CA Angers, ch. com. A, 17 septembre 2019, n° 16/03078
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Anciens Etablissements L. (SARL)
Défendeur :
Finition Habitat (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Van Gampelaere
Conseillers :
Mme Le Bras, Mme Couturier
FAITS ET PROCÉDURE
Dans le cadre de l'exécution du lot plâtrerie-peinture d'un chantier de construction d'un ensemble immobilier à Saint Gemmes sur Loire, la SARL Anciens Etablissements L., ci-après désignée la SARL L., a fait intervenir la SARL Finition Habitat suivant contrat de sous-traitance signé le 4 juillet 2011 pour réaliser les enduits des plafonds de la cage d'escalier B pour une somme globale et forfaitaire de 5450,17 euros HT, le devis joint du 1er juillet 2011 mentionnant quant à lui un coût de 4557 euros HT, soit 5450,17 euros TTC.
Les parties ont également convenu dans le cadre de ce contrat de sous-traitance des travaux supplémentaires concernant l'enduit des plafonds de la cage d'escalier C.
Invoquant des contraintes de planning, la SARL Finition Habitat a quitté le chantier courant juillet 2011, informant la SARL L. par mail du 27 juillet 2011 qu'elle n'avait pas pu achever avant son départ les travaux de finition et de ponçage avant peinture des appartements B3 et B4. Elle a adressé à la SARL L. une facture du même jour reprenant le coût des travaux accomplis pour les autres appartements, pour un montant global de 5714,61 euros TTC (4778,10 euros HT).
Par courrier du 1er août 2011, la SARL L. a fait grief à la SARL Finition Habitat d'avoir quitté le chantier sans terminer les travaux et a signalé l'existence de certains désordres. Par courrier du 19 septembre 2011, elle a ainsi refusé de régler la facture susvisée.
A la suite d'un commandement de payer du 26 janvier 2012 resté vain, la SARL Finition Habitat a saisi le président du tribunal de commerce d'Angers d'une requête en injonction de payer pour obtenir le règlement de la facture.
Par ordonnance du 19 juin 2012, le président du tribunal de commerce d'Angers a enjoint la SARL L. de payer à la SARL Finition Habitat la somme en principal de 5714,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2012, outre 157,94 euros de frais de sommation de payer, 52,62 euros de frais de requête et les dépens.
Le 27 août 2012, la SARL L. a formé opposition à cette ordonnance, dénonçant l'inachèvement des travaux prévus au contrat de sous-traitance qu'elle a prétendu avoir dû reprendre avec le renfort d'un autre sous-traitant et d'intérimaires.
Faute de solution amiable trouvée par les parties et la SARL L. ayant soulevé l'exception de péremption d'instance de la première procédure, la SARL Finition Habitat l'a fait réassigner devant le tribunal de commerce par acte du 15 février 2016.
Devant le tribunal, la SARL L. a opposé à la demande en paiement l'exception d'inexécution contractuelle et a demandé la résolution judiciaire du contrat.
Pour sa part, la SARL Finition Habitat a maintenu sa demande en paiement et sollicité 3000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par jugement en date du 28 septembre 2016, le tribunal de commerce d'Angers a :
- ordonné la jonction des deux procédures,
- condamné la SARL L. à payer à la SARL Finition Habitat la facture du 27 juillet 2011 pour un montant TTC de 5714,61 euros,
- débouté la SARL Finition Habitat de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la SARL L. à payer à la SARL Finition Habitat la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL L. aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté les autres demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 9 décembre 2016, la SARL L. a interjeté appel de cette décision, intimant la SARL Finition Habitat. Les parties ont conclu.
Une ordonnance du 25 mars 2019 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe
- le 9 mars 2017 pour la SARL L.,
- le 5 mai 2017 pour la SARL Finition Habitat,
aux termes desquelles les parties forment les demandes qui suivent.
La SARL L. demande à la cour au visa des articles 1183 et 1184 du code civil, de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la SARL Finition Habitat de ses demandes,
- dire la concluante recevable et bien fondée en son exception d'inexécution,
- prononcer la résolution judiciaire du contrat de sous-traitance signé entre les parties le 4 juillet 2011 en raison du manquement de la SARL Finition Habitat à ses obligations,
- condamner la SARL Finition Habitat au paiement d'une somme de 6427,30 euros en réparation du préjudice matériel subi,
- condamner la SARL Finition Habitat à lui payer une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Finition Habitat aux dépens de première instance et d'appel.
La SARL Finition Habitat demande à la cour de :
- déclarer la SARL L. irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel et ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL L. à payer la facture,
- y ajoutant, condamner la SARL L. au paiement des intérêts de droit à compter de l'ordonnance portant injonction de payer,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la concluante et condamner la SARL L. à lui payer la somme de 3000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- confirmer le jugement sur les indemnités allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- condamner la SARL L. à lui payer la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner la SARL L. aux dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est acquis aux débats que les parties ont conclu un contrat de sous-traitance le 4 juillet 2011 portant sur les travaux « d'enduits béton plafonds » des cages B et C de l'ensemble immobilier en cours de construction, avec stipulation que les travaux devaient être exécutés dans un délai de 10 jours à compter de l'ordre de service de les commencer donné par l'entrepreneur principal.
