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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 21 janvier 2014, n° 13/00579

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Carriere Lafage (SAS)

Défendeur :

PS KW France (ès qual.) (SARL), Kranwerke Ag Mannheim (ès qual.) (Sté.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bertrand

Conseillers :

Mme Bui-Van, M. Le-Monnyer

T. com Mont de Marsan, du 25 janv. 2013

25 janvier 2013

Vu le contredit déposé par la SAS CARRIERE LAFAGE au Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN, le 6 février 2013 à l'encontre d'un jugement rendu le 25 Janvier 2013 déclarant le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN incompétent au profit d'une juridiction allemande,

Vu la convocation de Maître K. ès qualités de liquidateur de la SARL PS KW France,

Vu les conclusions de la SAS CARRIERE LAFAGE en date du 31 Octobre 2013,

Vu les conclusions de la Société KW KRANWERKE AG en date du 8 Novembre 2013,

Vu la fixation de l'affaire à l'audience du 11 Juin 2013 et son renvoi à l'audience du 12 Novembre 2013.

La SAS CARRIERE LAFAGE, qui exploite une gravière à ciel ouvert sur la commune de PONTONX, a conclu un contrat avec la SARL PS KW FRANCE le 12 Novembre 2007 visant le renouvellement de son matériel d'extraction et de traitement.

A la suite de problèmes techniques, un expert a été désigné et après dépôt du rapport d'expertise, la SAS CARRIERE LAFAGE a fait assigner Me K. ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL PS KW FRANCE et la Société KW KRANWERKE AG aux fins de réparation du préjudice qu'elle dit avoir subi du fait de ces problèmes.

La Société KW KRANWERKE AG, société de droit allemand, a soulevé devant le Tribunal de Commerce son incompétence territoriale au profit de le juridiction allemande de MANNHEIM.

Par jugement rendu le 25 janvier 2013, auquel il est expressément référé pour le rappel des faits et de la procédure, le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN a :

•             Vu la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL PS KW FRANCE en date du 17 novembre 2011,

•             Vu les dispositions du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,

•             Reçu la Société KW KRANWERKE AG, société de droit allemand, en son exception d'incompétence,

•             A déclaré le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN incompétent pour statuer sur le présent litige au profit de la juridiction allemande de MANNHEIM,

•             Renvoyé la SAS CARRIERE LAFAGE à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente,

•             Réservé les dépens et autres demandes des parties,

•             Mis à la charge de la SAS CARRIERE LAFAGE les frais de la présente instance.

La SAS CARRIERE LAFAGE demande à la Cour d'Appel :

-vu le Règlement communautaire CE du 22 Décembre 2000 dit « Bruxelles 1 »,

- vu l'article 3-1 de la Convention de Rome du 19 Juin 1980,

- vu le privilège de juridiction de l'article 14 du Code Civil,

- vu les articles 42 al 2 et 46 al 2 du Code de Procédure Civile,

- de déclarer recevable et bien fondé le contredit régularisé le 4 février 2013 par la SAS CARRIERE LAFAGE,

- de débouter la Société KW KRANWERKE AG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de dire et juger que la juridiction commerciale de droit français (Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN) est seule compétente pour statuer sur le litige.

La SAS CARRIERE LAFAGE soutient que son contredit est recevable en la forme, faisant valoir que le contredit et le courrier d'accompagnement ont été faxés à un avocat de MONT DE MARSAN qui l'a déposé au greffe du Tribunal de Commerce, conformément aux dispositions de l'article 82 du Code de Procédure Civile.

La SAS CARRIERE LAFAGE soutient également qu'elle a dans son contredit rappelé la règle de l'article 14 du Code Civil et qu'elle est donc parfaitement recevable à développer un argumentaire sur le fondement de ce texte.

Sur le fond, la SAS CARRIERE LAFAGE soutient qu'en application de l'article 14 du Code Civil, la SAS CARRIERE LAFAGE peut assigner la Société KW KRANWERKE AG devant une juridiction française au titre du privilège de juridiction.

