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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 28 juin 2022, n° 22/01278

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

S.C.I. JADE

Défendeur :

SELARL PIERRE HENRI FRONTIL

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jean-Luc PROUZAT

Conseillers :

Mme Anne-Claire BOURDON, Mme Marianne ROCHETTE

Avocats :

Me Tonin ALRANQ, Me Virginie ALCINA, Me P.H. FRONTILES, SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS

Montpellier, du 04 mai 2022

4 mai 2022

Par jugement du 27 octobre 2021, le tribunal de commerce de Béziers a ouvert une procédure de liquidaon judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL Luma, exploitant un fonds de commerce de boulangerie pâsserie et ayant son siège social 1, avenue de Pézenas à [Localité 4] (Hérault) ; la Selarl Pierre-Henri Fronl a été désignée, par ce même jugement, en qualité de liquidateur.

Le liquidateur a, par requête du 27 janvier 2022, saisi le juge-commissaire en charge de la procédure collecve afin d'être autorisé à céder de gré à gré les éléments du fonds de commerce à une SAS Desais.

Par ordonnance rendue le 3 février 2022, le juge-commissaire a notamment :

'autorisé la Selarl Pierre-Henri Fronl ès qualités à céder de gré à gré les éléments du fonds de commerce ayant pour acvité « boulangerie pâsserie, viennoiserie, chocolaterie, sandwicherie, salon de thé, épicerie fine, vente de boissons non alcoolisées » sis [Adresse 1] [Localité 4], comprenant notamment l'achalandage et l'intégralité du matériel et les agencements s'y trouvant, propriété de la société débitrice, sur la base de la proposion faite par la SAS Desais, sur la base d'une somme de 30 000 euros, payable au comptant le jour de la signature de l'acte,

'dit que le prix de vente qui sera remis au mandataire judiciaire, en applicaon de la loi, sera répar comme suit :

' acf incorporel''''''''''''''...'''.. 27 000 euros,
' acf corporel'''''.''''''''''''''.. 3000 euros,
'fixé comme date butoir le 31 mai 2022 pour la signature de l'acte.

Par déclaraon reçue le 4 mars 2022 au greffe de la cour, la SCI Jade, propriétaire des locaux commerciaux, a relevé un appel nullité de cee ordonnance, qui lui avait été nofiée le 24 février 2022.

Elle demande la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 2 mai 2022 via le RPVA, de déclarer son appel recevable et de prononcer la nullité de l'ordonnance rendue le 3 février 2022 par le juge-commissaire.

Au souen de son appel, elle fait essenellement valoir, se fondant sur les disposions des arcles L. 641-12 3°, L. 622-14 et R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce, que le bail commercial conclu avec la société Luma se trouve résilié de plein droit à la date du 28 janvier 2002, soit à l'expiraon du délai de trois mois suivant l'ouverture de la liquidaon judiciaire, pour non-paiement des loyers postérieurs, et que le juge-commissaire a été régulièrement saisi aux fins de constat de la résiliaon de plein droit du bail.

La Selarl Pierre-Henri Fronl, prise en sa qualité de liquidateur de la société Luma, dont les conclusions ont été déposées le 3 mai 2022 par le RPVA, sollicite de voir :

A tre principal,
'constater l'absence d'effet dévoluf de l'appel formulé par la SCI Jade,

'en conséquence, dire que la cour n'est pas valablement saisie de l'appel et dire n'y avoir lieu de statuer, en l'absence d'effet dévoluf,

A tre subsidiaire,

'confirmer en toutes ses disposions l'ordonnance rendue le 3 février 2022 par le juge-commissaire près le tribunal de commerce de Béziers (...),

'débouter la SCI Jade de l'intégralité de ses demandes, injustes et mal fondées, Si mieux n'aime,

'constater que la SCI Jade a déposé sa requête aux fins de constataon de résiliaon du bail commercial après avoir eu connaissance de la procédure aux fins d'autorisaon de la vente du fonds de commerce de la société Luma et, en tout état de cause, après l'ordonnance rendue le 3 février 2022 par le juge-commissaire,

'constater que le juge-commissaire n'a pas encore rendu sa décision quant à la requête aux fins de constataon de résiliaon du bail commercial déposée par la SCI Jade,

'constater que l'ordonnance rendue le 3 février 2022 est assore de l'exécuon provisoire et constater que la SCI Jade n'a nullement sollicité la suspension de l'exécuon provisoire et n'a pas davantage diligenté la procédure requise pour y procéder,

'constater que la SCI Jade ne lui a pas adressé une mise en demeure aux fins de prendre par sur la poursuite du contrat de bail commercial dans le délai d'un mois,

'constater que la vente du fonds de commerce de la société Luma, telle qu'autorisée selon ordonnance rendue le 3 février 2022 par le juge-commissaire, a pour effet de préserver les intérêts des créanciers inscrits au passif de la procédure collecve en ce compris la SCI Jade,

'en conséquence, confirmer en toutes ses disposions l'ordonnance rendue le 3 février 2022, 'débouter la SCI Jade de l'intégralité de ses demandes, injustes et mal fondées,
En tout état de cause,
'juger que l'appel diligenté par la SCI Jade est purement et simplement abusif,

'condamner la SCI Jade à lui verser la somme de 5000 euros à tre de dommages et intérêts en réparaon de son préjudice financier et la somme de 4000 euros au tre des disposions de l'arcle 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétenons des pares, aux conclusions susvisées, conformément aux disposions de l'arcle 455 du code de procédure civile.

