CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 décembre 2013, n° 11/20379
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Grands Moulins De France (SAS)
Défendeur :
Grande Confiserie Du Mali (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Luc, Mme Nicoletis
Avocats :
Me Garrabos, Me Bernabe, Me Gaburro
Au mois d'octobre 2007, la société GRANDE CONFISERIE DU MALI et la société GRANDS MOULINS DE FRANCE ont conclu un nouvel accord commercial portant sur la livraison de 1.080 tonnes de semoule de blé dur, de qualité 3 SF, empotées en 45 conteneurs de 24 tonnes chacun, aux conditions "CIF Dakar", au prix de 655 € la tonne métrique, soit un prix total de 707.400 €.
Une première cargaison de 358,75 tonnes de semoule de blé, empotées en 15 conteneurs, portant sur une somme de 234.981,25 €, est partie du port de Rouen le 21 février 2008 pour parvenir à Dakar le 21 mars 2008.
Un litige s'est élevé entre la société GRANDS MOULINS DE FRANCE qui estimait n'avoir pas été réglée de l'intégralité de sa créance et la société GRANDE CONFISERIE DU MALI qui se plaignait de la non-conformité et de certaines détériorations affectant la marchandise expédiée.
Par assignation à jour fixe du 20 mai 2008, pour une audience du 5 juin 2008, la société GRANDE CONFISERIE DU MALI a sollicité du tribunal de commerce de Bamako la condamnation de la société GRANDS MOULINS DE FRANCE au paiement de la somme principale de 554.821.530 CFA (environ 850.000 €) au titre de la perte alléguée de marchandise et de chiffre d'affaires, et d'une somme complémentaire de 100.000.000 CFA (environ 150.000 €), à titre de dommages et intérêts.
Par ordonnance du 25 septembre 2008, le juge de la mise en état du tribunal de commerce de Bamako a constaté le désistement d'instance de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI.
Le 3 octobre 2008, la société GRANDE CONFISERIE DU MALI a versé à la société GRANDS MOULINS DE FRANCE la somme de 101.837,75 €.
Par acte du 23 avril 2009, la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a assigné la société GRANDE CONFISERIE DU MALI, devant le tribunal de commerce de Paris, notamment en paiement des sommes de 133.143,50 €, à titre de solde du prix de vente, augmentée des intérêts légaux à compter du 22 décembre 2008, date de la mise en demeure, et de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
La société GRANDE CONFISERIE DU MALI a soulevé une exception d'incompétence au profit de tribunal de commerce de Bamako, demandé l'annulation des ventes concluent avec la société GRANDS MOULINS DE FRANCE en invoquant l'existence d'un dol et d'un vice caché et sollicité l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 29 septembre 2011, le tribunal de commerce a :
- dit l'exception de compétence recevable mais mal fondée,
- s'est déclaré compétent pour juger de l'affaire,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné les parties à supporter par moitié l'ensemble des frais et dépens de l'instance.
La société GRANDS MOULINS DE FRANCE a interjeté appel du jugement le 15 novembre 2011.
Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 17 mai 2013, par lesquelles la société GRANDS MOULINS DE FRANCE demande à la Cour de :
Aux visas de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets mobiliers corporels, de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, de l'article 1147 du code civil,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître du litige sur le fondement de l'article 14 du code civil,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
Et statuant à nouveau,
- condamner la société GRANDE CONFISERIE DU MALI à lui payer :
* la somme principale de 133.143,50 €, correspondant au solde du prix de vente convenu, augmentée des intérêts légaux à compter du 22 décembre 2008, date de la mise en demeure qui lui a été adressée,
* la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
* la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société GRANDE CONFISERIE DU MALI de toutes ses demandes,
- condamner la société GRANDE CONFISERIE DU MALI aux dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 13 septembre 2013, par lesquelles la société GRANDE CONFISERIE DU MALI demande à la Cour de :
Aux visas de l'article 46 et 398 du code de procédure civile, 1108 et suivants, 1602 et suivants et 1641 et suivants du code civil, du principe général selon lequel 'la fraude corrompt tout'
- juger le tribunal de commerce de Paris incompétent au profit du tribunal de commerce de Bamako,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société GRANDS MOULINS DE FRANCE de l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société GRANDS MOULINS DE FRANCE à lui payer les sommes de :
* 308.101,72 euros en remboursement des sommes versées sur la commande de 717,35 tonnes métriques avec intérêt légal à compter du 8 mai 2008 et à titre subsidiaire, 101.837,75€ correspondant à la partie du prix versé au titre de la commande de 358,75 tonnes
* 327.148 euros en principal au titre du manque à gagner avec intérêt légal à compter du 8 mai 2008 ;
* 50.000 euros en réparation du préjudice commercial subi et atteinte à l'image
* 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société GRANDS MOULINS DE FRANCE aux dépens de l'instance, dont distraction.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur l'exception d'incompétence :
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI soutient que, par application de l'article 46 du code de procédure civile, le tribunal de commerce de Paris aurait dû se déclarer incompétent au bénéfice du tribunal de commerce de Bamako, lieu de son siège social, au motif que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 14 du code civil car l'appelante a commis une fraude en obtenant par des manoeuvres frauduleuses qu'elle se désiste de son instance introduite devant la juridiction malienne ; qu'en effet, la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a exigé, en préalable à l'introduction de pourparlers, que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI se désiste de son instance devant le tribunal de commerce de Bamako et l'a ensuite assignée devant le tribunal de commerce de Paris ;
Considérant que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE expose qu'en l'absence d'un traité international liant la France et le Mali, qui viendrait en écarter l'application, la règle de compétence édictée au profit du demandeur français par l'article 14 du code civil s'impose au juge français et conteste avoir commis une fraude en exigeant "comme préalable à l'introduction de pourparlers" que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI se désiste de la procédure qu'elle avait engagée devant le tribunal de commerce de Bamako ;
Considérant que la règle de compétence édictée au profit du demandeur français par l'article 14 du code civil s'impose au juge français dès lors que la partie n'y a pas renoncé et qu'un traité international ne l'écarte pas ; que la compétence internationale des tribunaux français par application de l' article 14 du code civil, ayant pour seul fondement la nationalité française, les règles de compétence internes prévues au code de procédure civile ne peuvent faire obstacle à son application ; que l'application de l'article 14 ne peut être écartée que par la preuve d'une fraude destinée à donner artificiellement compétence à la juridiction française pour soustraire le débiteur à ses juges naturels ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI ne verse aux débats aucune pièce démontrant, comme elle le prétend, que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE lui ait demandé de se désister de son instance 'en raison de pourparlers instaurés