Selon elle, elle a contracté avec la Société KW KRANWERKE AG par l'intermédiaire de la SARL PS KW FRANCE qui est donc bien partie au contrat du 12 Novembre 2007.

La SAS CARRIERE LAFAGE fait également valoir qu'en application de l'article 5 de la Section 2 du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22/12/2000, le Tribunal compétent en matière contractuelle est celui du lieu d'exécution de l'obligation, et qu'en l'espèce la grue a été livrée à PONTONX, dans les LANDES, et souligne que le contrat validé par la Société KW KRANWERKE AG avait désigné le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN en cas de litige.

La SAS CARRIERE LAFAGE soutient qu'en application de l'article 3-1 de la Convention de Rome du 19 Juin 1980, le contrat est régi par la loi choisie par les parties, et qu'en l'espèce le contrat du 12 Novembre 2007 a stipulé que le contrat était régi par le droit français et a désigné le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN comme seule juridiction compétente.

Enfin la SAS CARRIERE LAFAGE fait valoir qu'en application des articles 42 alinéa 2 et 46 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, transposés dans l'ordre international, un des codéfendeurs possédant en France son domicile, me K., elle pouvait choisir la juridiction du lieu de livraison effective de la chose.

La SAS CARRIERE LAFAGE souligne que lors de la procédure de référé devant le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN, la Société KW KRANWERKE AG n'a pas soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction.

La Société KW KRANWERKE AG demande à la Cour d'Appel :

Vu les articles 75 et suivants du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 122 et suivants du Code de Procédure Civile,

Vu les articles L 622-9 et suivants du Code de Commerce,

Vu le Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile ou commerciale,

•             De déclarer la SAS CARRIERE LAFAGE irrecevable en son contredit,

•             De déclarer irrecevable le moyen tiré des dispositions de l'article 14 du Code Civil,

•             Subsidiairement,

•             De constater que le Tribunal de Commerce de MANNHEIM (Allemagne) est compétent,

•             De rejeter le contredit,

•             En tout état de cause,

•             De condamner la SAS CARRIERE LAFAGE à payer à la Société KW KRANWERKE AG une indemnité de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile,

•             De condamner la SAS CARRIERE LAFAGE aux entiers frais et dépens de la procédure.

La Société KW KRANWERKE AG soutient que le contredit formé par la SAS CARRIERE LAFAGE est irrecevable et n'a pas valablement saisi la Cour et que le moyen tiré de la violation de l'article 14 du Code Civil est irrecevable.

Selon la Société KW KRANWERKE AG, la SAS CARRIERE LAFAGE a formé contredit en transmettant au Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN une lettre et le contredit par la voie de la télécopie le 4 février 2013, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 82 du Code de Procédure Civile.

Pour la Société KW KRANWERKE AG la Cour d'Appel n'est donc pas valablement saisie.

La SAS CARRIERE LAFAGE souligne également que le contredit ne comporte aucun argumentaire tiré du privilège de juridiction de l'article 14 du Code Civil et que de ce fait les conclusions régularisées par la SAS CARRIERE LAFAGE devront être déclarées irrecevables sur ce point.

La Société KW KRANWERKE AG soutient que les principes généraux de compétence déterminés par le Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 attribuent compétence aux tribunaux allemands sans que la SAS CARRIERE LAFAGE puisse invoquer des règles dérogatoires.

Selon la Société KW KRANWERKE AG en application de l'article 2 du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, seule la compétence du tribunal de commerce de MANNHEIM pourra être retenue.

La Société KW KRANWERKE AG fait valoir que l'article 5 §1 du règlement est inapplicable, le litige en cause opposant un sous acquéreur au fabricant rappelant avoir vendu à la SARL PS KW FRANCE une grue giratoire à intégrer dans le ponton flottant, la SARL PS KW FRANCE concevant et livrant l'ensemble de l'unité d'extraction sur ponton flottant.

