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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 12 janvier 2022, n° 19/04340

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Eiffage Genie Civil (SAS)

Défendeur :

Bernard Brignon (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

Mme Strunk, Mme Ougier

Avocat :

Selarl Ringle Roy & Associes

T. com. Nîmes, 15 oct. 2019, n° 2018J402

15 octobre 2019

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 14 novembre 2019 par la SAS Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier, à l'encontre du jugement prononcé le 15 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° 2018J402 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 août 2020 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 mai 2020 par la SASU Bernard Brignon, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure à effet différé au 18 novembre 2021 en date du 6 juillet 2021 ;

* * *

Courant 2016, la SASU Bernard Brignon s'est vu confier par un promoteur, la SCI Carré du roi, le lot gros oeuvre d'un marché de travaux portant sur la réalisation d'une résidence étudiante de 112 logements située à Montpellier.

Par contrat du 20 septembre 2016, la société Brignon a sous-traité à la société Resirep Montpellier -devenue Eiffage Génie Civil, la réalisation de pieux de fondations et d'une paroi micro-berlinoise butonnée pour un prix de 227.917,26 € HT.

Les travaux ont été réalisés par la société Resirep Montpellier en septembre et octobre 2016.

La conformité des pieux posant problème, un expert a été désigné par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Montpellier en date du 28 décembre 2016.

Sans attendre le dépôt du rapport d'expertise, la société Resirep Montpellier a repris les malfaçons relevées sur ses travaux.

Le 18 juillet 2017, la réception du chantier a été prononcée entre le maître d'ouvrage, la SCI Carré du roi, et l'entreprise principale Bernard Brignon, sans réserve sur les travaux réalisés par la société Resirep Montpellier.

Le 26 mars 2018, L'expert judiciaire commis par l'ordonnance de référé du 28 décembre 2016 a déposé son rapport.

Par exploit du 20 septembre 2018, et sur la base de ce rapport d'expertise, la société Bernard Brignon a fait assigner la société Eiffage Génie Civil et son assureur, la compagnie SMABTP, devant le président du tribunal de commerce de Nîmes siégeant en référé, aux fins d'obtenir paiement d'une provision de 601.886 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices ayant résulté pour elle des erreurs commises par la société Eiffage Génie Civil dans l'exécution de son contrat, outre 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 19 décembre 2018, la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier a été condamnée à payer à la société Bernard Brignon la somme provisionnelle de 350.000 euros, outre 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 23 mai 2019, la cour d'appel de Nîmes a réformé partiellement la décision en réduisant le montant de la condamnation à la somme provisionnelle de 200.000 euros, et condamné l'assureur à relever et garantir la société Eiffage Génie Civil de toutes les condamnations prononcées.

Par exploit du 5 novembre 2018, la société Eiffage Génie Civil, venant aux droits de la société Resirep Montpellier, a fait assigner la SASU Bernard Brignon devant le tribunal de commerce de Nîmes, aux fins de :

« dire et juger que le contrat conclu entre les sociétés Bernard Brignon et Resirep Montpellier est nul,

dire et juger que les travaux réalisés doivent être évalués à la somme de 375.841,30 euros HT sauf à parfaire,

condamner la société Bernard Brignon à lui payer la somme de 375.841,30 euros HT assortie des intérêts légaux à compter de l'assignation,

ordonner le cas échéant, la capitalisation des intérêts,

condamner la société Bernard Brignon à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens de l'instance.

ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ».

Par jugement en date du 15 octobre 2019 -dont appel, le tribunal de commerce de Nîmes a :

« débouté la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Faisant droit à la demande reconventionnelle de la société Bernard Brignon,

déclaré la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier responsable des désordres,

condamné la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier à porter et payer, en deniers ou quittances valables, à la société Bernard Brignon la somme de 601.886 € TTC à titre de dommages et intérêts,

jugé et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la (...) décision,

condamné la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier à porter et payer, en deniers ou quittances valables, à la société Bernard Brignon la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

condamné la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier aux dépens de l'instance (...) ».

