CA Angers, ch. civ. a, 8 avril 2022, n° 19/00518
ANGERS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
JCM Confort (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Muller
Conseillers :
M. Brisquet, Mme Elyahyioui
Avocat :
Selarl Antarius Avocats
FAITS ET PROCÉDURE
Le 29 juillet 2010, M. Tugdual de M. et Mme Pascale B. épouse de M. ont commandé auprès de la société JCM Confort une pompe à chaleur, de type géothermie et de marque Sofath, pour le chauffage de leur maison d'habitation située à Nueil-sur-Layon (Maine-et-Loire).
Après installation du dispositif par la société JCM Confort, M. et Mme de M. ont réglé le prix total pour un montant de 32 000 euros TTC.
Faisant valoir qu'à partir de l'année 2012 leur installation de chauffage a connu de nombreuses pannes ayant nécessité diverses interventions et qu'elle est définitivement tombée en panne en novembre 2017, M. et Mme de M. ont fait assigner la société JCM Confort par acte d'huissier du 9 mai 2018 devant le tribunal de grande instance d'Angers aux fins de voir prononcer, à titre principal, la résolution du contrat de vente et d'installation du 29 juillet 2010 et, subsidiairement, voir reconnaître la responsabilité de la société JCM Confort sur le fondement de l'article 1792 du code civil et obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société JCM Confort n'a pas constitué avocat en première instance.
Par jugement réputé contradictoire du 4 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Angers a débouté M. et Mme de M. de leurs demandes et a laissé à leur charge les dépens en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu en substance qu'il résulte d'une expertise amiable que les désordres constatés ne sont pas imputables à l'installation réalisée par la société JCM Confort mais à la défaillance de composants imputable au fabricant. Il a donc écarté tout défaut de conformité ou manquement à l'obligation de délivrance, de sorte que la responsabilité de la société JCM Confort ne pouvait être recherchée sur le terrain de la vente ou de l'obligation de réparation. Il a également considéré qu'il ne ressortait pas de l'expertise amiable que les désordres relevés étaient de nature à rendre le matériel impropre à l'usage auquel on le destine.
Par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 19 mars 2019, M. et Mme de M. ont interjeté un appel portant sur les chefs du jugement les ayant déboutés de leurs demandes et ayant laissé à leur charge les dépens en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société JCM Confort a constitué avocat le 16 avril 2019.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2022, conformément à l'avis de fixation adressé aux parties le 21 décembre 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé en application des articles 455 et 954 du code de procédure civile à leurs dernières conclusions antérieures à la clôture, à savoir :
- le 11 janvier 2022 pour M. et Mme de M. ;
- le 10 janvier 2022 pour la société JCM Confort.
*
M. et Mme de M. sollicitent l'infirmation du jugement et demandent en conséquence à la cour, à titre principal, de :
- prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente et d'installation du 29 juillet 2010 conclu entre eux et la société JCM Confort ;
- condamner la société JCM Confort à leur payer la somme de 32 000 euros en remboursement du prix de vente et à démonter et emporter la chaudière litigieuse sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- condamner la société JCM Confort à leur payer la somme de 2 000 euros en remboursement de l'acompte sur la dernière réparation réalisée en novembre 2017 ;
- condamner la société JCM Confort à leur payer la somme de 3 057,59 euros au titre des dépenses engagées pour le chauffage d'appoint ;
- condamner la société JCM Confort à leur payer la somme de 15 000 euros au titre de la surconsommation d'électricité (sauf à parfaire au jour du jugement) ;
- condamner la société JCM Confort à leur payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance (sauf à parfaire au jour du jugement).
A titre subsidiaire, les appelants demandent à la cour de :
- dire et juger que la responsabilité de la société JCM Confort est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;
- condamner en conséquence la société JCM Confort à leur payer les sommes suivantes :
* 25 266 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier causé par le coût d'installation d'une nouvelle chaudière ;
* 7 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par le changement de système de chauffage (perte de confort, moins-value, enlèvement de l'existant) ;
* 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation de l'acompte versé en novembre 2017 pour une intervention inefficace ;
* 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la surconsommation d'électricité ;
* 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance.
