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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 30 juin 2022, n° 21/02246

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Metallerie (SARL)

Défendeur :

Champagneux (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

Avocats :

Me Kais, Me Bruyere, Me Lherbier

T. com. Vienne, du 25 févr. 2021, n° 201…

25 février 2021

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte notarié en date du 31 décembre 2012, M. [C] a donné à bail à la Sarl Métallerie [C] un tènement immobilier situé 5 chemin de Champagneux à Bourgoin Jallieu comprenant notamment des locaux à usage de bureaux et atelier principal d'une surface de 814 m², des zones de stockage non fermées mais couvertes d'une surface totale de 423 m², une cour et autres surfaces non bâti es annexes.

Le 6 septembre 2016, la Sci Champagneux a acquis les bâtiments précités, devenant bailleresse de la société Métallerie [C].

Par acte d'huissier du 26 juin 2018, la société Métallerie [C] a donné congé au bailleur pour le 31décembre 2018, terme de la deuxième période triennale.

Elle s'est maintenue dans les lieux jusqu'à début avril 2019 contre paiement d'une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer.

Reprochant au preneur de ne pas avoir débarrassé les lieux, la bailleresse a fait procéder à un constat d'huissier le 4 juin 2019 avant de faire procéder à l'enlèvement des matériaux et véhicules délaissés et de réclamer vainement à la société Métallerie [C] paiement du coût de ces travaux de nettoyage.

Le 30 octobre 2019, la Sci Champagneux a obtenu du président du tribunal de commerce de Vienne une ordonnance d'injonction de payer la somme principale de 24.200 euros outre intérêts légaux à compter de la signification qui a été délivrée à la société Métallerie [C] le 21 novembre suivant.

Sur l'opposition de cette dernière formée le 22 novembre 2019 et par jugement du 25 février2021, le tribunal de commerce de Vienne

a :

- déclaré recevable et mal fondée l'opposition formée par la société Métallerie [C] à l'ordonnance d’injonction de payer n°2019P00631 rendue le 30 octobre 2019,

- condamné la société Métallerie [C] à payer à la Sci Champagneux la somme de 25.919,95 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2019,

- condamné la société Métallerie [C] à payer à la Sci Champagneux la somme de 80 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2019,

- condamné la société Métallerie [C] à payer à la Sci Champagneux la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté comme non fondés tous autres moyens fi ns et conclusions contraires des parties,

- condamné la société Métallerie [C] aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile et liquidé conformément à l'article 701 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 14 mars 2021, la société Métallerie [C] a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions qu'elle a énoncées.

Prétentions et moyens de la société Métallerie [C] :

Dans ses conclusions noti fi ées le 12 août 2021, la société Métallerie [C] demande à la cour de :

- dire que la Sci Champagneux est mal fondée à réclamer la remise en état du site,

- dire que la créance invoquée par la Sci Champagneux à hauteur de 25.919, 95 euros n'est pas justifiée,

- débouter la société Sci Champagneux de sa demande en paiement,

- réformer le jugement en date du 25 février 2021 en toutes ses dispositions,

- condamner la Sci Champagneux à payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- en l'absence de concertation préalable lui ayant permis de connaître le coût des opérations de nettoyage et de débarrassage, elle est fondée à contester les factures présentées par la bailleresse,

- aucun état des lieux n'a été dressé lors de son entrée dans les lieux loués en décembre 2012 et elle est présumée les avoir reçus en l'état,

- les biens ayant nécessité l'enlèvement étaient déjà entreposés dans les lieux et n'ont aucun lien avec elle,

- les termes de l'article 4 du bail ne l'obligeant qu'à rendre les lieux en l'état, elle ne peut être tenue au nettoyage et à l'enlèvement d'objets qu'elle n'a pas elle-même entreposés,

- son estimation du coût de l'opération à concurrence de 10.000 euros n'emporte pas reconnaissance de son obligation de prise en charge, s'agissant d'une simple tentative de solution amiable du litige.

Prétentions et moyens de la Sci Champagneux :

Selon ses conclusions notifiées le 26 août 2021, la Sci Champagneux entend voir :

- confirmer la décision du tribunal de commerce de Vienne en date du 25 février 2021 en l’ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'elle a constaté que la Sci Champagneux n'apporte pas de base légale ou contractuelle à la majoration de 10 points des taux d'intérêts qu'elle demande,

- condamner la société Métallerie [C] à payer à la Sci Champagneux la somme de 25.919,95 euros au titre des opérations de nettoyage et de débarrassage outre intérêts au taux légal majoré de 10points à compter de la mise en demeure au titre des intérêts compensatoires,

- condamner la société Métallerie [C] à payer à la Sci Champagneux la somme de 80 euros au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société Métallerie [C] à payer à la Sci Champagneux la somme de 1.099,02 euros au titre des frais de procédure d'injonction de payer, frais de requête, frais de constat d'huissier, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société Métallerie [C] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Métallerie [C] aux entiers dépens distrait au profit de Maître Florian Desbos avocat sur son affirmation de droit.