Selon la Société KW KRANWERKE AG l'article 46 alinéa 2 du Code de procédure civile ne peut recevoir application, les règles de compétence relevant du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, soulignant en outre que sur le plan international l'article 46 alinéa 2 a été transcrit au travers de l'article 5§, et qu'en outre le lieu de livraison est PONTONX, sur le ressort du Tribunal de Commerce de DAX.

Concernant l'article 42 alinéa 2 du cpc, la Société KW KRANWERKE AG soutient qu'il n' y a pas pluralité de défendeurs la lj de la SARL PS KW FRANCE ayant été clôturée le 17 Novembre 2011, soit antérieurement à l'acte introductif d'instance, de sorte que la personnalité juridique de la SARL PS KW FRANCE n'existait plus, et fait valoir qu'aucun des défendeurs n'a son domicile sur le ressort du Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN.

La Société KW KRANWERKE AG souligne en outre que la procédure a été introduite à l'encontre de Me K. en violation des règles d'ordre public de l'article L 622-21 du Code de Commerce interrompant les poursuites envers le débiteur.

La Société KW KRANWERKE AG soutient que la clause attributive de compétence lui est inopposable d'une part en raison des règles existant en matière de procédures collectives autorisant uniquement SAS CARRIERE LAFAGE à déclarer sa créance, et d'autre part car la Société KW KRANWERKE AG n'est pas signataire du contrat.

La Société KW KRANWERKE AG fait valoir que ses relations avec la SARL PS KW FRANCE étaient de trois ordres, soit la SARL PS KW FRANCE agissait en qualité d'agent commercial de la Société KW KRANWERKE AG dans le cadre d'un contrat de représentation, soit la SARL PS KW FRANCE sous traitait des marchés à la Société KW KRANWERKE AG, comme dans le marché LAFAGE, soit la SARL PS KW FRANCE vendait à la Société KW KRANWERKE AG des prestations de service.

Selon la Société KW KRANWERKE AG dans le marché LAFAGE, la SARL PS KW FRANCE est intervenue comme partie principale sous traitant une partie du marché.

Concernant la procédure devant le Juge des Référés, la Société KW KRANWERKE AG fait valoir qu'elle a expressément réservé ses droits et que l'article 31 du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 réserve la compétence du Juge des Référés français pour des mesures provisoires telles que les expertises, compétence distincte de celle de la juridiction qui statuera au fond.

La Société KW KRANWERKE AG fait valoir que la Convention de Rome est inapplicable, ce texte concernant la loi qui régit le contrat et non la juridiction compétente.

Enfin la Société KW KRANWERKE AG souligne que le Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 exclut les dispositions de l'article 14 du Code Civil.

Me K. n'a pas constitué.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile, la Cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, aux dernières de leurs écritures ci-dessus visées.

MOTIFS

Sur la recevabilité du contredit formé par la SAS CARRIERE LAFAGE

L'article 82 du Code de Procédure Civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité le contredit doit être motivé et remis au secrétariat greffe de la juridiction qui en rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci.

En l'espèce le contredit formé par la SAS CARRIERE LAFAGE est motivé et a été adressé par télécopie à un avocat de MONT DE MARSAN le 4 Février 2013 et a été remis au greffe du Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN le 6 Février 2013, (attestation de Maître N. L., avocate à MONT DE MARSAN).

D'ailleurs le tampon figurant sur le contredit mentionne « reçu le 6 Février 2013 ' Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN', la télécopie étant elle, du 4 Février 2013.

Le jugement du Tribunal de Commerce ayant été rendu le 25 janvier 2013, le contredit de la SAS CARRIERE LAFAGE a été formé dans les délais et dans les formes prescrites.

Le contredit de la SAS CARRIERE LAFAGE est parfaitement recevable en la forme.