À titre encore plus subsidiaire, M. et Mme de M. demandent de :
- dire et juger que la responsabilité de la société JCM Confort est engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil pour manquement du réparateur à son obligation de résultat ;
- condamner en conséquence la société JCM Confort à leur payer les sommes suivantes :
* 25 266 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier causé par le coût d'installation d'une nouvelle chaudière ;
* 7 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par le changement de système de chauffage (perte de confort, moins-value, enlèvement de l'existant) ;
* 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation de l'acompte versé en novembre 2017 pour une intervention inefficace ;
* 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la surconsommation d'électricité ;
* 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance.
À titre infiniment subsidiaire, ils demandent la désignation d'un expert avec pour mission :
1. de se rendre sur place ([...]) après y avoir convoqué les parties ; y faire toutes constatations utiles sur l'existence des désordres allégués par les appelants dans leurs conclusions ;
2. d'établir la chronologie des opérations de construction en recherchant notamment les dates de :
- déclaration d'ouverture de chantier,
- achèvement des travaux,
- prise de possession de l'ouvrage,
- réception : à défaut de réception expresse, fournir tous éléments de nature à caractériser une réception tacite (date de prise de possession de l'ouvrage, de paiement du prix...) ; à défaut de réception expresse et tacite, dire si l'ouvrage était techniquement réceptionnable et, dans l'affirmative, fournir à la cour tous éléments techniques et de fait permettant de dire à quelle date la réception judiciaire pourrait être prononcée,
3. de dresser la liste des intervenants à l'opération de construction concernés par ce ou ces désordres,
4. de dresser l'inventaire des pièces utiles à l'instruction du litige,
5. d'énumérer les polices d'assurances souscrites par chacun des intervenants,
6. de prendre connaissance de tous documents (contractuels et/ou techniques), tels que plans, devis, marchés et autres ; entendre tous sachants,
7. d'examiner l'immeuble, rechercher la réalité des désordres, malfaçons ou non façons allégués dans les conclusions d'appelant,
8. d'en indiquer la nature, l'origine et l'importance,
9. d'indiquer pour chaque désordre s'il affecte des éléments d'équipement dissociables, indissociables ou constitutifs de l'ouvrage,
10. de préciser notamment pour chaque désordre s'il provient :
- d'une non-conformité aux documents contractuels, qu'il précisera,
- d'un manquement aux règles de l'art ou aux prescriptions d'utilisation des matériaux ou éléments d'ouvrage mis en oeuvre, en spécifiant les normes qui n'auraient pas été respectées,
- d'une exécution défectueuse,
- d'une négligence dans l'entretien ou l'exploitation des ouvrages,
- d'une autre cause,
11. de rechercher la date d'apparition des désordres,
12. de préciser s'ils étaient apparents lors de la réception ou de la prise de possession de l'ouvrage, ou s'ils sont apparus postérieurement,
13. de préciser s'ils pouvaient être décelés par un maître d'ouvrage profane, et si celui-ci pouvait en apprécier la portée,
14. d'indiquer si ces désordres sont de nature à nuire à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination,
15. d'évaluer les préjudices de toute nature résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état,
16. plus généralement, de fournir tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre de déterminer les responsabilités éventuelles encourues,
17. de répondre aux dires des parties de manière complète, circonstanciée et - si nécessaire - documentée en rappelant de façon précise les normes ou documents contractuels non respectés et, en cas de désaccord sur leur existence ou leur contenu, en annexant à son rapport les extraits concernés de ces normes ou documents.
En tout état de cause, les appelants demandent que la société JCM Confort soit déboutée de toutes ses demandes et condamnée à leur payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme de M. exposent qu'ils ont été confrontés à de nombreuses pannes dès les premières années après la vente et que la pompe à chaleur est définitivement tombée en panne en novembre 2017. Ils précisent avoir fait réaliser, en accord avec la société JCM Confort, une expertise amiable contradictoire confiée à M. R. qui a mis en évidence une fuite sur le réseau de captage dont l'origine précise reste à déterminer, tout en concluant néanmoins à une responsabilité de l'installateur. Ils ajoutent qu'après un premier hiver sans chauffage, ils ont été contraints de commander une nouvelle chaudière pour un prix d'environ 25 000 euros qui a été installée en novembre 2018.