entre les parties'; que l'intimée se réfère à des courriels échangés entre les parties aux mois de juin et d'août 2009, postérieurement à l'ordonnance du 25 septembre 2008 du juge de la mise en état du tribunal de commerce de Bamako qui a constaté le désistement d'instance ; ces courriels concernent des pourparlers en vue de la mise en place d'un protocole d'accord pour 'annuler' l'assignation faite le 23 avril 2009 par la société GRANDS MOULINS DE FRANCE devant le tribunal de commerce de Paris en contrepartie du paiement par la société GRANDE CONFISERIE DU MALI du solde du montant des factures litigieuses ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites par la société GRANDS MOULINS DE FRANCE que par courrier du 8 mai 2008 la société GRANDE CONFISERIE DU MALI a informé sa cocontractante qu'elle allait demander au tribunal de commerce de Bamako la désignation d'un expert judiciaire, mais que par requête aux fins de réparation de préjudice du 20 mai 2008 cette société a obtenu l'autorisation d'assigner au fond la société GRANDS MOULINS DE FRANCE devant le tribunal de commerce de Bamako, à une audience du 5 juin 2008 ; que dans les courriers et courriels adressés par l'appelante à l'intimée à compter du mois de mai 2008 et jusqu'au désistement d'instance du 25 septembre 2008, la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a toujours contesté les griefs qui lui étaient faits et a demandé le paiement du solde de sa créance, sans faire de proposition de transaction en contrepartie d'un désistement de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI ;
Considérant que la lecture des courriels et courriers émanant de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI fait apparaître que c'est cette société qui a pris l'initiative de retirer son assignation, afin d'inciter la société GRANDS MOULINS DE FRANCE à trouver 'une solution commerciale' ; qu' en conséquence, aucune fraude ne peut être reprochée à la société GRANDS MOULINS DE FRANCE, qui n'a jamais renoncé à se prévaloir du privilège de juridiction prévu à l'article 14 du code civil ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la compétence des juridictions françaises en application des dispositions de l'article 14 du code civil ;
Sur la loi applicable au contrat :
Considérant que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE soutient justement, sans être contredite, qu'aux termes de son article 1er, la Convention de Vienne est applicable "aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents :
(a) lorsque ces Etats sont des Etats contractants ; ou
(b) lorsque les règles du droit international privé mènent à l'application de la loi d'un État contractant";
que le Mali n'étant pas un État contractant à la Convention de Vienne, il convient de rechercher si les règles du droit international privé conduisent à faire application de la loi d'un État contractant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 alinéa 1er de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la vente à caractère international d'objets mobiliers corporels 'à défaut de loi choisie par les parties, la vente est régie par la loi interne du pays où le vendeur a sa résidence habituelle au moment où il reçoit la commande';
Considérant que les parties n'ayant pas désigné la loi régissant leur contrat et la société GRANDS MOULINS DE FRANCE, vendeur, ayant sa résidence en France, la loi française est applicable au contrat de vente conclu entre les sociétés GRANDS MOULINS DE FRANCE et GRANDE CONFISERIE DU MALI ;
Sur les demandes de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI :
I - Sur le vice caché :
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI soutient que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1604 et suivants et 1641 et suivants du code civil ; que la semoule de blé dur vendue par la société GRANDS MOULINS DE FRANCE s'est avérée impropre à sa destination, la fabrication de pâtes alimentaires, du fait d'une granulométrie trop fine ; que le vice caché, conséquence de la non-conformité de la marchandise aux spécifications de la commande, c'est-à-dire une qualité 3SF, est avéré par le courriel de la société GRANDS MOULINS DE FRANCE du 27 février 2008 ;
Considérant que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE expose avoir vendu à la société GRANDE CONFISERIE DU MALI de la semoule de blé dur de qualité 3SF, qui présente une granulométrie particulièrement fine, mais que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI, spécialisée dans la fabrication de pâtes alimentaires, a choisi en parfaite connaissance de cause pour des raisons de coûts ;