***

Le 14 novembre 2019, la SAS Eiffage Génie Civil a relevé appel de ce jugement pour le voir réformer en toutes ses dispositions.

Elle soutient que le contrat de sous-traitance du 20 septembre 2016 est nul par application des dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, dès lors qu'aucune garantie de paiement, ni caution personnelle et solidaire, n'a été fournie par l'entreprise principale, alors qu'elle aurait du intervenir au plus tard à la signature du contrat de sous-traitance. Ledit contrat portait mention expresse que la garantie de paiement choisie était celle du cautionnement bancaire, mais le seul acte de caution qui lui a été communiqué, et ce, dans le cadre de la procédure de référé, porte la date du 27 septembre 2016, est donc postérieur au contrat de sous-traitance et ne satisfait pas aux prescriptions légales. La SAS Eiffage Génie Civil rappelle que le défaut de fourniture d'une garantie de paiement lors de la conclusion du contrat de sous-traitance lui cause bien évidemment un préjudice en la privant de la protection mise en place par le législateur et qu'il n'est pas régularisable.

L'appelante déduit de la nullité du contrat de sous-traitance le caractère non avenu des obligations contractuelles qui y étaient stipulées, et fait valoir qu'elle est en droit de réclamer la juste rémunération des prestations accomplies.

Son indemnisation doit se faire sur la base du coût réel des travaux réalisés, indépendamment de la valeur de l'ouvrage. Elle chiffre pour sa part à 226.341,30 euros HT le coût de ses travaux, et à 149.500 euros HT le coût des travaux de reprise réalisés, et demande donc paiement d'une somme totale de 375.841,30 euros HT, avec intérêts légaux à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts.

Sur la demande reconventionnelle de la société Bernard Brignon tendant à l'indemnisation par l'appelante des préjudices qu'elle aurait subis par sa faute, du fait du retard pris dans les travaux et des surcoûts occasionnés, elle conclut à son rejet dans la mesure où, d'une part, les préjudices allégués ne sont pas indemnisables en l'état de la nullité du contrat de sous-traitance, et, d'autre part, les ouvrages réalisés par ses soins ne souffrent d'aucune malfaçon.

Enfin, elle considère que la société Bernard Brignon ne justifie pas de ce que les pénalités de retard ont été appliquées par le maitre d'ouvrage.

Au terme de ses dernières conclusions, la SAS Eiffage Génie Civil demande donc à la cour, au visa de l'article 14 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, de :

« Statuant sur l'appel formé par la SAS Eiffage Génie civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier à l'encontre de la décision rendue le 15 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Nîmes,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- débouté la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Faisant droit à la demande reconventionnelle de la société Bernard Brignon,

- déclaré la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier responsable des désordres,

- condamné la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier à porter et payer, en deniers ou quittances valables, à la société Bernard Brignon la somme de 601.886 € TTC à titre de dommages et intérêts,

-condamné la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier à porter et payer, en deniers ou quittances valables, à la société Bernard Brignon la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

- condamné la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier aux dépens de l'instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

Statuant à nouveau,

- Retenir l'absence de fourniture de toute caution bancaire de la part de la société Bernard Brignon au moment de la signature du contrat de sous-traitance,

En conséquence,

- Dire et juger que le contrat conclu entre Bernard Brignon et la société Resirep Montpellier en date du 20 septembre 2016 est nul,

- Dire et juger que les travaux réalisés doivent être évalués à la somme de 375.841,30 € HT, sauf à parfaire.