Les appelants fondent leur demande principale en résolution du contrat sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme pesant sur le vendeur en vertu des articles 1603 et 1604 du code civil en soutenant que la chose livrée n'est pas apte à l'usage prévu par le contrat, compte tenu des dysfonctionnements survenus depuis 2011 et de la panne définitive de l'installation constatée fin 2017 qui ne peut s'expliquer par la vétusté, s'agissant d'un équipement dont la durée de vie est estimée à 15 ans. Ils soutiennent également que les économies d'énergie annoncées par l'installateur, qui indiquait dans son offre commerciale une consommation électrique annuelle de 819 euros, n'ont pas été réalisées et que la consommation réelle a été sans commune mesure avec celle annoncée. Ils considèrent que le manquement à l'obligation de délivrance conforme s'apprécie en dehors de toute faute, que cette obligation s'analyse en une obligation de résultat et qu'il importe peu que la société JCM Confort ne soit pas le fabricant du produit.
Ils s'en rapportent toutefois sur la qualification du contrat et font valoir, dans l'hypothèse où le régime juridique de la vente s'avérerait inapplicable, que le contrat serait nécessairement un contrat de construction au sens des articles 1792 et suivants du code civil, avec toutes conséquences de droit. Ils considèrent donc, au soutien de leur demande présentée à titre subsidiaire, que la pose d'une pompe à chaleur géothermique avec forage de puits constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et qu'en l'occurrence, cette installation a fait l'objet d'une réception tacite par le règlement du prix et la prise de possession. Ils ajoutent que les désordres sont apparus dans le délai de 10 ans suivant la réception et qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination puisque la pompe à chaleur est totalement hors d'état de fonctionner depuis 2017. Ils contestent que cette installation soit réparable et considèrent que la présomption de responsabilité qui pèse sur la société JCM Confort en vertu de l'article 1792 du code civil ne peut être renversée par celle-ci que par la preuve d'une cause étrangère.
Au soutien de leur demande présentée à titre encore plus subsidiaire, M. et Mme de M. font valoir qu'il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, que la société JCM Confort a manqué à l'obligation de résultat à laquelle elle était tenue en qualité d'installateur du produit dans un premier temps puis en qualité de réparateur à titre onéreux dans un second temps, soulignant à cet égard que sa dernière intervention en novembre 2017 pour un prix de 3 497,01 euros HT, sur lequel un acompte de 2 000 euros a été versé, n'a strictement rien résolu et que la société JCM Confort ne justifie d'aucune cause étrangère présentant les critères de la force majeure pour justifier le manquement à son obligation de résultat.
S'agissant de leur demande d'expertise judiciaire présentée à titre infiniment subsidiaire sur le fondement de l'article 144 du code de procédure civile, M. et Mme de M. font valoir que, contrairement aux affirmations de la société JCM Confort, cette mesure demeure possible dans la mesure où la pompe à chaleur et les puits sont toujours en place et que cet ancien système a simplement été déconnecté du réseau de chauffage de la maison, sans être retiré, de sorte que l'expert judiciaire serait en mesure de procéder à toutes constatations utiles.
*
La société JCM Confort demande à titre principal la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :
- rejeter les demandes de M. et Mme de M. notamment au titre de l'annulation du contrat, de l'injonction de démonter l'installation, des frais de combustibles, des indemnités réclamées au titre de la surconsommation et au titre du préjudice de jouissance ;
- rejeter la demande d'expertise judiciaire ;
En toute hypothèse,
- condamner in solidum M. et Mme de M. à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
- condamner in solidum M. et Mme de M. aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société JCM Confort fait valoir que les appelants se sont plaints à la fin de l'année 2011 de dysfonctionnements qui ont donné lieu à plusieurs interventions de sa part et qui l'ont amenée à remplacer différentes pièces et à consentir une extension de garantie de trois ans sur le compresseur. Elle ajoute que le maître d'ouvrage s'est de nouveau plaint de problèmes de fonctionnement au cours de l'année 2017 qui l'ont amenée à proposer le remplacement d'un certain nombre de pièces qui n'étaient plus sous garantie, pour un montant de 4 370,16 euros TTC, et alors que le fabricant, la société Sofath, a refusé toute prise en charge. Elle précise que les travaux ont été réalisés en septembre 2017, que les appelants ont soutenu que la pompe à chaleur est de nouveau tombée en panne au mois de novembre suivant mais qu'elle n'a constaté aucune fuite sur l'installation au cours de ses interventions des 7 et 17 novembre 2017.
