sus, et en tant que de besoin l'en a condamné au paiement,

- condamné Mme [Z] [M] épouse [J] à payer à M. [E] [K] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Mme [Z] [M] épouse [J] aux dépens y compris les frais d'expertíse judiciaire.

Par déclaration du 17 novembre 2020, Mme [J] a interjeté appel de cette décision à l'encontre de l’ensemble des chefs qu'elle a expressément énumérés, intimant M. [K].

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 2 février 2021, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, Mme [J] demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel,

- fixer l'indemnité d'éviction revenant à M. [E] [K] à la somme globale de 36.510 euros, se décomposant comme suit : 22 500 euros indemnité principale (valeur du droit au bail ou valeur du fonds de commerce),

+ 2 250 euros indemnité de remploi (10 % de l'indemnité principale),

+ 3 500 euros trouble commercial,

+ 7 260 euros perte de stock et frais de déménagement,

+ 1 000 euros frais divers,

- fixer l'indemnité d'occupation dont est redevable M. [E] [K] depuis le 1er juillet 2014 à la somme annuelle ht et hc de 10 000 euros, indexé le 1er juillet de chaque année sur la variation de l'indice des loyers commerciaux, et le condamner au paiement correspondant jusqu'à la parfaite libération des locaux et remise des clefs,

- laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles et dépens exposés sauf partager par moiti é des frais d'expertise judiciaire.

L'appelante fait valoir que le bail bénéficiant à M. [K] n'autorise que l'activité de vente et achat délivres et disques (destination unique) tout en interdisant sa cession sauf à un successeur dans son commerce, et que la valeur du droit au bail estimée par l'expert judiciaire de 45.000 euros doit par conséquent être réduite de moitié.

Elle expose que sauf cas particulier, le taux usuel de précarité retenu est de 10 % et non pas de 15% et que cet abattement exige l'existence d'un préjudice subi par le locataire, qui n'est pas démontré en l'espèce.

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 30 avril 2021, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, M. [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- condamné Mme [M] épouse [J] à lui payer la somme de 61.260 euros au titre de l'indemnité d’éviction, se décomposant comme suit :

* 45 000 euros au ti tre de l'indemnité principale,

* indemnité de remploi :4 500 euros (10% de l'indemnité principale),

* trouble Commercial : 3 500 euros,

* perte de stock : 7 260 euros,

* frais divers : 1 000 euros,

* total : 16 260 euros,

* grand total : 61 260 euros,

- réformer partiellement le jugement dont appel en ce qui concerne l'indemnité de précarité et, statuant à nouveau :

- fixer l'abattement de précarité à 50% et, en conséquence, ramener l'indemnité d'occupation à la somme de 5 000 euros annuels,

- consécutivement, condamner Mme [M] à lui payer la somme de 17 500 euros, à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt, correspondant au différentiel entre les loyers réglés par M. [K] et le loyer prenant en compte l'abattement pendant le cours de la procédure,

- en tout état de cause,

- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre confirmer sur ce point le jugement dont appel en ce qu'elle a condamné Mme [M] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal judiciaire de Bordeaux,

- condamner la même aux entiers dépens, de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

L'intimé fait valoir que l'expert a parfaitement rempli sa mission, en vérifiant par le biais de plusieurs méthodes de calcul, la valeur du droit au bail, venant compenser la différence de loyer entre un bail renouvelé et un bail neuf dans le même secteur, avec les mêmes caractéristiques.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2022 et le dossier a été fixé à l'audience du 31mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parti es, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appelante fait valoir que la clause de spécialisation des lieux loués (destination unique) et l’interdiction contractuelle au locataire de céder son droit au bail à une autre personne qu'à son successeur dans son fonds de commerce doit conduire à une évaluation de la valeur économique isolée du droit au bail affectée d'une moins-value de 50 %.

L'intimé réplique à juste titre que l'expert judiciaire a parfaitement rempli sa mission, en vérifiant par le biais de plusieurs méthodes de calcul, la valeur du droit au bail, venant compenser la différence de loyer entre un bail renouvelé et un bail neuf dans le même secteur, avec les mêmes caractéristiques.

Il ressort en effet des pièces versées aux débats que l'expert amiable désigné par Mme [J] n'a utilisé qu’une méthode de calcul du droit au bail, basée qui plus est sur des éléments obsolètes, faute d’avoir sollicité des documents fi ables de la part du locataire.

Au contraire, l'expert judiciaire a très exactement retenu que le calcul de l'indemnité principale ne pouvait reposer sur la seule méthode des barèmes professionnels, dès lors que la valeur du droit au bail est en l'espèce supérieure à celle du fonds de commerce.

En premier lieu, l'expert a relevé que le local est situé en bordure d'un axe piétonnier fréquenté et dans un secteur en évolution depuis quelques années, la clientèle étant considérée dans ces conditions comme facilement appréhendable.

Par ailleurs, si l'expert a retenu la destination parti culière du bail pour évaluer la valeur de celui-ci, il a également noté que la clause de destination restreinte est contre balancée par l'existence d'un loyer peu élevé, permettant en outre d'exploiter un fonds de commerce dans un secteur qui, au bénéfice du renouveau du vinyle, est en pleine évolution et porteur.

Enfin, la clause du bail selon laquelle la cession du droit au bail n'est autorisée qu'au successeur dans le fonds de commerce est une clause usuelle qui n'est pas de nature à diminuer l'évaluation opérée.

De ces éléments, il convient de déduire que le tribunal judiciaire de Bordeaux, en adoptant la valeur proposée par l'expert judiciaire au titre de l'indemnité principale a fait une juste appréciation des éléments de fait et de droit qui lui étaient soumis et le jugement déféré sera confirmé de ce chef

éléments de fait et de droit qui lui étaient soumis, et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Les indemnités accessoires ne faisant l'objet d'aucune discussion, et leur évaluation étant pertinemment effectuées, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a fixé à 61.260euros l'indemnité d'éviction.

Conformément à l'article L. 145-28 du code de commerce

, l'indemnité d'occupation doit être fixée compte tenu de tout élément d'appréciation, ce qui implique que la précarité découlant du refus de renouvellement soit prise en considération.

L'abattement pour précarité, fixé de manière usuelle à 10 % , peut être augmenté si le locataire démontre qu'il a subi un préjudice supérieur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la longueur de la procédure étant en grande partie imputable à M. [K] qui, après avoir reçu le congé avec refus de renouvellement et off re d'indemnité d'éviction en avril 2014 n'a assigné sa propriétaire qu'en avril2016.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due par M. [E] [K]à Mme [Z] [M] épouse [J] à la somme de 8.500 euros l'an ht.

Le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de Mme [J].

Il est équitable d'allouer à M. [K] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, que Mme [J] sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [Z] [M] épouse [J] à payer à M. [E] [K] la somme de 2.500 euros en application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

;

Condamne Mme [Z] [M] épouse [J] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Titrage

Demande d'évaluation et/ou en paiement de l'indemnité d'éviction.