- Condamner la société Bernard Brignon au paiement de la somme de 375.841,30 € HT assortie des intérêts légaux à compter de la date de la présente assignation

- Ordonner le cas échéant la capitalisation des intérêts,

- Débouter la SASU Bernard Brignon, de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident,

- Rejeter la demande reconventionnelle de la SASU Bernard Brignon,

A défaut,

- Dire et juger que la SASU Bernard Brignon ne justifie pas de l'application des pénalités de retard par la SCI Carré du Roi,

- Réduire le montant des préjudices allégués en conséquence

- Opérer une compensation entre les sommes dues par la SASU Bernard Brignon (375.841,30 € HT en principal) avec les sommes qui seront allouées à celle-ci,

A titre subsidiaire sur ce point et dans l'hypothèse où la Cour confirmait le jugement en ce qui concerne la nullité du contrat de sous-traitance,

- Dire et juger que la SASU Bernard Brignon ne justifie pas de l'application des pénalités de retard par la SCI Carré du Roi,

- Réduire le montant des préjudices allégués en conséquence,

- Opérer une compensation entre les sommes dues par la SASU Bernard Brignon soit 375.841,30 € HT assortie des intérêts légaux à échéance des délais de paiement de chaque facture (45 jours) et de la capitalisation des intérêts, avec les sommes qui seront allouées à celle-ci,

- Condamner la SASU Bernard Brignon, à payer à la SAS Eiffage Génie Civil, la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

* * *

La SASU Bernard Brignon réplique tout d'abord que le cautionnement de la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions en date du 27 septembre 2016 consenti conformément à l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, a été produit au cours de l'instance opposant la société Bernard Brignon à la société Resirep Montpellier, ce qui n'a aucune incidence sur sa validité.

S'il n'est effectivement pas concomitant à la conclusion du contrat de sous-traitance, les parties avaient convenues d'une possibilité de justification différée à huit jours de la date de l'agrément, lui-même intervenu le 20 septembre 2016, et ce, dans l'annexe au contrat de sous-traitance intitulée « déclaration du sous-traitant » dûment paraphée et signée, et faisant donc partie intégrante du contrat. L'intimée ajoute que l'aménagement conventionnel du délai ne porte pas atteinte à la protection du sous-traitant et ne fait pas échec aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975, dès lors que cet aménagement n'a ni pour effet ni pour objet de priver celui-ci du bénéfice des garanties de paiement pour les travaux qu'il réalise.

Elle conclut donc à la validité du contrat de sous-traitance conclu.

Par ailleurs, la société Bernard Brignon relève que l'imputabilité des malfaçons constatées à la société Eiffage Génie Civil est clairement établie par l'expert pour 24 des 25 pieux.

De plus, elle rappelle que la société Eiffage Génie Civil est présumée responsable à l'endroit de l'entrepreneur principal, au titre des travaux qu'elle a réalisés, sur le fondement de l'article 1147 du code civil et son obligation n'est pas circonscrite à la seule réalisation des travaux de reprise qui, selon elle, auraient donné toute satisfaction, mais s'étend également aux délais de réalisation, de sorte que la société Eiffage Génie civil doit être tenue comme responsable du retard consécutif à l'exécution « désastreuse » des travaux réalisés initialement.

Enfin, concernant le montant de l'indemnisation, la société intimée conclut que l'expert judiciaire a évalué le préjudice consécutif aux défaillances de la société Eiffage Génie Civil à hauteur de 601.886 € TTC dont 162.740 € TTC au titre des pénalités de retard. La société Eiffage Génie Civil a exécuté des ouvrages non conformes qu'il a fallu démolir et reprendre, ce qui a paralysé le chantier pendant plusieurs mois, et l'a contrainte à mobiliser des moyens exceptionnels qui n'avaient pas été pris en compte lors de l'établissement de son devis d'origine, pour tenter de livrer la résidence étudiante au maître d'ouvrage pour la rentrée universitaire.