Sur l'argument fondé sur l'article 14 du Code Civil

L'article 85 du Code de Procédure Civile dispose que les parties peuvent à l'appui de leur argumentation déposer toutes observations écrites qu'elles estiment utiles. Ces observations, visées par le juge sont versées au dossier.

Il est régulièrement admis qu'il résulte des dispositions des articles 82 et 85 du Code de Procédure Civile, que les parties peuvent seulement présenter à l'appui de leur argumentation des observations écrites sur la motivation présentée dans le contredit.

En l'espèce, le contredit vise expressément les fondements juridiques suivants :

•             Le Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, et précisément les articles 5§ et 23,

•             La convention de Rome du 19 Juin 1980,

•             La clause attributive de compétence stipulée au contrat du 12 Novembre 2007,

•             L'absence d'exception d'incompétence soulevée lors de la procédure de référé,

•             La transposition dans l'ordre international de l'article 42 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,

•             L'article 46 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Par contre le contredit ne vise pas expressément l'article 14 du Code Civil qui institue un privilège de juridiction permettant à une partie française de soumettre le litige l'opposant à une partie étrangère, à une juridiction française, se contentant de citer une jurisprudence de la Cour de Cassation selon laquelle l'extranéité n'est pas une cause d'incompétence des juridictions françaises ( page 4).

L'argument de la SAS CARRIERE LAFAGE fondé sur l'article 14 du Code Civil sera donc rejeté.

Sur l'exception d'incompétence soulevée par la Société KW KRANWERKE AG, société de droit allemand.

Les arguments de la Société KW KRANWERKE AG concernant l'interruption des poursuites en vertu des dispositions de l'article L 622-21 du Code de Commerce ont trait à la recevabilité de l'action mais non à la compétence de la juridiction saisie.

Les règles de compétence territoriale des juridictions amenées à connaître d'un litige opposant des parties ressortissantes de deux Etats membres différents de la Communauté européenne sont fixées par le Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.

Il est constant que la Convention de Rome du 19 Juin 1980 concerne la loi qui régit le contrat et donc la loi applicable au litige et non la désignation de la juridiction compétente. Elle n'est donc pas applicable à la question soumise à la Cour.

Le fait que le contrat soit régi par la loi française ne rend pas ipso facto compétents les tribunaux français.

L'article 1 du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 dispose que :

« 1. Le présent règlement s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives.

2. Sont exclus de son application :

a) l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions ;

b) les faillites, concordats et autres procédures analogues,

c) la sécurité sociale,

d) l'arbitrage,

3. Dans le présent règlement, on entend par "État membre" tous les États membres à l'exception du Danemark.'

Du fait de la primauté des Conventions internationales sur les législations nationales, seul le Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, est applicable quant à la détermination de la juridiction compétente pour trancher le litige opposant la SAS CARRIERE LAFAGE, Société de droit français à la Société KW KRANWERKE AG, Société de droit allemand.

C'est donc au regard des dispositions du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 que doit s'apprécier la compétence territoriale du Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN, contestée par la Société KW KRANWERKE AG.

L'article 2 du Règlement prévoit la compétence de la juridiction de l'état Membre sur lequel est domicilié le défendeur :

'1. Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

2. Les personnes qui ne possèdent pas la nationalité de l'État membre dans lequel elles sont domiciliées y sont soumises aux règles de compétence applicables aux nationaux.'

L'article 3 du Règlement a trait aux dérogations à cette règle et exclut expressément l'application des règles de compétence nationale, l'annexe I visant notamment les articles 14 et 15 du Code Civil.

«

1. Les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d'un autre État membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.