Considérant que les sociétés GRANDS MOULINS DE FRANCE et GRANDE CONFISERIE DU MALI entretiennent des relations d'affaires depuis l'année 2005 ; qu'à la suite d'une commande passée au mois d'août 2007, la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a expédié à sa cliente une livraison de 118,6 tonnes de semoule de blé dur 3SF le 2 novembre 2007 (commande 29109 A), une livraison de 240 tonnes de la même semoule le 15 novembre 2007 (commande 29109 B), puis une livraison de 358,750 tonnes le 21 février 2008 (commande 29119), laquelle est arrivée à Dakar le 21 mars 2008, avant d'être acheminée par camion à Bamako ;
Considérant que par courriel du 13 février 2008 la société GRANDE CONFISERIE DU MALI a demandé à la société GRANDS MOULINS DE FRANCE 'la fiche technique concernant la semoule de blé livrée et aussi pour la nouvelle commande' ; que par courriel du même jour la société GRANDS MOULINS DE FRANCE transmettait la fiche technique demandée indiquant pour la granulométrie un taux de refus de 5% à 500 microns et de 20% à 160 microns ; que par courriel du 14 février 2008, la société GRANDE CONFISERIE DU MALI faisait connaître que 'la semoule que vous avez envoyé la dernière fois est trop fine... une analyse de granulation du laboratoire national du Mali nous indique qu'il y a 15% refus à 250 microns et 0% à 450 microns' et précisait ' On veut que la granulation de votre semoule soit entre 250 microns et 450 microns';
Considérant qu'après avoir interrogé son fournisseur, la société PASTACORP, la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a transmis, le 27 février 2008, à la société GRANDE CONFISERIE DU MALI la réponse du fournisseur qui reconnaissait que 'Les campagnes 2005 et 2006 étaient de qualité exceptionnelle, malheureusement la campagne 2007 se caractérise par de nombreux défauts et une grande hétérogénéité nous contraignant donc à changer régulièrement notre mélange de blé. La production de fines particules est le résultat indirect et non intentionnel de ces changements. Ce phénomène s'est amplifié par l'étuvage qui a tendance à produire des impalpables. Suite à cette anomalie, nous avons immédiatement modifié notre mélange de blé qui devrait maintenant être stabilisé jusqu'à la fin de la campagne' ; que ce courrier confirme les griefs formulés par la société GRANDE CONFISERIE DU MALI à l'encontre des livraisons de semoule de blé qui ont été effectuées durant le mois de novembre 2007 ;
Considérant que la société PASTACORP indique également ' Suite à cette anomalie, nous avons immédiatement modifié notre mélange de blé qui devrait maintenant être stabilisé jusqu'à la fin de la campagne. Nous avons également optimisé la fiche recette de SSSF, pour écarter d'avantage ces fines particules. Ces actions conjointes sont efficaces et votre client doit d'ailleurs le constater à l'heure actuelle.' ; qu'il en résulte que le fournisseur a remédié au cours de la campagne 2007 aux défauts présentés en début de campagne par la semoule de blé ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI produit une page mentionnant 'rapport de consultation sur l'analyse granulométrique de l'échantillon de semoule de GRANDE CONFISERIE DU MALI' en date du 19 avril 2008 qui donne le résultat d'analyse d'une semoule dont la provenance n'est pas précisée et dont il ne peut être tiré aucune conclusion puisqu'il n'est pas indiqué qu'il s'agit de semoule livrées par l'appelante et que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI exporte de la semoule de blé dur de plusieurs pays ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI, qui n'a adressé sa première réclamation concernant la livraison expédiée le 21 février 2008 que par courrier du 8 mai 2008, soit plusieurs semaines après avoir réceptionné la marchandise, ne produit aucun élément de nature à rapporter la preuve, qui lui incombe, que la semoule de blé dur expédiée le 21 février 2008 n'était pas conforme ;
Considérant que les deux livraisons expédiées au mois de novembre 2007 et reçues au mois de décembre 2007 présentaient une non-conformité que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI, bien que professionnelle, n'a pu découvrir que lorsqu'elle a utilisé les semoules et dont la société GRANDS MOULINS DE FRANCE n'a été informée que par un courriel du 14 février 2008 ;
