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Décisions

Cass. crim., 20 juillet 2011, n° 10-84.093

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Finidori

Avocat :

SCP de Chaisemartin et Courjon

Colmar, du 15 mars 2010

15 mars 2010

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Mme X... coupable d'escroquerie aux dépens de M. Y... et l'a, en conséquence, condamnée à une peine d'emprisonnement ferme de quatre mois et à payer à la partie civile 12 000 euros de dommages-intérêts ;

"aux motifs propres qu'en février 2008 M. Y... a répondu à une annonce parue dans le journal « l'Alsace » émanant d'une femme désirant rencontrer un homme de bon niveau social ; que cette femme a déclaré se nommer Mme Z... ; qu'à la suite de leur première rencontre d'autres ont suivi ; qu'au cours de ces dernières Mme Eris a expliqué qu'elle avait des difficultés financières, devant payer des frais médicaux pour l'un de ses enfants malades et alors qu'elle s'apprêtait à acquérir un local en vue d'ouvrir un cabinet de psychothérapeute ; qu'elle sollicitait M. Y... de lui avancer les fonds nécessaires pour résoudre ces problèmes en précisant qu'elle le rembourserait dès que le notaire chargé de la vente d'un immeuble, dont elle était propriétaire, lui aura remis le prix de cette vente ; que M. Y... déclare qu'en raison des explications fournies par cette femme il lui avait remis, en plusieurs versements, la somme totale de 13 119, 72 euros retirée au guichet de sa banque et remise immédiatement à Mme Z... ; que M. Y... ne recevant pas le chèque de garantie du notaire comme cela lui avait été expliqué par cette femme a pris contact avec ce dernier lequel l'a informé qu'il n'y avait pas de client répondant à l'identité de Mme Z... ; qu'à la suite de la plainte déposée par M. Y... il s'avère que Mme Z... était une fausse identité utilisée par Mme X... laquelle a admis avoir fait paraître l'annonce en question mais en utilisant l'identité de Mme A..., soit le nom de jeune fille de sa mère ; que la prévenue cependant soutient avoir rencontré M. Y..., la première fois, par hasard dans la cafétéria d'un grand magasin et non à la suite d'un rendez-vous fixé en commun accord entre eux à la suite de la parution de l'annonce précitée ; qu'elle précise n'avoir jamais reçu d'argent liquide de la part de la partie civile ; qu'il est démontré par les pièces de la procédure qu'effectivement M. Y... a retiré, durant le temps de la prévention, des sommes d'argent de son compte bancaire ; que rien ne permet de mettre en doute les déclarations de la partie civile selon lesquelles cet argent a été remis par lui à la prévenue ; que cette dernière a admis avoir eu comme un projet de création de cabinet de psychothérapeute, comme l'a indiqué la victime ; que Mme X... a déjà été condamnée pour des faits de même nature à l'encontre de trois autres hommes en utilisant les mêmes manoeuvres pour obtenir la remise d'argent ; que c'est en utilisant une fausse identité ainsi que des manoeuvres frauduleuses que la prévenue a convaincu la partie civile à lui remettre des fonds ; que dès lors par ces motifs, ainsi que ceux du premier juge, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Mme X... coupable du délit visé à la prévention ;

"et aux motifs adoptés qu'il ressort du récit fait par M. Y... qu'un certain nombre d'éléments, que ce dernier ne pouvait connaître, se sont révélés exacts ; qu'ainsi la rencontre sur petite annonce déniée par la prévenue, est établie par la production de l'annonce que la prévenue a reconnu avoir fait paraître sous le nom de Mme A... communiqué au journal « l'Alsace » ; que par ailleurs la prétendue vente d'une maison à Ottmarsheim et l'attente d'un chèque imminent de la part du notaire Muller de Mulhouse n'a pu être inventée puisque le plaignant, dès lors qu'il a eu des doutes sur la sincérité de son interlocutrice, a tenté de vérifier la réalité de la vente en cours auprès de l'étude de ce notaire, démarche certes infructueuse mais néanmoins réelle et établie par l'enquête ; que les nombreux et importants retraits d'espèces effectués par la victime à la période de ses relations avec la prévenue viennent corroborer ses dires ; que les projets d'ouverture d'un cabinet de psychothérapeute exposés par la prévenue pour susciter le soutien financier de son nouvel ami, correspondent étrangement à un scénario déjà utilisé par la prévenue auprès d'autres personnes contactées dans les mêmes conditions et qui ont valu à la prévenue une précédente condamnation ; qu'enfin la connaissance qu'avait M. Y... d'éléments de l'histoire de Mme X... tels ses déboires avec de précédentes rencontres que cette dernière lui a effectivement racontés, montre aussi que la personne rencontrée était bien la prévenue ; que de tels éléments vérifiés donnent du crédit à l'ensemble des déclarations du plaignant lequel n'a aucun intérêt à faire des vérifications auprès d'un cabinet notarial où il s'est fait tout naturellement éconduire pas plus qu'à porter plainte auprès des services de police ; que Mme X... n'est nullement crédible, lorsqu'avec cette habileté propre aux escrocs, elle laisse entendre que le plaignant était dépité de ce que leur relation n'ait pas eu une évolution plus intime, les démarches et les risques attachés à une fausse plainte étant disproportionnés avec un tel mobile, eu égard à l'âge et à la condition du plaignant ; que la propension de la prévenue à utiliser de faux noms, A... pour l'Alsace, Z... ou Fornasier auprès de la personne rencontrée, en raison de la prétendue crainte de son père alors qu'elle est âgée de plus de 50 ans, fait douter de ses déclarations et dénégations ; que, de plus, un antécédent judiciaire commis courant 2006 et 2007, dans lequel sont impliqués trois victimes, personnes de sexe masculin rencontrées par petites annonces avec lesquels elle a sympathisé et qu'elle a incitées à lui remettre des fonds en vue d'ouvrir un cabinet de psychothérapeute, antécédent pour lequel Mme X..., poursuivie pour abus de confiance, a été condamnée le 14 février 2008 montre que cette dernière est parfaitement capable d'une telle machination ; qu'il apparaît donc, tant au vu de ces éléments convergents que de la totale absence de crédibilité de la prévenue, que les faits reprochés à cette dernière, sont établis et justement qualifiés d'escroquerie ;

