Cass. com., 2 juillet 2013, n° 12-18.902
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
M. Rémery
Avocat général :
M. Le Mesle
Avocats :
Me Foussard, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2012), qu'une promesse synallagmatique de cession de la totalité des parts de la SARL Société d'exploitation de l'hôtel de Biarritz (SEHB) ayant été consentie le 5 mai 2000 par M. X... et la société Blace finance (société Blace) à la société A7 Management (société A7), un arrêt du 27 octobre 2009 a rejeté, d'un côté, les demandes de celle-ci tendant à faire juger que les conditions suspensives assortissant la promesse étaient réputées accomplies et à ordonner le transfert des parts et, de l'autre, la demande des promettants concluant à la caducité ou à la résolution de la promesse ; que la SEHB a été mise en redressement judiciaire le 19 janvier 2009 ; que, le 20 septembre 2010, le tribunal a arrêté un plan de redressement par voie de continuation prévoyant, notamment, que M. X..., désigné comme personne tenue de l'exécuter, et la société Blace souscriront à une augmentation du capital ; que, faisant valoir qu'elle était l'associée unique de la SEHB et que l'augmentation du capital constituait une fraude, la société A7 a formé tierce opposition à cette décision ;
Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable mais mal fondé ce recours, alors, selon le moyen :
1°/ que la société A7 invoquait sa qualité de propriétaire de l'intégralité des parts sociales de la SEHB pour s'opposer à un plan de continuation prévoyant une augmentation du capital social de cette société au profit de M. X... et de la société Blace finance ; qu'en retenant cependant qu'elle n'était pas saisie du litige opposant la société A7 à M. X... et à la société Blace finance sur la propriété des titres sociaux composant le capital de la SEHB, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix et qu'en cas d'engagement souscrit sous une condition suspensive, la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l'engagement a été contracté ;
que la société A7 arguait de sa qualité de propriétaire de l'intégralité des parts sociales de la SEHB en se prévalant d'une promesse synallagmatique de cession de ces parts sociales du 5 mai 2000 soumise à plusieurs conditions suspensives qui se trouvaient toutes réalisées ; qu'en se fondant cependant sur le motif inopérant qu'aucune décision de justice n'avait encore reconnu la qualité de propriétaire de la société A7 et qu'une action en délivrance des titres était pendante devant le tribunal de commerce de Paris, pour en déduire que la société A7 ne justifiait pas « être titrée de la propriété des parts sociales de la SEHB », sans rechercher si cette qualité de propriétaire ne résultait pas de la promesse synallagmatique de cession de l'intégralité des parts sociales de la SEHB et de l'accomplissement des conditions suspensives auxquelles était soumise cette promesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1589 et 1179 du code civil ;
3°/ que lorsque le projet de plan de continuation d'une entreprise en redressement judiciaire prévoit une modification du capital social, cette modification des statuts doit être autorisée par l'assemblée des associés ; que la juridiction commerciale ne peut arrêter un plan de continuation prévoyant l'augmentation du capital sans avoir vérifié l'identité des associés lorsque celle-ci est contestée ; que la cour d'appel a refusé d'invalider le jugement du tribunal de commerce de Paris qui avait arrêté le plan de redressement par voie de continuation de la SEHB comprenant une augmentation du capital social ; qu'en statuant ainsi, sans avoir vérifié la qualité d'associé de la personne qui s'engageait, sous cette qualité, à procéder à une augmentation de capital, bien que la propriété des parts sociales soit contestée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 626-3 du code de commerce ;
4°/ que pour statuer sur l'absence de caractère frauduleux de la proposition de M. X... de procéder à une augmentation du capital de la SEHB et pour apprécier l'intérêt pour cette société du plan de continuation proposé, la cour d'appel a admis le postulat de la qualité d'associés de M. X... et de la société Blace finance auxquels elle a expressément donné cette qualification ; qu'en statuant ainsi, sans avoir préalablement tranché la question contestée de la propriété des parts sociales, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que pour préférer la proposition de M. X... à celle de la société A7, la cour d'appel a constaté que l'augmentation du capital proposée par M. X... permettait de financer les déficits d'exploitation et les travaux de modernisation de l'hôtel alors que l'engagement de la société A7 de prendre en charge le passif admis de la SEHB ne permettait pas la prise en charge du financement de la rénovation de l'établissement hôtelier ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en compte la proposition de la société A7, outre la prise en charge de l'intégralité du passif, de procéder à une augmentation de capital, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles L. 626-3 et L. 626-15 du code de commerce, rendues applicables au plan de redressement par l'article L. 631-19 I du même code, que les modifications du capital de la société débitrice, que le jugement arrêtant le plan ne peut imposer, sont simplement mentionnées au plan et doivent être votées par l'assemblée compétente des associés ; que ce jugement ne préjuge pas de la qualité d'associé sur laquelle il n'a pas à se prononcer, si elle demeure litigieuse ; qu'il n'interdit dès lors pas, à moins que cette qualité ait été irrévocablement écartée par décision de justice, à la personne se prétendant associée unique de la société débitrice de faire reconnaître contre les personnes s'étant engagées, dans le cadre de la préparation du plan, à souscrire à une augmentation du capital, ses droits d'associé en contestant la décision collective modifiant sans son accord les statuts qui lui fait seule grief ; qu'ayant retenu qu'elle n'était saisie que d'une tierce opposition au jugement arrêtant le plan et non du litige opposant les parties sur la propriété des parts sociales composant le capital de la SEHB, la cour d'appel, qui n'a pas tranché la question de cette propriété dans le dispositif de sa décision, a, par ces seuls motifs, légalement justifié celle-ci, dès lors qu'il en ressortait que la société A7 n'avait pas d'intérêt à critiquer le jugement d'arrêté du plan lui-même ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.