2. Ne peuvent être invoquées contre elles notamment les règles de compétence nationales figurant à l'annexe I.'

L'article 5 du règlement prévoit la possibilité d'attraire une personne domiciliée dans un Etat membre devant la juridiction d'un autre Etat membre :

« Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :

1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

. pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ;

. pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas ;

2) en matière d'obligation alimentaire, devant le tribunal du lieu où le créancier d'aliments a son domicile ou sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une demande accessoire à une action relative à l'état des personnes, devant le tribunal compétent selon la loi du for pour en connaître, sauf si cette compétence est uniquement fondée sur la nationalité d'une des parties ;

3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ;

4) s'il s'agit d'une action en réparation de dommage ou d'une action en restitution fondées sur une infraction, devant le tribunal saisi de l'action publique, dans la mesure où, selon sa loi, ce tribunal peut connaître de l'action civile ;

5) s'il s'agit d'une contestation relative à l'exploitation d'une succursale, d'une agence ou de tout autre établissement, devant le tribunal du lieu de leur situation ;

6) en sa qualité de fondateur, de trustee ou de bénéficiaire d'un trust constitué soit en application de la loi, soit par écrit ou par une convention verbale, confirmée par écrit, devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le trust a son domicile ;

7) s'il s'agit d'une contestation relative au paiement de la rémunération réclamé en raison de l'assistance ou du sauvetage dont a bénéficié une cargaison ou un fret, devant le tribunal dans le ressort duquel cette cargaison ou le fret s'y rapportant :

a) a été saisi pour garantir ce paiement, ou

b) aurait pu être saisi à cet effet, mais une caution ou une autre sûreté a été donnée ;

cette disposition ne s'applique que s'il est prétendu que le défendeur a un droit sur la cargaison ou sur le fret ou qu'il avait un tel droit au moment de cette assistance ou de ce sauvetage.'

Cet article dans ses points 1 et 3 correspond à la transcription au plan international des dispositions de l'article 46 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

L'article 6 du règlement concerne le cas où il existe plusieurs défendeurs :

« Cette même personne peut aussi être attraite :

1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ;

2) s'il s'agit d'une demande en garantie ou d'une demande en intervention, devant le tribunal saisi de la demande originaire, à moins qu'elle n'ait été formée que pour traduire hors de son tribunal celui qui a été appelé ;

3) s'il s'agit d'une demande reconventionnelle qui dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire, devant le tribunal saisi de celle-ci ;

4) en matière contractuelle, si l'action peut être jointe à une action en matière de droits réels immobiliers dirigée contre le même défendeur, devant le tribunal de l'État membre sur le territoire duquel l'immeuble est situé.'

L'article 23 du Règlement est relatif à la clause attributive de compétences :

« Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue :

par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou,

sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou,

dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.

Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite.

Lorsqu'une telle convention est conclue par des parties dont aucune n'a son domicile sur le territoire d'un État membre, les tribunaux des autres États membres ne peuvent connaître du différend tant que le tribunal ou les tribunaux désignés n'ont pas décliné leur compétence.

Le tribunal ou les tribunaux d'un État membre auxquels l'acte constitutif d'un trust attribue compétence sont exclusivement compétents pour connaître d'une action contre un fondateur, un trustee ou un bénéficiaire d'un trust, s'il s'agit des relations entre ces personnes ou de leurs droits ou obligations dans le cadre du trust.

Les conventions attributives de juridiction ainsi que les stipulations similaires d'actes constitutifs de trust sont sans effet si elles sont contraires aux dispositions des articles 13, 17 et 21 ou si les tribunaux à la compétence desquels elles dérogent sont exclusivement compétents. ».

•             Sur la clause attributive de compétence

En vertu de l'article 23 du Règlement les parties peuvent déroger aux règles légales de compétence en vertu de clauses attributives de compétence et cette compétence est exclusive

Il convient donc d'examiner si la clause attributive de compétence stipulée au contrat du 12 Novembre 2007 est opposable à la Société KW KRANWERKE AG est applicable au litige l'opposant la SAS CARRIERE LAFAGE.

Le contrat du 12 Novembre 2007 signé entre la SAS CARRIERE LAFAGE et la SARL PS KW FRANCE stipule dans son article 16 que la juridiction compétente pour statuer sur tout litige pouvant survenir à l'occasion de l'exécution ou de l'interprétation du contrat est le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN.