Sur la demande principale des époux de M., la société JCM Confort considère qu'ils se fondent à tort sur les dispositions relatives au contrat de vente alors qu'elle a fourni et livré la pompe à chaleur. Elle soutient qu'il s'agit d'un contrat de prestation de services excluant les dispositions relatives à la vente et que les appelants sont irrecevables à invoquer les articles 1603 et 1604 du code civil en vue d'obtenir la résolution de la vente.
Subsidiairement, la société JCM Confort fait valoir qu'il résulte de la jurisprudence que l'action de l'acquéreur fondée sur un vice est soumise au régime de l'action en garantie des vices cachés. Elle considère que dans la mesure où les appelants mentionnent l'existence de défauts de fonctionnement depuis 2011, leur action n'a pas été exercée dans le délai de deux ans prévus par l'article 1648 du code civil. Elle s'oppose également à la reconnaissance d'une non-conformité au sens de l'article 1604 du code civil en contestant tout engagement contractuel de sa part portant sur une consommation électrique limitée à 819 euros par an.
En réponse à la demande subsidiaire des époux de M. fondée sur la responsabilité décennale, la société JCM Confort fait valoir que les appelants ne rapportent pas la preuve d'une impropriété de l'ouvrage à sa destination et soutient qu'il résulte du rapport d'expertise amiable de M. R. que des travaux de reprise seraient possibles.
Elle s'oppose également à la mise en cause de sa responsabilité contractuelle en soutenant que le défaut de chauffage ou d'eau chaude n'est pas prouvé et qu'aucune faute de sa part n'est établie.
À titre subsidiaire, la société JCM Confort conclut au rejet de certaines demandes (restitution du prix, prise en charge du coût du démontage de l'installation, achat de combustible de substitution, surconsommation d'électricité, préjudice de jouissance, préjudice lié au coût de la nouvelle installation) ou à leur minoration.
Elle s'oppose à l'organisation d'une expertise judiciaire en invoquant le fait que le démontage de l'installation litigieuse depuis 2018 ne permet pas de s'assurer des conditions de sa conservation.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Sur la qualification du contrat liant M. et Mme de M. à la société JCM Confort et sur le fondement juridique adéquat de l'action :
M. et Mme de M. ont signé le 29 juillet 2010 avec la société JCM Confort un bon de commande (pièce n° 3) qui comporte assez peu d'informations utiles et pertinentes et qui se borne pour l'essentiel à indiquer le modèle de l'équipement (Termeo Cap) et la surface chauffée (300 m²), à fixer le prix payable à réception (32 000 euros TTC) et à préciser que l'engagement était conclu sous réserve d'acceptation du prêt ainsi que de l'enlèvement de la chaudière et de la cuve à fioul. Ce document comprend des mentions pré-imprimées qui font référence à un devis dont les clients auraient pris connaissance mais celui-ci n'est pas communiqué.
La facture du 20 septembre 2010 (pièce n° 1) précise en revanche la nature des équipements livrés et leur prix hors taxes (armoire générateur, module Termeo TE HT4/CAP tri vertical, circulateur, thermostat, alimentation électrique, démarreur progressif, chauffe-eau, le tout représentant un coût de 19 336,49 euros), le coût de la main d'oeuvre (1 516,59 euros) ainsi que celui du forage (9 478,67 euros).