Considérant que si dans son courrier du 8 mai 2008 la société GRANDE CONFISERIE DU MALI indique ' Granulométrie de la semoule non-conforme aux spécifications et semoule inutilisable', dans son courriel du 14 février 2008 elle indiquait ' On est obligé de mélanger votre semoule avec une semoule qui respecte notre caractéristique, ce qui n'est pas normal...' , ce fait est confirmé par un courriel de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI du 15 juin 2008 qui indique 'Le mélange avec d'autres semoules importées chez GALLO (Espagne) et MUTLU (Turquie) a permis jusqu'à fin 2007 d'atténuer les conséquences, malgré la mauvaise qualité de la semoule. Les dégâts ont commencé à se faire sentir sérieusement à partir de janvier 2008 lorsque la GCM ne pouvait plus faire de mélange.' ;
Considérant qu'il est ainsi établie que la semoule de blé expédiée au mois de novembre 2007 par la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a néanmoins pu être utilisée par la société GRANDE CONFISERIE DU MALI pour fabriquer des pâtes alimentaires ; qu'il en était toujours ainsi au mois de février 2008, contrairement à ce qu'indique le courriel le 15 juin 2008 ; que la semoule expédiée le 21 février 2008 (commande 29119), qui était conforme à la qualité 3SF, a permis une reprise de fabrication des pâtes alimentaires dans les conditions habituelles ;
Considérant que si dans son courrier du 19 juillet 2008, la société GRANDE CONFISERIE DU MALI écrit, s'agissant de la commande 29119, ' Le produit n'est pas entièrement consommé, un stock matière première ainsi qu'un stock de produits finis retournés des clients se trouvent sous le contrôle du Laboratoire national de la santé du Mali ', cependant il n'est produit aux débats aucune pièces émanant du Laboratoire national de la santé du Mali confirmant ces assertions, ni aucune preuve que des produits aient été retournés par des clients ;
II- Sur le vice du consentement :
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI expose que son consentement a été vicié lorsqu'en août et septembre 2007, elle a passé commande de semoule de blé dur, qualité ' 3SF', destinée à la fabrication de pâtes alimentaires alors que la marchandise livrée, correspondant à la récolte 2007, s'avérait être de très mauvaise qualité à raison d'une granulosité trop fine, laquelle ne répondait plus à la qualité '3SF' ; que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE n' a pas été de bonne foi et a volontairement passé sous silence la non-conformité de la marchandise à la qualité '3SF', se livrant ainsi à une tromperie ;
Considérant que les pièces produites aux débats montrent que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE n'a été informée des problèmes rencontrés par la société GRANDE CONFISERIE DU MALI qu'à compter du mois de février 2008 ; que le défaut présenté par la semoule de blé n'a été découvert par cette dernière société, elle-même professionnelle et fabricante, non lors de la réception mais lors de la transformation de la semoule en pâtes alimentaires ; que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a répondu à toutes les demandes de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI immédiatement et dans la transparence, aucun manquement à ses obligations contractuelles ne peut lui être reproché ;
Considérant que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a vendu un produit dont elle ignorait le défaut, qu'il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir informé la société GRANDE CONFISERIE DU MALI de ce défaut ; que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a été de bonne foi lors de la conclusion et de l'exécution des contrats en novembre 2007 et en février 2008 ; qu'aucune intention de tromper son cocontractant n'est démontrée ; que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI sera déboutée de sa demande d'annulation des contrats fondée sur les dispositions de l'article 1109 du code civil ;
III - Sur la destruction de la marchandise :
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI soutient que la granulométrie de la semoule livrée le 21 mars 2008 était trop fine pour être utilisée pour la fabrication des pâtes alimentaires, comme le démontrerait le rapport de consultant du 19 avril 2008 ; que lors du dépotage, de cette marchandise , il a été constaté, selon rapport d'expertise du 9 avril 2008, que dix sacs étaient déchirés, cent trente sacs mouillés et trente-trois sacs manquants, qu'il existait une importante colonie de charançons ayant pour conséquence de rendre la semoule impropre à la consommation, comme attesté par le procès-verbal de constat d'huissier du 7 mai 2008 et les clichés photographiques versés aux débats ; que certains sacs mentionnaient une date limite de consommation 'avant mars 2008" ; que l'intimée soutient également avoir dû détruire les 717,35 tonnes de semoule de blé dur, comme en attesterait le procès-verbal de constat d'huissier des 9,10 et 11 juillet 2008 ;