Le devis du 1er juillet 2011 joint au contrat de sous-traitance précisait que les travaux à effectuer portaient sur une surface de 980 m² de plafond béton et les détaillait comme suit :
- application d'un enduit de dégrossissage et projection à l'airless et lissage à la main pour une surface de 490 m²,
- application d'un enduit de finition autolissant et projection à l'airless pour la surface globale de 980 m²,
l'enduit étant dans les 2 cas fourni par le client.
La SARL L. oppose à la demande en paiement de la SARL Finition Habitat l'exception d'inexécution contractuelle et sollicite au visa de l'ancien article 1184 du code civil la résolution judiciaire du contrat. Elle demande également à titre reconventionnelle le remboursement du coût des travaux de reprise qu'elle prétend avoir réalisés et qu'elle chiffre à la somme de 6467,30 euros, demande jugée par la SARL Finition Habitat irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel et à tout le moins prescrite.
Sur la demande de résolution du contrat de sous-traitance
L'ancien article 1184 du code civil dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.
Le juge ne peut toutefois prononcer la résolution d'un contrat en cas d'inexécution partielle que si le manquement allégué est d'une gravité suffisante pour la justifier.
Il est admis par la SARL Finition Habitat qu'elle a quitté le chantier courant juillet 2011, précisant dans son mail du 27 juillet 2011 que son planning ne lui a pas permis de réaliser les finitions de ponçage des appartements B3 et B4 restant à prendre en charge par la SARL L..
Pour sa part, la SARL L. soutient que sur les 14 appartements de la cage d'escalier B dans lesquels la SARL Finition Habitat devait intervenir, celle-ci n'a achevé les travaux que pour deux d'entre eux, l'enduit des onze autres appartements ayant été partiellement ou totalement non réalisé, nécessitant une reprise totale. Elle dénonce également des désordres résultant des travaux accomplis par la SARL Finition Habitat, se référant à son mail du 1er août 2011 dans lequel elle lui reprochait déjà « des cloques, fissurations, voir décollements, dus certainement à une trop grosse charge d'enduit. »
Pour justifier de l'existence de désordres dont il sera observé que l'appelante n'en précise pas la nature exacte et surtout l'ampleur, celle-ci verse aux débats :
- une attestation unique datée du 8 février 2013 conjointement signée par quatre de ses salariés dont Monsieur D. qui dans une attestation distincte du 25 novembre 2015 reprend un contenu identique,
- deux attestations du 14 novembre 2015 et du 12 avril 2016 de Monsieur T., responsable technique au sein de la société maître d'oeuvre,
- les comptes-rendus de chantier des 20 juillet, 27 juillet, 24 août et 31 août 2011.
Toutefois, l'attestation des quatre salariés et celle identique de Monsieur D., apparaissent insuffisantes à caractériser l'existence de malfaçons. En effet, outre le lien de subordination existant avec l'appelante et la forme particulière de cette attestation commune non manuscrite qui font douter de l'impartialité de leurs auteurs, les éléments attestés décrits comme suit, « ils ont fait 2 appartements en une semaine et ceux-ci ont été refaits par nous (finition + nettoyage) ; ils y avaient malfaçons au niveau des banches (décalages), produit d'accroche apposé avant enduit... Et en plus, préparation avant enduit, égrener pas fait) » sont de plus peu précis pour déterminer la nature et l'ampleur des prétendus désordres et leur imputabilité, à supposer leur existence avérée, à la SARL Finition Habitat.
De même, Monsieur T., évoquant sa visite sur le chantier le 20 juillet 2011, affirme avoir constaté le retard dans les travaux d'enduit et de peinture de la cage B ainsi dit-il que 'l'état déplorable d'exécution et de finition des plafonds concernés et la nécessité de les reprendre' sans pour autant préciser la nature des défauts relevés ainsi que le nombre d'appartements concernés.
Par ailleurs, aucun des comptes-rendus de chantier rédigés par l'architecte ne fait état de quelconque malfaçon dans les travaux d'enduits des plafonds, étant observé que la SARL L. soutient que le maître d'ouvrage s'en est également plaint, sans produire aucun justificatif en ce sens.
Au regard de ce qui précède, la SARL L. échoue donc à rapporter la preuve suffisante de l'existence de malfaçons qui résulteraient des travaux accomplis par la SARL Finition Habitat.
En outre, à l'exception des cinq appartements dans lesquels la SARL Finition Habitat admet à travers sa facture ne pas avoir fait les travaux (B1, B5 et B6) ou ne pas avoir achevé le ponçage avant peinture (B3 et B4), les pièces précitées de l'appelante ne démontrent pas que l'intimée n'aurait accompli les travaux que dans 2 appartements, sachant que la SARL L. ne conteste pas non plus avoir finalement assumé les travaux dans les appartements B1 et B6 en parallèle aux travaux de la SARL Finition Habitat.