Il ressort de cette facture que la société JCM Confort s'est engagée à la fois sur la livraison de différents équipements dont le fabricant est pour l'essentiel la société Sofath - l'en-tête de la facture précisant que la société prestataire est concessionnaire exclusif de cette marque - et aussi sur l'installation de ces équipements nécessitant notamment un forage dont le coût représente le tiers du montant de la facture. Dans le cadre de son rapport d'expertise amiable, M. R. a recueilli les explications du représentant de la société JCM Confort et celles-ci permettent de comprendre que le forage a été sous-traité à une entreprise spécialisée dont le nom n'est toutefois pas précisé. La somme de 9 478,67 euros indiquée dans la facture du 20 septembre 2010 ne correspond pas en réalité à un simple forage mais à l'ensemble des interventions de l'entreprise sous-traitante, à savoir :
- les forages proprement dits (3 forages d'environ 100 m, longueur totale des sondes de 320 m),
- les tranchées entre les têtes de sonde et le local technique, y compris le percement du mur pour une attente en sol,
- la fourniture et la mise en place des 3 sondes verticales comprenant un double tube PVC DN 26 dans les parties verticales, un Y de raccordement en tête de chaque sonde regroupant les 2 canalisations de départ et les 2 canalisations de retour et les liaisons PVC DN 33 entre les têtes de sonde et le local technique,
- le remplissage des sondes avec de l'eau glycolée.
Il résulte de ces éléments que la prestation confiée à la société JCM Confort consistait à la fois dans la fourniture de la pompe à chaleur et dans la pose de celle-ci, ce qui impliquait le choix d'un modèle adapté à la taille de la maison et à son environnement ainsi que des travaux d'adaptation spécifiques, notamment en ce qui concerne la mise en place des sondes géothermiques nécessitant l'exécution de forages. Il s'agissait donc d'une opération relativement complexe, répondant à un besoin particulier, exigeant en principe une étude préalable et s'exécutant en plusieurs phases.
Un tel contrat ne se limite pas à la livraison d'une chose au sens de l'article 1582 du code civil et s'analyse en réalité en un contrat d'entreprise.
Dès lors qu'il ne s'agit pas d'un contrat de vente, les appelants ne peuvent agir sur le fondement des dispositions relatives aux manquements du vendeur à son obligation de délivrance conforme ni sur celui de la garantie des vices cachés, de sorte que leur demande principale doit être écartée. Le jugement doit être approuvé en ce qu'il a rejeté la demande en résolution judiciaire d'un contrat de vente. Il convient en revanche de rechercher si la demande est justifiée en application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil qui sont invoquées à titre subsidiaire.
- Sur la mise en oeuvre de la garantie décennale :
Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
En l'espèce, la qualification d'ouvrage de l'ensemble constitué par la pompe à chaleur et ses équipements annexes, notamment les trois puits pour l'installation de sondes géothermiques, n'est pas discutée par la société JCM Confort.
Cette dernière ne conteste pas non plus l'existence d'une réception tacite dépourvue de réserve résultant du paiement intégral du prix correspondant à la facture du 20 septembre 2010 et de la prise de possession de l'ouvrage par M. et Mme de M. à la même date.
La société JCM Confort conteste seulement la réalité de l'impropriété de l'ouvrage à sa destination en soutenant que sa preuve n'est pas rapportée par M. et Mme de M..
Les nombreuses interventions effectuées sur l'installation avant 2017 ne suffisent pas à rapporter la preuve de l'impropriété de l'ouvrage à sa destination dès lors qu'elles ont permis de remédier aux pannes et aux difficultés alors constatées.
En revanche, une nouvelle panne est survenue début 2017 affectant le compresseur, ainsi que cela résulte de la fiche d'intervention du 31 mars 2017 (pièce n° 11), ce qui a donné lieu à l'établissement de deux devis du 24 avril 2017 (4 370,16 euros) et du 18 juillet 2017 (montant total non précisé) pour le remplacement du compresseur. Par un courrier du 20 juillet 2017 adressé directement à M. et Mme de M., la société Sofath a indiqué qu'elle n'acceptait pas de prendre en charge le remplacement du compresseur.