Considérant que le rapport de consultant du 19 avril 2008 ne permet pas de savoir si la semoule analysée est celle livrée par la société GRANDS MOULINS DE FRANCE ; que les parties ont conclu la vente de la semoule de blé dur aux conditions 'CIF Dakar', comme cela résulte des factures (proforma et définitive) et des correspondances entre les parties, et qu' en application des règles Incoterms 'l'acheteur doit supporter tous les risques de perte ou de dommage que la marchandises peut courir à partir du moment où elle a passé le bastingage du navire au port d'embarquement'; qu' en conséquence, la société GRANDE CONFISERIE DU MALI ne peut demander aucune indemnisation à la société GRANDS MOULINS DE FRANCE du fait des dégradations ou des pertes constatées dans le rapport d'expertise du 9 avril 2008 lors du déchargement dès lors qu'un connaissement net de réserves a été émis au chargement de la marchandise ;
Considérant que les constatations faite par l'huissier le 7 mai 2008, qui portent sur "une dizaine de sacs de farine semoule de blé dur des GRANDS MOULINS DE FRANCE" ne permettent pas de savoir quelles livraisons présentent les défauts constatés, que la date limite d'utilisation optimale de la semoule de blé étant de 6 mois à compter de sa fabrication, il n'est pas anormal que les marchandises expédiées en septembre et octobre 2007 présentent une date limite de consommation au 31 mars 2008, ou que la marchandise qui a été stockée en entrepôt au Mali durant plus de six mois soit infestée d'insectes ; que ce stockage anormalement prolongé est rendu crédible par les courriels de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI des 9 et 16 novembre 2007, par lesquels la société fait état du ralentissement de sa production et de ses ventes de pâtes alimentaires et demande le report au début de l'année 2008 des livraisons prévues à la fin de l'année 2007 ;
Considérant que par procès-verbal en date des 9, 10 et 11 juillet 2008, l'huissier constate avoir assisté à la destruction de 717,35 tonnes de semoule et se contente de reproduire les déclarations de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI sans procéder à aucune vérification sur l'identification des sacs détruits ; que ce procès-verbal de constat, qui est de plus en contradiction avec le courrier du 19 juillet 2008 de l'administrateur de la société intimée, qui écrivait ' Le produit n'est pas entièrement consommé ...Pour ce qui est des confusions, il est possible qu'une confusion ait pu intervenir dans l'identification des expéditions sujettes au préjudice...', est dépourvu de valeur probante ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI ne démontre pas que la semoule de blé dur que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE lui a livrée en 2007 et en 2008 était périmée ou impropre à la consommation, ni qu'elle a détruit cette marchandise ;
IV - Sur les préjudices :
Considérant que bien que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI ait déclaré se désister de son action devant le tribunal de commerce de Bamako, l'ordonnance qui a été rendue le 25 septembre 2008 n'a constaté qu'un désistement d'instance ; qu'en conséquence, la société GRANDE CONFISERIE DU MALI, qui ne s'est désistée que de son instance et non de son action devant le tribunal de commerce de Bamako, est recevable à former des demandes reconventionnelles dans la présente instance ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI étant déboutée de sa demande d'annulation des contrats fondée sur les dispositions de l'article 1109 du code civil et ne rapportant la preuve ni d'avoir détruit des marchandises livrées par la société GRANDS MOULINS DE FRANCE, ni de la non-conformité de la livraison effectuée le 21 février 2008, ses demandes indemnitaires, soit la demande en paiement d'une somme de 308 101,72 € à titre de remboursement de l'indu et celle subsidiaire en remboursement de la somme de 101 837,75 €, seront rejetées ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI expose que les 717,35 tonnes métriques de semoule de blé dur commandées à la société GRANDS MOULINS DE FRANCE lui ont coûté la somme de 408.101,72 €, incluant les droits de douane et frais de transit, soit 568,90 € la tonne métrique, qu'avec 717,35 tonnes métriques de semoule de blé dur, elle aurait été en mesure de produire et vendre 680 tonnes de pâtes alimentaires au prix de 1 050 € la tonne (691 FCFA le kilo équivalent à 1,05 €), soit un chiffre d'affaires de 7141.000 € ; qu'ainsi le manque à gagner subi, en raison de la livraison d'un produit non conforme, s'élève à la somme de 327.148 € (1050 - 568,90 = 481,10 € la tonne métrique x 680 tonnes métriques).