Il résulte du contrat que la SAS CARRIERE LAFAGE est l'acheteur et la SARL PS KW FRANCE le vendeur.

L'article 3-9 stipule que « le vendeur est autorisé à sous-traiter avec l'accord de l'acheteur une partie de sa prestation dont il garde l'entière responsabilité tant pour ce qui concerne les délais que pour ce qui concerne la qualité de la prestation. Le vendeur assume seul les conséquences de l'éventuelle défaillance de quelque nature que ce soit du ou des sous-traitants ».

Le contrat s'il fait allusion à KW, ou aux sous-traitants pour la prise en charge du personnel, le contrôle de qualité, la formation du personnel de l'acheteur, la Société KW KRANWERKE AG n'est ni partie ni signataire.

Quatre annexes sont jointes au contrat :

•             Annexe 1 : spécifications techniques et prix,

•             Annexe 2 : définition, garantie et contrôle des performances ' réception,

•             Annexe 3 : Autorisations et contraintes réglementaires,

•             Annexe 4 : caractéristiques du gisement.

Manifestement les pièces 2, 3, 4, 5 et 6, de la SAS CARRIERE LAFAGE, intitulés annexes 1, 2, 3, 4 et 5 ne sont pas les annexes du contrat communiqué par elle avec les annexes en pièce 1.

En pièce 4 la SAS CARRIERE LAFAGE produit un document intitulé Contrat de Représentation Commerciale sur lequel est mentionné Annexe 3, qui manifestement ne correspond pas à l'annexe 3 du contrat.

Par ailleurs le document produit est une traduction Allemand ' Français, sans que la SAS CARRIERE LAFAGE ait cru devoir produire le contrat en allemand.

Enfin, ce contrat n'étant pas annexé au contrat liant la SAS CARRIERE LAFAGE à la SARL PS KW FRANCE, les relations existant entre la SARL PS KW FRANCE et la Société KW KRANWERKE AG dans le cadre d'un contrat de représentation, et non contestées par la Société KW KRANWERKE AG, n'ont pas pour conséquence de rendre le contrat du 12 Novembre 2007 opposable à la Société KW KRANWERKE AG.

La Société KW KRANWERKE AG n'est pas partie au contrat conclu entre la SAS CARRIERE LAFAGE, en qualité d'acheteur et la SARL PS KW FRANCE, en qualité de vendeur, elle ne l'a pas signé et au regard des clauses du contrat, seule la SARL PS KW FRANCE est responsable de l'exécution du contrat envers la SAS CARRIERE LAFAGE.

La clause attributive de compétence n'est donc pas opposable à la Société KW KRANWERKE AG et n'est donc pas applicable en l'espèce.

•             Sur l'article 5§1 du Règlement

Cet article dispose « qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ».

La Cour de Justice des Communautés Européennes dans un arrêt du 17 Juin 1992, suite à une demande d'avis de la Cour de Cassation, a jugé que « la notion de matière contractuelle au sens de l'article 5, point 1, de la convention ne saurait être comprise comme visant une situation dans laquelle il n'existe aucun engagement librement assumé d'une partie envers l'autre ».

La Cour de Justice a expressément exclu l'action du sous acquéreur envers le fabricant des cas d'application de l'article 5 §1, soulignant l'absence de lien contractuel entre le sous acquéreur et le fabricant.

En l'espèce, la Société KW KRANWERKE AG n'est pas le vendeur, il est le fabricant et n'est lié à la SAS CARRIERE LAFAGE par aucun contrat.

L'article 5§1 du Règlement est donc inapplicable.

•             Sur l'article 46 alinéa 2 du Code de Procédure Civile

Curieusement après avoir souligné la primauté des conventions internationales, la SAS CARRIERE LAFAGE soutient que l'article 46 alinéa 1 serait applicable.