M. et Mme de M. ont cependant fait intervenir la société JCM Confort pour le remplacement du compresseur le 7 septembre 2017 (pièce n° 15) et il n'est pas contesté qu'ils ont versé un acompte de 2 000 euros sur le montant de ces travaux.
Une nouvelle intervention a été nécessaire dès le 7 novembre 2017 puis une autre le 13 novembre 2017 à l'issue de laquelle la société JCM Confort a préconisé le remplacement du détendeur. Il résulte également du rapport d'expertise amiable contradictoire de M. R. que la société JCM Confort est de nouveau intervenue en décembre 2017 pour une fuite de fluide ne se déclarant que lors du fonctionnement de la pompe à chaleur et pour laquelle le technicien a préconisé le remplacement de l'électrovanne de décharge.
Contrairement à ce que soutient la société JCM Confort, il est établi que l'installation n'a pu être remise en service après les nouvelles pannes survenues en novembre-décembre 2017, ce en dépit du changement du compresseur en septembre 2017. L'expert amiable a indiqué en page 11 de son rapport du 16 février 2018, établi après visite du 29 janvier 2018 : 'Il est impératif de découvrir l'origine de la fuite de fluide frigorigène de cette machine afin de la remettre en service', ce qui signifie clairement que la pompe à chaleur ne pouvait à cette date être remise en service. La société JCM Confort ne démontre pas être intervenue de manière utile et efficace pour découvrir l'origine de cette fuite, y apporter une solution et remettre l'installation en service.
L'expert a relevé que la défaillance de composants (capteur, relais, purgeur) était imputable à une gestion de la qualité du fabricant mais ne pouvait être attribuée à une défaillance de l'installateur, c'est-à-dire la société JCM Confort. Il a également noté qu'en dehors de la garantie constructeur, aucune solution ne permet de se prémunir de telles défaillances. Il a aussi estimé que la durée de vie de l'équipement est évaluée en moyenne à 15 ans mais qu'il ne s'agit pas d'une garantie de bon fonctionnement sur cette période, en relevant qu'aux dires de M. M. (représentant la société JCM Confort lors des opérations d'expertise), ce type de machine présente une fiabilité réduite et a été remplacé en 2013 par un nouveau modèle. A propos des travaux à entreprendre pour une remise en fonctionnement du système, l'expert a estimé qu'un avis du constructeur sur la fiabilité de ce modèle de machine devra être sollicité et que la remise en service ne peut être envisagée sans une localisation et une réparation de la fuite de fluide constatée. Il a aussi relevé que le constructeur conseille la souscription d'un contrat d'entretien avec, a minima, une visite annuelle permettant d'effectuer les diverses vérifications de fonctionnement ainsi que l'évolution des réglages et la réalisation chaque année d'un essai d'étanchéité du réseau de fluide frigorigène.
Il est donc établi que la pompe à chaleur ne fonctionnait plus depuis le mois de décembre 2017 sans que l'installateur ait été en mesure de trouver une solution pour la remettre en service, de sorte que cet ouvrage avait subi des dommages le rendant impropre à sa destination consistant à chauffer la maison des maîtres d'ouvrage.
La survenue d'une défaillance de la pompe à chaleur l'ayant rendue impropre à sa destination dans le délai de la garantie décennale étant établie, il appartient à la société JCM Confort de prouver, pour écarter sa responsabilité, que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Pour rejeter la demande de M. et Mme de M., le tribunal a notamment retenu le fait qu'ils ne justifient pas avoir mis en place un suivi du matériel acquis, que les défaillances des composants et le défaut de conception du matériel sont imputables au constructeur (fabricant) et non à l'installateur et que l'avis du constructeur (fabricant) sur la fiabilité du modèle n'avait pas été sollicité.
Mais d'une part, M. et Mme de M. n'ont aucun lien contractuel avec le fabricant Sofath et il appartenait, le cas échéant, à la société JCM Confort d'appeler celui-ci à la cause si elle entendait qu'un avis du fabricant soit produit aux débats et si elle avait l'intention de rechercher par la suite la responsabilité de la société Sofath à propos de la qualité du matériel que cette dernière lui avait fourni en vue d'être installé chez ses clients. En tout état de cause, le constructeur de l'ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil est bien la société JCM Confort et non la société Sofath.