Au terme de ses dernières conclusions, la SASU Bernard Brignon demande à la cour, au visa de l'article 1147 du code civil, de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, de :

débouter la société Eiffage Génie Civil de toutes ses demandes fins et conclusions,

confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande reconventionnelle de la société Bernard Brignon,

Constatant que la société Eiffage Génie Civil est présumée responsable des conséquences des désordres imputables à ses travaux et qu'elle ne rapporte ni même n'allègue un cas de force majeur,

Si mieux n'aime constater que les malfaçons commises par la société Eiffage Génie Civil dans la réalisation des pieux de fondation à l'occasion des travaux qu'elle a réalisés sont indiscutablement à l'origine d'un préjudice certain subi par la société Bernard Brignon,

Condamner en conséquence la société Eiffage Génie Civil à porter et payer à la société Bernard Brignon 601.886 € TTC à titre de dommages intérêts du fait de l'exécution fautive des travaux qu'elle a réalisés pour compte de la société Bernard Brignon sous déduction le cas échéant du prix de ses travaux sonnant selon son marché à 227.275,26 € TTC,

condamner in solidum la société Eiffage Génie Civile à payer à la société Bernard Brignon 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

sur la nullité du contrat de sous-traitance :

L'article 14 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 dispose que : « à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié, agréé dans des conditions fixées par décret. Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maitre d'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 (1275 dans la version en vigueur avant le 1er octobre 2016) du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant ».

En vertu de l'article 15 suivant, « sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient eu pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi ».

L'obligation pour le maitre d'ouvrage de fournir à son sous-traitant une garantie par cautionnement ou délégation est donc d'ordre public et le sous-traitant ne peut valablement y renoncer.

En l'espèce, les parties s'accordent à dire qu'il n'était pas envisagé une délégation qui exonèrerait l'entreprise Brignon du cautionnement requis par l'article 14 précité. Et effectivement, le contrat de sous-traitance mentionne en page 3 que « le sous-traitant est payé par l'entrepreneur principal qui fournit au sous-traitant une caution bancaire ».

L'intimée produit en pièce 42 un acte de « caution de sous-traitance » souscrit par ses soins auprès de la Compagnie européenne de garanties et cautions, relativement au contrat de sous-traitance du 20 septembre 2016.

Ce cautionnement est en date du 27 septembre 2016.

Or, peu importe qu'un acte de cautionnement ait été obtenu par la société Bernard Brignon le 27 septembre 2016, l'absence de fourniture d'un cautionnement lors de la conclusion du contrat n'est pas régularisable et emporte la nullité du sous-traité.

C'est tout aussi vainement que l'intimée fait valoir que, par l'apposition de sa signature sur la « déclaration du sous-traitant » annexée au contrat du 20 septembre 2016, la société Resirep Montpellier aurait accepté le principe d'une justification différée du cautionnement.

En effet, toute renonciation du sous-traitant à ses droits tels que fixés par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, serait nulle et de nul effet. Mais l'article 7 de la déclaration dont se prévaut la société Bernard Brignon n'est pas, en tout état de cause, une renonciation de la société Resirep Montpellier à ses droits. En effet, il y est mentionné que « Doit être fournie par l'entreprise principale une copie de la caution bancaire de paiement délivré par un établissement financier au bénéfice du sous-traitant. Si l'entreprise principale est dans l'incapacité de fournir copie de cette caution à la demande d'agrément su sous-traitant, elle s'engage à la fournir dans les huit jours qui suivent la réception de l'acceptation de l'agrément ».

Par cette clause, la société Resirep Montpellier a seulement accepté que la copie du cautionnement imposé par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 lui soit fournie dans les huit jours si elle ne l'était pas immédiatement, mais elle n'a jamais accepté que ce cautionnement soit souscrit huit jours après la conclusion du sous-traité.

Faute pour la société Bernard Brignon, d'avoir fourni à la société Resirep Montpellier, lors de la conclusion du sous-traité, le cautionnement prescrit par les dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975, ce sous-traité en date du 20 septembre 2016 est nul.

Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé.

sur les conséquences de la nullité du contrat de sous-traitance :

En vertu de l'article 1178 du code civil, « le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé (et) les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ».

L'article 1352 du même code ajoute que « la restitution (...) a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution ».

Ainsi, dans le cas où un contrat nul a été exécuté, les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution. Et si cette remise en état se révèle matériellement impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer doit s'acquitter de la valeur réelle de cette prestation.

En l'espèce, des travaux ont été exécutés par la société Resirep Montpellier devenue Eiffage Génie civil au profit de la société Bernard Brignon en exécution du contrat de sous-traitance conclu entre elles le 20 septembre 2016.

Ce contrat étant nul, la remise en état dans la situation antérieure à la conclusion du contrat est évidemment impossible matériellement.

Dès lors, la société Eiffage est en droit d'obtenir la restitution de toutes les sommes réellement déboursées, sans que soit prise en compte la valeur de l'ouvrage. Civ 3è 13 septembre 2006 n°05-11.533

C'est donc à bon droit qu'elle demande paiement non seulement du coût réel des travaux réalisés initialement mais encore de ceux réalisés en reprise des malfaçons affectant les premiers.

L'appelante produit en pièce 8 un chiffrage de ses coûts par le Cabinet B2M Économiste, basé sur le logiciel Série Batiprix ainsi que sur le bordereau général des prix unitaires du bâtiment et des TP des éditions Callon Moulle.

Cette évaluation n'est l'objet d'aucune critique dans les conclusions adverses et peut donc être retenue par la cour comme demandé par la société Eiffage Génie civil à hauteur de 226.341,30 euros HT.

La société Bernard Brignon ne conteste pas davantage l'évaluation faite par l'appelante des travaux de reprise réalisés à hauteur de 149.500 euros HT.

Il convient donc de faire droit à la demande de la société Eiffage Génie Civil et de condamner la société Bernard Brignon à lui payer une somme de 375.841,30 euros HT, avec intérêts de retard au taux légal à compter de l'assignation délivrée le 5 novembre 2018.

A la demande de l'appelante, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

sur la demande reconventionnelle en indemnisation :

La société Bernard Brignon fait à juste titre valoir que le non-respect par l'entrepreneur principal des dispositions relatives aux garanties de paiement dues à son sous-traitant ne la prive pas de son droit d'agir à son encontre en réparation de ses préjudices résultant des malfaçons dans les travaux exécutés par ce sous-traitant.

Pour autant, l'article 1178 du code civil prévoit à cet effet que « indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle ».

Et, par l'effet de l'anéantissement rétroactif d'un contrat annulé, la responsabilité d'une des parties à ce contrat ne peut être recherchée que sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel. Civ 3è 18 mai 2011 n°10-11.721

Dès lors, la demande d'indemnisation formulée par la société Bernard Brignon dans ses dernières conclusions sur le seul fondement de l'article 1147 du code civil, et donc de la responsabilité contractuelle de la société Eiffage Génie Civil (motivation en page 10 et visa du dispositif en page 13), ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

La société Bernard Brignon qui succombe, devra supporter les dépens de la première instance et de l'instance d'appel, et payer à la société Eiffage Génie Civil une somme équitablement arbitrée à 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

Dit que le contrat de sous-traitance conclu le 20 septembre 2016 entre la société Resirep Montpellier -devenue Eiffage Génie Civil- et la société Bernard Brignon est nul ;

Condamne la société Bernard Brignon à payer à la société Eiffage Génie civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier, la somme de 375.841,30 euros HT en indemnisation du coût réel total des travaux réalisés, avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute la société Bernard Brignon de sa demande d'indemnisation fondée sur la responsabilité contractuelle de la société Resirep Montpellier devenue Eiffage Génie Civil ;

Dit que la société Bernard Brignon supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à la société Eiffage Génie Civil venant aux droits de la société Resirep Montpellier une somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.