Il est rappelé que seul le Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 est applicable en l'espèce, et l'article 5§1 transcription de l'article 46 alinéa 2 au plan international a été jugé inapplicable au présent litige, en l'absence de lien contractuel entre la SAS CARRIERE LAFAGE et la Société KW KRANWERKE AG.

•             Sur l'article 42 alinéa 2 du Code de Procédure Civile,

La Cour formule la même remarque que précédemment.

L'article 6 du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 permet d'attraire une personne dans un autre tribunal que celui de son domicile s'il y a plusieurs défendeurs, auquel cas, le demandeur peut l'attraire devant le tribunal du domicile de l'un d'eux, « à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ».

En l'espèce la SAS CARRIERE LAFAGE, par acte d'huissier du 30 Novembre 2011, a fait assigner devant le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN Maître K. en sa qualité de liquidateur de la SARL PS KW FRANCE, et la Société KW KRANWERKE AG.

Cependant par jugement rendu le 17 Novembre 2011 le Tribunal de Grande Instance de SARREGUEMINES a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif (pièces 19 et 20 de la Société KW KRANWERKE AG).

Le jugement de clôture de la liquidation judiciaire a mis fin aux fonctions de Maître K. qui ne pouvait donc pas être valablement assigné ès qualités en tant que défendeur.

La SAS CARRIERE LAFAGE n'ayant pas régularisé la procédure envers la SARL PS KW FRANCE, elle ne peut soutenir valablement qu'il existerait plusieurs défendeurs.

L'article 6 du Règlement ne peut donc recevoir application.

En outre, la Cour souligne que si la SAS CARRIERE LAFAGE sollicite l'application des articles 5§1 du Règlement, et des articles 42 alinéa 1 et 46 alinéa 2, c'est qu'elle renonce à l'application de la clause attributive de compétence, or, la livraison a eu lieu à PONTONX, qui n'est pas situé dans le ressort du Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN, la SARL PS KW FRANCE a son siège social à SARREGUEMINES, et la Société KW KRANWERKE AG est une société de droit allemand,

•             Sur la procédure de référé

L'article 31 du Règlement dispose que « Les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un État membre peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet État, même si, en vertu du présent règlement, une juridiction d'un autre État membre est compétente pour connaître du fond ».

Le seul fait que le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN soit intervenu pour ordonner une expertise n'emporte pas compétence du Tribunal de Commerce pour statuer sur le fond du litige.

En application de l'article 2 du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, la juridiction compétente est celle du domicile de la Société KW KRANWERKE AG.

Le jugement du Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN en date du 25 Janvier 2013 sera confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent et a renvoyé la SAS CARRIERE LAFAGE à mieux se pourvoir.

Par contre en application de l'article 96 du Code de Procédure Civile, il n'appartenait pas au Tribunal de Commerce de désigner la juridiction de MANNHEIM.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile

Il y a lieu de statuer sur le sort des dépens.

En application de l'article 88 du Code de Procédure Civile, la SAS CARRIERE LAFAGE sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande que la SAS CARRIERE LAFAGE soit condamnée à verser à la Société KW KRANWERKE AG la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire en dernier ressort

DECLARE le contredit formé par la SAS CARRIERE LAFAGE recevable,

REJETTE l'argument de la SAS CARRIERE LAFAGE fondé sur l'article 14 du Code Civil,

DEBOUTE la SAS CARRIERE LAFAGE de son contredit,

CONFIRME le jugement rendu le 25 janvier 2013 par le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN en ce qu'il a :

- Reçu la Société KW KRANWERKE AG, société de droit allemand, en son exception d'incompétence,

- Déclaré le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN incompétent pour statuer sur le présent litige,

- Renvoyé la SAS CARRIERE LAFAGE à mieux se pourvoir devant la juridiction compétente,

INFIRME pour le surplus,

Y ajoutant

CONDAMNE la SAS CARRIERE LAFAGE à verser à la Société KW KRANWERKE AG la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS CARRIERE LAFAGE aux entiers dépens de première instance et d'appel.