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Décisions

Cass. 3e civ., 11 mars 2021, n° 20-13.639

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Grenoble, du 9 janv. 2020

9 janvier 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 09 janvier 2020), la SCI Imole, la SCI La Marmotte, la SCI Pna, M. I..., M. F..., M. U..., M. C..., M. X..., M. KP... A..., M. V... A..., M. K..., M. G..., M. D..., M. T..., M. B..., Mme J..., M. RR..., M. M... Y..., M. KQ..., Mme CA... Q..., M. GA..., M. RE..., M. HR..., M. XF..., M. VG..., Mme OD..., M. VL..., M. JL..., M. AD..., M. KO..., M. OA..., M. VQ..., Mme UW..., M. LL..., M. KH..., Mme OP..., M. IE..., M. PA..., M. NM..., M. DW..., M. RN..., Mme GC..., M. TZ..., M. EE..., M. DY..., M. OK..., Mme SR..., M. PI..., M. EN..., Mme HI..., M. KA..., M. WJ..., M. JM..., M. UD..., M. WL..., M. HA..., M. UF..., M. PH..., M. XH..., M. E..., M. NS..., M. EV..., M. SS..., M. QN..., M. PV..., M. YY..., M. UI..., M. FD..., M. EH... et M. WI... (les bailleurs), propriétaires de locaux au sein d'une résidence de tourisme donnés à bail à la société DG Holidays, lui ont chacun délivré successivement plusieurs commandements de payer des loyers, visant la clause résolutoire inscrite aux baux.

2. La locataire s'est acquittée des loyers impayés dans le mois suivant la signification des commandements, mais pas des frais de poursuite visés à la clause résolutoire.

3. Le 11 décembre 2018, se prévalant du non-paiement des frais de poursuite dans le délai imparti, les bailleurs ont assigné en référé la locataire en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et en paiement.

4. Le 14 décembre 2018, la locataire s'est acquittée des frais de poursuite auprès des bailleurs.

5. En appel, les bailleurs ont sollicité sa condamnation à leur payer à titre d'indemnité d'occupation une indemnité trimestrielle égale au loyer majorée de 50 %.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société DG Holidays fait grief à l'arrêt de constater l'acquisition de la clause résolutoire des baux et d'ordonner son expulsion, alors « que constitue une contestation sérieuse faisant obstacle à l'application d'une clause résolutoire à la demande du bailleur sa mise en oeuvre de mauvaise foi, dans le seul but de se soustraire à son obligation de verser au preneur une indemnité d'éviction dédommageant la résiliation du bail ; qu'en constatant l'acquisition de la clause résolutoire au profit des bailleurs au motif que les frais de poursuite des commandements n'avaient pas été payés dans le délai d'un mois suivant la signification du commandement, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si ne soulevait pas une contestation sérieuse le moyen tiré de la mauvaise foi des bailleurs qui avaient invoqué la clause résolutoire en raison de l'inexécution de frais dérisoires, intégralement payés au jour où le juge des référés statuait, dans l'unique dessein de mettre fin au bail sans verser à la société preneuse l'indemnité d'éviction à laquelle elle avait droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-41 du code de commerce, et des articles 1134, alinéa 3, du code civil et 809, alinéa 2, du code de procédure dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la locataire n'avait pas payé les frais de poursuite dans le délai visé par les commandements de payer et que les clauses résolutoires avaient été mises oeuvre de bonne foi par les bailleurs au moment de la délivrance des commandements.

9. Sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, elle a, sans trancher de contestation sérieuse, légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

10. La société DG Holidays fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en toute hypothèse l'atteinte portée au droit à la propriété commerciale du preneur protégé par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par la résiliation d'un bail commercial sans indemnité doit être proportionnée ; qu'en retenant que le bail était résilié en application de la clause résolutoire, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que cette mesure ne sanctionnait que le défaut de paiement du coût de commandements de payer d'un montant marginal de 80 à 90 euros que le preneur avait immédiatement acquittés dès qu'il s'était avisé qu'ils étaient dus de sorte qu'ils avaient été réglés au jour où le juge statuait, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la cour

11. La « propriété commerciale » du preneur d'un bail commercial protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce.

12. L'atteinte alléguée par la société DG Holidays n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1er précité, qui ne s'applique pas lorsqu'est en cause, non pas le droit au renouvellement du bail commercial, mais, comme en l'espèce, l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire convenue entre les parties.

13. Dès lors, la cour d'appel n'a pas violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

15. La société DG Holidays fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chaque copropriétaire, à compter de la résiliation du bail jusqu'à son départ effectif, une indemnité d'occupation trimestrielle égale au loyer majorée de 50 %, alors « que le juge des référés ne peut condamner une partie à verser des dommages et intérêts à son adversaire qu'à titre provisionnel ; qu'en condamnant la société preneuse à indemniser à titre définitif les bailleurs du préjudice résultant de son maintien dans les lieux, la cour d'appel, qui a statué sur une demande de dommages-intérêts et non de provision, a excédé ses pouvoirs et violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 :

16. Selon ce texte, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

17. L'arrêt condamne la société DG Holidays à payer à chaque bailleur à compter de la résiliation du bail jusqu'à son départ effectif une indemnité d'occupation trimestrielle égale au loyer avec majoration de 50 % et indexation selon le bail.

18. En statuant ainsi, en allouant une indemnité d'occupation et non une provision, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné, à titre non provisionnel, la société DG Holidays à payer à chaque copropriétaire à compter de la résiliation du bail jusqu'à son départ effectif une indemnité d'occupation trimestrielle égale au loyer avec majoration de 50 % et indexation selon le bail, l'arrêt rendu le 9 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.