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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 12 septembre 2007, n° 06/03294

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Antea Immo (SA)

Défendeur :

le Moal (épouse)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gaboriau

Conseillers :

Mme Imbaud-Content, M. Zavaro

Avocats :

Me Huyghe, Me Klein, SCP Verdun - Seveno, Me Guastavino

TGI Créteil, du 3 janv. 2006, n° 05/0372…

3 janvier 2006

PROCEDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte des 11 décembre 1993 et 17 janvier 1994, M. Bellec aux droits de qui est venue la ‘société Globe invest', a donné à bail commercial à M. et Mme Goueffon, aux droits de qui viennent aujourd’hui M. et Mme Le Moal, des locaux à usage de boulangerie pâtisserie situés à Saint Mandé.

Invoquant un manquement des preneurs à leurs obligations contractuelles, le bailleur a saisi le tribunal de grande instance de Créteil d'une demande en résiliation du bail. Par jugement du 3 janvier 2006, la juridiction a :

Débouté la société Globe invest de ses demandes ;

Condamné celle-ci à payer à M et Mme Le Moal une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts outre 2000 € du chef de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Dit que le bail était renouvelé à compter du 1er juillet 2001 moyennant un loyer annuel de19.513,47 € et fait injonction au bailleur de signer un acte de renouvellement en ce sens dans les deux mois, le jugement tenant lieu d'acte de renouvellement à défaut.

La société Antea immo, venant aux droits de la société Globe invest, suivant acte de vente du 30décembre 2005 produit aux débats, relève appel de cette décision. Elle invoque la pose par le preneur d'une installation dangereuse provoquant des nuisances importantes, sans autorisation. Elle conclut à la résiliation du bail et à l'expulsion des preneurs. Elle sollicite la fixation de l’indemnité d'occupation au double du loyer conventionnel ainsi que 6000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

M. et Mme Le Moal concluent à la confirmation de la décision déférée sauf à voir porter la somme allouée à titre de dommages et intérêts à 20 000 € et à solliciter 6000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en résiliation du bail :

Nul ne conteste qu'un système de réfrigération comprenant cinq moteurs a été installé dans la cave de l'immeuble, faisant partie des locaux loués.

L'appelant soutient que les travaux nécessités par cette installation ont été réalisés sans autorisation du bailleur et que l'installation en cause ne respecte pas les normes imposées. Elle ajoute qu'elle engendre des nuisances sonores ainsi qu'un risque d'incendie.

Elle produit trois documents pour établir ses dires : un courrier de M. Phocas, architecte, qui indique que l'installation est dangereuse dans la mesure où elle génère un bruit et une chaleur importante qui rendait des travaux d’adaptation du local nécessaires du fait d’un risque d’incendie; un constat du 30 novembre 2004 qui att este de la présence au sous-sol de "cinq petits moteurs frigorifiques" lesquels tiennent sur une étagère; un constat du 9 mars 2005 qui témoigne de l’humidité du sous-sol, cette dernière observation n'étant pas élucidée ni reprise dans les écritures.

En ce qui concerne les moteurs frigorifiques, il n'est pas discutable que l'installation d'un système de réfrigération est conforme à la destination commerciale contractuelle de boulangerie pâtisserie. Celle-ci pouvait donc être faite sans autorisation et n'a au demeurant nécessité aucun travaux.

Les nuisances sonores alléguées ne sont établies que par l'observation de M. Phocas, qui s'en tient à une simple affirmation, sans aucune mesure alors même qu'il n'est justifié d'aucune plainte à cet égard. Quant aux risques d'incendie, les intimés produisent un rapport de l'Apave du 17 décembre2004 qui n'émet pas de réserve sur l'installation ainsi qu'un rapport du bureau Veritas du 21 février2005 qui écarte tout risque d'incendie et préconise, par mesure de précaution, la mise en place d’un ventilateur d'extraction ainsi que le cloisonnement du local.

Les époux Le Moal, tenant compte de ce dernier avis, ont sollicité du bailleur l'autorisation d’exécuter les travaux ainsi préconisés. Il leur a été répondu le 7 avril 2005 par le bailleur que celui-ci ne pouvait faire part de ses instructions car l'autorisation d'installer les moteurs dans le sous-sol n'avait jamais été accordée.

Or la simple installation d'un élément indispensable à la destination commerciale contractuelle ne supposant pas de travaux de percements ou autres dans les locaux loués ne supposait aucune demande d'autorisation. Cette installation ne saurait être analysée comme une infraction aux stipulations contractuelles compte tenu de ce que sa dangerosité n'est pas avérée demeurant les conclusions des deux bureaux de contrôle.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il déboute le bailleur de sa demande en résiliation, en ce qu'il constate le renouvellement du bail à son échéance et en ce qu'il en ti re les conséquences de droit.

Sur les dommages et intérêts :

Le jugement déféré retient le préjudice des preneurs à hauteur de 10 000 € car le refus de signer un acte de renouvellement du bail les a empêchés de vendre leurs fonds alors qu'ils produisent une promesse synallagmatique en date du 13 janvier 2005.

L'appelant soutient que la vente n'étant pas certaine, le préjudice ne pouvait pas l'être.

La convention du 13 janvier 2005 constitue un engagement ferme d'achat sous condition suspensive d'obtention d'un concours bancaire. L'établissement sollicité a refusé d'accorder un prêt du fait de l'absence du contrat de bail en renouvellement ainsi qu'en att este le courrier de la Société générale en date du 13 janvier 2005.

Dès lors, il est suffisamment établi que l'attitude des bailleurs a empêché la vente de se réaliser, générant un préjudice justement évalué par la décision déférée à 10 000 €.

Sur les frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge de la totalité des frais non compris dans les dépens exposés en appel. Il convient de leur allouer de ce chef une somme complémentaire de 4000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Condamne la société Antea immo à payer à M. et Mme Le Moal une somme complémentaire de 4000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile par la SCP Verdun Seveno.