Considérant que la commande 29119, concernant une livraison de 358,750 tonnes de semoule de blé 3SF, expédiée le 21 février 2008 est conforme aux stipulations contractuelles et n'ouvre droit à aucune indemnisation au profit de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI ;
Considérant que pour les commandes 29109 A et B, concernant respectivement une livraison de 118,6 tonnes de semoule de blé dur expédiée le 2 novembre 2007 et une livraison de 240 tonnes de semoule de blé expédiée le 15 novembre 2007, le produit vendu présentait un défaut tenant à la granulométrie qui a nécessité de le mélanger à d'autres semoules pour être utilisé à la fabrication de pâtes alimentaires ; que toutefois la semoule de blé livrée par la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a été utilisée ; qu'il n'est démontré aucune destruction ou retour de marchandise par les clients de la société GRANDE CONFISERIE DU MALI ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI, qui est dans l'impossibilité de restituer la semoule de blé qu'elle a revendu, transformée en pâtes alimentaires, est bien fondée à exercer l'action estimatoire prévue à l'article 1644 du code civil afin d'obtenir une diminution du prix de vente ; que pour les 358,60 tonnes de semoule expédiées les 2 et 15 novembre 2007, l'intimée à réglé la somme de 152 046,40 € à la société GRANDS MOULINS DE FRANCE ; que les frais de transit et de douane, qui étaient à la charge de l'acheteuse et devaient être exposés ne seront pas pris en compte d'autant que la semoule expédiée a été utilisée ; que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI est en droit d'obtenir une réduction du prix de vente à hauteur de 30 000 € ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI sollicite que le point de départ des intérêts soit fixé au 8 mai 2008 ; que cependant le courrier adressé à cette date à la société GRANDS MOULINS DE FRANCE l'informant des défauts reprochés aux livraisons de semoule ne contient aucune sommation de payer ou acte équivalent ; que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI sera débouté de sa demande ;
Considérant que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI sollicite une somme de 50 000 € à titre de réparation du préjudice commerciale et d'atteinte à l'image résultant de la livraison d'une marchandise impropre à la consommation ; que cette société qui n'établit ni que la semoule de blé telle qu'expédiée par la société GRANDS MOULINS DE FRANCE était impropre à la consommation, ni l'existence d'un préjudice commercial ou d'un préjudice d'image, sera déboutée de ses demandes à ce titre ;
Sur les demandes de la société GRANDS MOULINS DE FRANCE :
I - Sur la demande en paiement :
Considérant que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE sollicite le paiement de la somme principale de 133.143, 50 € correspondant au solde de sa créance résultant de la livraison à la société GRANDE CONFISERIE DU MALI de 358,75 tonnes de semoule de blé dur au prix de 655 € la tonne métrique ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites aux débats, notamment de la facture commerciale du 21 février 2008, que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a expédié à la société GRANDE CONFISERIE DU MALI 358,75 tonnes de semoule de blé dur au prix de 655 € la tonne métrique, soit un total de 234.981, 25 € ; que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI a lui payé, par virement du 3 octobre 2008, la somme de 101.837,75 € ; qu'en conséquence, la société GRANDS MOULINS DE FRANCE est bien fondée à réclamer le solde de sa créance qui s'élève à la somme de 133.143, 50 € (234.981, 25 €' 101.837,75 €);
Considérant que par courriel du 22 décembre 2008, la société GRANDS MOULINS DE FRANCE a mis en demeure la société GRANDE CONFISERIE DU MALI de lui payer la somme de 133 134,50 € ; que cette mise en demeure a fait courir les intérêts conformément à l'article 1153 du code civil ;
II - Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Considérant que la société GRANDS MOULINS DE FRANCE qui ne démontre pas que la société GRANDE CONFISERIE DU MALI ait abusé de son droit d'agir et de se défendre en justice, sera déboutée de sa demande à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en ses dispositions ayant débouté les parties de l'ensemble de toutes demandes, fins et prétentions ;
Et statuant à nouveau, dans cette limite :
Condamne la SA GRANDE CONFISERIE DU MALI à verser à la SAS GRANDS MOULINS DE FRANCE la somme de 133.143, 50 € à titre de solde du prix de vente des marchandises, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2008 ;
Condamne la SAS GRANDS MOULINS DE FRANCE à verser à la SA GRANDE CONFISERIE DU MALI la somme de 30 000 € à titre de réduction du prix de vente des marchandises, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la société SA GRANDE CONFISERIE DU MALI à verser à la SAS GRANDS MOULINS DE FRANCE la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.