D'autre part, il n'est pas établi ni même allégué que la société JCM Confort, qui n'a déposé aucune pièce, ait remis aux appelants des documents, sous quelque forme que ce soit, (contrat, notice d'utilisation ou autres) appelant leur attention sur la nécessité de procéder à un entretien régulier de cet équipement, au besoin en souscrivant un contrat d'entretien, de sorte qu'il ne peut être fait grief à M. et Mme de M. de ne pas avoir effectué des contrôles réguliers.
Surtout, il ressort d'un courriel adressé aux appelants le 8 mars 2018 que la société JCM Confort avait parfaitement conscience du fait que la pompe à chaleur était devenue impropre à sa destination même si elle espérait encore à cette date obtenir une prise en charge par la société Sofath ('Bonjour, Suite à notre discussion je vous confirme que le fabricant est au courant de votre problème, je lui demande de changer la PAC et nous la remplaçons gratuitement. J'attends un retour de ceux-ci. Bonne réception').
Dans le même temps, M. et Mme de M. ont sollicité diverses entreprises en vue de remettre en marche l'installation. Le 7 mars 2018, la société R., spécialisée notamment en énergie renouvelable, en électricité et en chauffage central, a indiqué qu'elle n'était pas disposée à 'reprendre l'installation derrière la Sofath' en estimant qu'il n'y avait pas assez de forage compte tenu de la taille de la maison. La société Déclic Energies a indiqué pour sa part le 30 mars 2018 qu'il ne lui était pas possible d'effectuer des travaux de reprise sur l'installation de chauffage avec pompe à chaleur géothermique sur capteurs verticaux, en l'absence de données techniques des capteurs. Cette entreprise a précisé que 'seules sont garanties les installations géothermiques réalisées selon étude et prescription d'un bureau d'étude technique spécialisé avec documents remis au maître d'ouvrage', ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce puisque la société JCM Confort ne présente aucune explication et ne communique aucun document concernant les études préalables à la mise en oeuvre de l'installation.
La société JCM Confort ne sollicite aucune expertise, même à titre subsidiaire, et ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère qui serait à l'origine de l'impropriété à sa destination de l'ouvrage constitué par la pompe à chaleur et les équipements ou installations en lien avec celle-ci. Sa responsabilité est donc engagée sur le fondement de la garantie décennale et il lui appartient de réparer l'entier préjudice subi par les appelants. Le jugement doit par conséquent être infirmé de ce chef.
- Sur la réparation du préjudice :
M. et Mme de M. expliquent qu'ayant passé un premier hiver (2017-2018) sans chauffage central, ils ont été contraints faute de réaction de la société JCM Confort de faire installer une nouvelle chaudière dans la perspective de l'hiver suivant, conformément à un devis du 25 avril 2018 et à une facture de la société Déclic Energies du 14 novembre 2018 s'élevant à la somme totale de 25 266 euros. Ils précisent qu'ils ont fait le choix d'une chaudière à granulés qui est moins économique qu'une pompe à chaleur et n'offre pas le même rendement.
Contrairement à ce que soutient la société JCM Confort, il ne peut être fait grief à M. et Mme de M. d'avoir remplacé leur système de chauffage sans expertise judiciaire préalable, étant observé qu'elle pouvait elle-même solliciter une telle mesure dès lors qu'elle savait que l'installation n'était plus en état de fonctionner.
Les appelants ayant été contraints de remplacer l'ensemble de leur système de chauffage en raison de son caractère impropre à sa destination, il est justifié de condamner la société JCM Confort à leur payer la somme de 25 266 euros correspondant au coût de la nouvelle installation de chauffage qui comprend la chaudière et les travaux et équipements annexes (fournitures diverses, plomberie, fumisterie, maçonnerie et main d'oeuvre).