Le dossier de l'affaire a été communiqué au ministère public qui a également été avisé de la date d'audience.

Instruite conformément aux disposions de l'arcle 905 du code de procédure civile, la procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2022.

MOTIFS de la DECISION :

L'appel formé par la SCI Jade, par déclaraon reçue le 4 mars 2022, l'a été dans le délai de dix jours prévus à l'arcle R. 661-3 du code de commerce, suivant la noficaon de l'ordonnance ; il doit dès lors être déclaré recevable.

La cour est saisie exclusivement d'un appel nullité de l'ordonnance rendue le 3 février 2022 par le juge-commissaire en charge de la liquidaon judiciaire de la société Luma et non d'un appel aux fins de réformaon ; la Selarl Pierre-Henri Fronl ès qualités fait d'ailleurs justement remarquer que s'il a été joint à l'acte d'appel une annexe menonnant les chefs de l'ordonnance criqués, la déclaraon d'appel au format XML, qui seule saisit la cour, ne renvoie pas à cee annexe, en méconnaissance des disposions de l'arcle 901, 4° du code de procédure civile, dans sa rédacon issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et de l'arcle 4 de l'arrêté du 25 février 2022, modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relaf à la communicaon par voie électronique en maère civile devant les cours d'appel ; les dernières conclusions de la SCI Jade déposées le 2 mai 2022 ne tendent ainsi qu'au prononcé de la nullité de l'ordonnance.

Au souen de son appel nullité, la SCI Jade se borne à indiquer que le bail commercial, qui la liait à la société Luma, se trouve résilié de plein droit depuis le 28 janvier 2022 par suite du non-paiement des loyers postérieurs au jugement de liquidaon judiciaire, en vertu de l'arcle L. 641-12 3° du code de commerce, renvoyant aux troisième à cinquième alinéas de l'arcle L. 622-14 ; elle cite un arrêt rendu le 9 octobre 2019 par la chambre commerciale de la Cour de cassaon (pourvoi n° 18- 17 563) ayant posé le principe selon lequel en cas de saisine du juge-commissaire, sur le fondement de l'arcle L. 641-12, 3°, d'une demande de constat de la résiliaon de plein droit du bail d'un immeuble ulisé pour l'acvité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupaon postérieure au jugement de liquidaon judiciaire du preneur, cee procédure, qui obéit à des condions spécifiques, est disncte de celle qui tend, en applicaon de l'arcle L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l'acquision de la clause résolutoire spulée au contrat de bail ; il en résulte que le bailleur, agissant devant le juge- commissaire en vue de la constataon de la résiliaon de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d'une clause résolutoire, n'est pas dans l'obligaon de délivrer le commandement exigé par l'arcle L. 145-41 du code de commerce.

La SCI Jade communique également la requête adressée au juge-commissaire en applicaon de l'arcle R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce aux fins de constat de la résiliaon de plein droit du bail commercial, qu'elle a déposée le 15 février 2022 au greffe du tribunal de commerce, soit postérieurement à l'ordonnance du 3 février 2022 autorisant la cession de gré à gré du fonds de commerce à la SAS Desais pour le prix de 30 000 euros.

Pour autant, en autorisant la cession de gré à gré du fonds de commerce sur le fondement des disposions de l'arcle L. 642-19 du code de commerce, le juge-commissaire a statué dans la limite de ses pouvoirs et n'était saisi, lorsqu'il a statué, d'aucune demande de la SCI Jade aux fins de constat de la résiliaon de plein droit du bail commercial liant celle-ci à la société Luma ; le constat de la résiliaon de plein droit du bail ne peut d'ailleurs résulter que d'une décision du juge- commissaire qui, saisi d'une demande du bailleur, a toujours la possibilité d'accorder des délais de paiement ; ainsi, la simple possibilité d'une résiliaon de plein droit du bail à la date à laquelle le juge-commissaire a statué pour autoriser la cession de gré à gré du fonds de commerce ne saurait constuer une cause de nullité de l'ordonnance ; il y a lieu, dans ces condions, de rejeter la demande de la SCI Jade visant à obtenir la nullité de l'ordonnance rendue le 3 février 2022 par le juge-commissaire.

L'appel formé par la SCI Jade ne revêt pas un caractère manifestement abusif de nature à jusfier que des dommages et intérêts soient alloués de ce chef à la Selarl Pierre-Henri Fronl ès qualités ; le grief, qui lui est fait, de vouloir éliminer un concurrent dans le village pour permere à l'époux de sa gérante d'y développer une acvité de pâsserie et d'exercer à cee fin une voie de recours contre l'ordonnance du 3 février 2022, ne se trouve pas suffisamment établi.

Succombant sur son appel, la SCI Jade doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la Selarl Pierre-Henri Fronl, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidaon judiciaire de la société Luma, la somme de 2000 euros au tre des frais non taxables qu'elle a dû exposer, sur le fondement de l'arcle 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel formé par la SCI Jade, recevable,

Rejee sa demande visant à obtenir la nullité de l'ordonnance rendue le 3 février 2022 par le juge- commissaire en charge de la procédure collecve de la société Luma,

Déboute la Selarl Pierre-Henri Fronl de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour

appel abusif

Condamne la SCI Jade aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la Selarl Pierre-Henri Fronl, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidaon judiciaire de la société Luma, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'arcle 700 du code de procédure civile.