Par ailleurs, les justificatifs de recrutement d'intérimaires ou de prêt de salariés font mention de travaux de peinture dont la SARL Finition Habitat rappelle à raison que la réalisation ne lui incombait pas. Ils ne peuvent constituer une preuve de la défaillance de l'intimée dans l'exécution de sa prestation.
Pour justifier de ses difficultés lors de ce chantier, la SARL Finition Habitat produit en outre une attestation du représentant d'un de ses fournisseurs, Monsieur B., qui atteste le 12 octobre 2012 être venu sur place courant juillet 2011, pour constater que l'enduit utilisé, rappel étant fait qu'il était fourni par la SARL L., n'adhérait pas au support, ce qui peut expliquer les retards dans l'exécution des travaux et certains désordres sans que cela ne soit directement imputable à la SARL Finition Habitat.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la SARL L. échoue à établir un manquement de la SARL Finition Habitat à ses obligations contractuelles dont la gravité justifierait de prononcer la résolution du contrat dans la mesure où les tâches restant à accomplir après l'abandon par la SARL Finition Habitat du chantier, se bornant principalement au ponçage de l'enduit avant finition dans 2 appartements sur 14.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SARL L. de sa demande de résolution judiciaire du contrat.
Sur la demande en paiement de la SARL Finition Habitat
La SARL Finition Habitat réclame le paiement de sa facture du 27 juillet 2011 d'un montant de 4778,10 euros HT, soit 5714,61 euros TTC, arguant du fait que n'y ont pas été intégrés les travaux non réalisés par ses soins dans les 5 appartements précités.
Au delà des griefs précédemment écartés, la SARL L. semble dénoncer le montant de la facture, supérieur à celui du devis du 1er juillet 2011 pour une surface réalisée inférieure de 8 % à celle convenue entre les parties.
Sur ce point, la SARL Finition Habitat explique qu'en fait le contrat de sous-traitance stipulait à l'origine un coût HT de 5450,17 euros, outre une TVA à 19,6 %, soit une somme totale de 6518,40 euros TTC, inférieure à celle finalement facturée.
Si le devis joint au contrat prévoyait un prix de 4557 euros HT, soit 5450,17 euros TTC, il résulte effectivement du contrat signé par les parties que le prix forfaitaire sur lequel elles s'étaient accordées était de 5450,17 euros HT, outre une TVA à 19,6 %.
En outre, figurent sur la facture litigieuse, les travaux non réalisés sans coût à payer.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL L. à payer la facture de la SARL Finition Habitat, dispositions auxquelles il conviendra d'ajouter que lesdites sommes porteront, comme demandé par l'intimée, intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, date de l'ordonnance d'injonction de payer.
Sur la demande reconventionnelle de la SARL L. en paiement de travaux de reprise
La SARL L. réclame pour la première fois en appel le règlement d'une somme de 6427,30 euros correspondant selon elle aux travaux de reprise résultant de la défaillance de la SARL Finition Habitat.
Contrairement à ce qui est soutenu par la SARL Finition Habitat, cette demande, certes nouvelle en appel, n'est pas irrecevable car elle tend à opposer compensation à la demande en paiement de l'intimée.
S'agissant par ailleurs d'un moyen de défense au fond pour s'opposer à la SARL Finition Habitat, elle n'est pas soumise au délai de prescription d'une action en responsabilité contractuelle.
Les moyens d'irrecevabilité de la SARL Finition Habitat étant ainsi écartés, il n'en demeure pas moins que la SARL L. est mal fondée en sa prétention. En effet, les factures produites au soutien de sa demande en paiement portent sur des travaux de peinture qui n'incombaient pas à la SARL Finition Habitat. Il sera rappelé que seuls les travaux de ponçage de 2 appartements et l'enduit de l'appartement B5 ont été retenus comme n'ayant pas été exécutés. Or, les factures sont sans rapport avec ce type de prestation.
Il convient en conséquence de débouter la SARL L. de sa demande en paiement.
Sur la demande indemnitaire de la SARL Finition Habitat
La SARL Finition Habitat demande la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Toutefois, le fait que les preuves rapportées par la SARL L. n'aient pas été suffisantes pour établir la réalité des griefs allégués ne constitue pas en soi la preuve de sa mauvaise foi et de prétendus mensonges.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Finition Habitat de sa demande indemnitaire.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La SARL L. succombant en ses demandes, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
La SARL L. sera également condamnée aux dépens d'appel.
L'équité commande de condamner la SARL L. à payer à la SARL Finition Habitat la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Angers en date du 28 septembre 2016 en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
DIT que la somme de 5714,61 euros que la SARL Anciens Etablissements L. a été condamnée à payer à la SARL Finition Habitat portera intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2012, date de l'ordonnance d'injonction de payer ;
CONDAMNE la SARL Anciens Etablissements L. à payer à la SARL Finition Habitat la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la SARL Anciens Etablissements L. aux dépens d'appel.