M. et Mme de M. sollicitent également une somme de 7 000 euros pour les préjudices liés au changement de système de chauffage qui correspondraient au fait que la chaudière à granulés est moins économique que la pompe à chaleur, qu'il en résulte une perte de confort et qu'il y a lieu de tenir compte du préjudice financier lié à l'enlèvement inéluctable de la pompe à chaleur. Ils ne produisent toutefois aucun document de nature à établir la preuve de leurs allégations concernant le caractère prétendument moins économique ou moins confortable de la chaudière à granulés et ils ne peuvent en outre rendre la société JCM Confort responsable du choix qu'ils ont eux-mêmes effectué en faveur de ce type d'équipement. S'agissant du préjudice financier qui serait lié à l'enlèvement de l'installation en place, ils ne communiquent aucun élément permettant de l'étayer. Il y a lieu par conséquent de les débouter de leur demande en réparation des préjudices liés au changement du système de chauffage.
Il est justifié en revanche de condamner la société JCM Confort à leur payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à l'acompte versé pour une intervention qui s'est révélée inutile en raison de la panne définitive de l'installation la rendant impropre à sa destination.
S'agissant de la demande en dommages et intérêts de 15 000 euros au titre de la surconsommation d'électricité de 2010 à 2016 (par différence entre le montant constaté des factures et un prétendu engagement de la société JCM Confort portant sur une consommation électrique annuelle de 819 euros qui ne ressort toutefois pas d'un document contractuel signé par les parties), elle ne se rattache pas au fait que l'ouvrage est devenu impropre à sa destination à partir de la fin de l'année 2017. Il y a lieu par conséquent de débouter M. et Mme de M. de cette demande.
Les appelants sollicitent également une somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance en justifiant cette demande par le fait que la panne survenue en 2017 les a contraints à passer l'hiver dans des conditions précaires, en recourant à des chauffages d'appoint jusqu'à l'installation de la nouvelle chaudière, ce qui ne permettait pas de chauffer toutes les pièces. Ils ajoutent que le chauffage de substitution exigeait une attention et une maintenance soutenues, compte tenu de la nécessité de remplir fréquemment les poêles à pétrole, la cheminée et le poêle à bois, et qu'eux-mêmes et leurs jeunes enfants étaient très incommodés par l'odeur des poêles à pétrole. Ils communiquent 13 tickets de caisse relatifs à des achats de combustible pétrolier auprès d'un magasin de bricolage de novembre 2017 à mars 2018 ainsi que 4 factures d'achat de bois (12 décembre 2017, 2 janvier 2018, 31 janvier 2018 et 1er mars 2018 pour un montant total de 1 790 euros). La cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que les appelants ont subi au cours de l'hiver 2017-2018 un préjudice de jouissance en lien avec l'absence de chauffage central et pour fixer le montant de ce préjudice à la somme de 1 500 euros. La société JCM Confort doit par conséquent être condamnée au paiement de cette somme.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel par M. et Mme de M. et de condamner la société JCM Confort au paiement de la somme de 2 500 euros sur ce fondement.
La société JCM Confort, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 4 mars 2019, sauf en ce qu'il a rejeté la demande tendant à prononcer la résolution judiciaire d'un contrat de vente ;
Statuant à nouveau :
DIT que M. et Mme de M. et la société JCM Confort sont liés par un contrat d'entreprise et DIT que la responsabilité de la société JCM Confort est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;
CONDAMNE la société JCM Confort à payer à M. Tugdual de M. et Mme Pascale B. épouse de M. les sommes de :
- 25 266 euros (vingt-cinq mille deux cent soixante-six euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du coût d'installation d'un nouvel équipement de chauffage ;
- 2 000 euros (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts correspondant au montant de l'acompte versé pour une intervention inefficace ;
- 1 500 euros (mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance ;
DÉBOUTE M. Tugdual de M. et Mme Pascale B. épouse de M. de leur demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par le changement de système de chauffage (perte de confort, moins-value, enlèvement de l'existant) et de leur demande de dommages et intérêts en réparation de la surconsommation d'électricité ;
CONDAMNE la société JCM Confort à payer à M. Tugdual de M. et Mme Pascale B. épouse de M. la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société JCM Confort de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société JCM Confort aux entiers dépens de première instance et d'appel.