La Sci Champagneux soutient que :

- le bail ayant été conclu avant la loi Pinel du 18 juin 2014 et en l'absence d'état des lieux, l'article 1731 du code civil doit s'appliquer et il appartient au preneur de rapporter la preuve que les lieux lui ont été délivrés en mauvais état,

- il ne s'agit pas de réparations locatives mais de biens laissés dans les lieux malgré l'obligation de rendre les lieux libres de toute occupation,

- il n'est pas contesté et ressort du procès-verbal de constat que les lieux ont été laissés encombrés de matériaux dont la société Métallerie [C] a reconnu, courrier du 27 septembre 2019, être à l’origine de l'entreposage,

- les montants réclamés sont justifiés, la Sci ayant réduit les coûts au maximum et l'estimation de la société Métallerie [C] ne prenant en compte que le temps de démontage de six bungalows à l’exclusion du temps d'évacuation des déchets et du coût de leur traitement,

- la société Métallerie [C] qui a refusé de nettoyer et débarrasser les locaux après son départ, est mal venue de contester le montant réclamé,

- elle n'aurait pas eu à faire l'avance de ces coûts si le preneur avait exécuté ses obligations contractuelles, ce qui justifie le versement d'intérêts compensatoires.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2022

MOTIFS DE LA DECISION :

Ayant fait délivrer congé à sa bailleresse, la société Métallerie [C] était tenue d'une obligation de restitution des lieux loués libres de toute occupation de sa part.

Le constat d'huissier dressé le 4 juin 2019 révèle qu'à cette date, plusieurs véhicules dont un camion portant l'enseigne «A.[C] Sarl», des matériaux et déchets d'exploitation, des bungalows ainsi que divers mobiliers avaient été délaissés sur le tènement immobilier objet du bail.

Cet état des lieux ne permet pas de considérer que la locataire a satisfait à son obligation de libération intégrale des lieux.

En l'absence de production d'un état des lieux dressé à son entrée en possession, la société Métallerie [C] ne peut prétendre avoir reçu les lieux «en l'état» alors que le bail ayant été régularisé en décembre 2012, antérieurement à la loi du 18 juin 2014, ces nouvelles dispositions relatives l’état des lieux ne lui sont pas applicables et que la bailleresse peut dès lors se prévaloir de la présomption de l'article 1731 du code civil, de délivrance des lieux en bon état de réparations locatives.

En conséquence, la société Métallerie [C], qui ne soutent pas ne pas avoir reçu de la bailleresse une interpellation suffi sante d'avoir à débarrasser les lieux, doit indemniser la Sci Champagneux des frais engagés pour y parvenir et dont elle justifie par la production des factures à concurrence de la somme de 25.919,95 euros ttc.

Pour justifier sa demande de majoration de 10 points du taux de l'intérêt légal, la Sci Champagneux invoque la perte de trésorerie résultant de l'avance de ces frais sans rapporter la preuve d'un préjudice supérieur à celui réparé par l'application du taux légal depuis le 21 novembre 2021.

Par ailleurs, la Sci Champagneux réclame à la fois paiement d'une « indemnité forfaitaire de recouvrement de 80 euros » qui ne ressort d'aucune stipulation du contrat de bail et des frais de constat d'huissier et de procédure d'injonction de payer qui relèvent pour les premiers de l’indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile et pour les seconds des dépens de première instance.

Le jugement du tribunal de commerce de Vienne sera confirmé sauf en ce qu'il a condamné la société Métallerie [C] au paiement d'une indemnité forfaitaire de 80 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Vienne en date du 25 février 2021 sauf en ce qu’il a condamné la société Métallerie [C] à payer à la Sci Champagneux la somme de 80 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2019, statuant à nouveau sur ce seul chef,

DEBOUTE la Sci Champagneux de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire de recouvrement,

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

CONDAMNE la Sarl Métallerie [C] à payer à la Sci Champagneux la somme de 3000 euros en cause d’appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl Métallerie [C] aux dépens de l'instance d'appel.

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.