"alors que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; qu'un simple mensonge ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère de la prévenue ; qu'en se bornant à constater que Mme X... avait fait usage d'une fausse identité et avait prétendu être en mesure dans un futur proche de rembourser les avances faites par la partie civile, allégations qui ne constituaient que de simples mensonges, sans caractériser en quoi l'usage de cette fausse identité et l'affirmation mensongère de sa solvabilité avaient déterminé la partie civile à remettre les fonds à la prévenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroquerie dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 132-48 du code pénal, des articles préliminaire, 498, 505, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la révocation totale de la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve durant trois ans avec exécution provisoire prononcée à l'encontre de Mme X... par jugement définitif rendu le 14 février 2008 par le tribunal correctionnel de Mulhouse pour abus de confiance et a ordonné l'exécution provisoire de cette révocation ;

"aux motifs que, par un rapport daté du 5 mars 2010, le juge de l'application des peines a formulé son avis sur la révocation de la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve durant trois ans avec exécution provisoire prononcée à l'encontre de Mme X... par jugement définitif rendu le 18 février 2008 par le tribunal correctionnel de Mulhouse pour abus de confiance, commis courant février à juillet 2006 ; que, compte tenu des faits, objet de la présente instance, commis durant le temps de la mise à l'épreuve précitée et de la condamnation à un emprisonnement ferme, il convient d'ordonner la révocation totale de la peine de sursis avec mise à l'épreuve précitée et ce avec exécution provisoire, en application des dispositions des articles 132-48 et 132-51 du code pénal ;

"1) alors que la révocation du sursis ne peut être ordonnée pour des infractions commises avant que la condamnation assortie du sursis ait acquis un caractère définitif, c'est-à-dire n'ait plus été susceptible de recours ; qu'en application des articles 498 et 505 du code de procédure pénale dans leur rédaction applicable au jour du prononcé de la décision infligeant une condamnation assortie du sursis, le jugement ne devenait définitif au plus tôt qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de son prononcé ; qu'en relevant d'abord que Mme X... a été condamnée à une peine d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve par un jugement définitif du 18 février 2008 ou du 14 février 2008, pour en déduire la révocation du sursis en raison de la commission des faits visés par la prévention entre le 11 et le 27 mars 2008, c'est-à-dire moins de deux mois après, la cour d'appel, a violé les textes susvisés ;

"2) alors qu'en toute hypothèse, toute personne a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction ; qu'en se prononçant d'office sur la révocation du sursis, sans que cette question ait été tranchée préalablement par le tribunal correctionnel dans le jugement entrepris, la cour d'appel a privé Mme X... du double degré de juridiction sur cette question essentielle au regard de sa liberté individuelle et a, ainsi, violé les textes susvisés" ;

Vu l'article 132-48 du code pénal, ensemble l'article 132-47 du même code ;

Attendu que, selon les articles 132-47 et 132-48 du code pénal, la révocation du sursis avec mise à l'épreuve ne peut être ordonnée pour des infractions commises avant que la condamnation assortie du sursis ait acquis un caractère définitif ;

Attendu qu'après avoir condamné la demanderesse à la peine de quatre mois d'emprisonnement pour escroquerie commise entre le 11 mars et le 27 mars 2008, l'arrêt attaqué ordonne la révocation du sursis avec mise à l'épreuve dont était assortie une précédente condamnation prononcée contradictoirement le 14 février 2008 par le tribunal correctionnel de Mulhouse ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt que le jugement du 14 février 2008, bien que l'exécution provisoire en ait été ordonnée, n'était pas encore définitif au moment où la prévenue a commis la dernière infraction et que celle-ci ne pouvait donc entraîner la révocation du sursis, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine et à la révocation du sursis avec mise à l'épreuve, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 15 mars 2010, mais en ses seules dispositions ayant prononcé sur la peine et sur la révocation du sursis avec mise à l'épreuve, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.