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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 6 mai 2021, n° 18/02406

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Magot – Cavard (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lavergne-Contal

Conseillers :

Mme Leques, Mme Louwerse

Avocat :

SCP Cabinet Maleville

TGI Périgueux, du 27 mars 2018, n° 17/00…

27 mars 2018

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 27 juin 2010, Mme Virginie R. a acquis de M. Frédéric E. un véhicule d'occasion de marque Toyota modèle Corolla Verso immatriculé AE-104-ML mis en circulation le 3 novembre 2005 pour un prix de 9.750 euros.

Après avoir constaté des problèmes mécaniques sur le véhicule, Mme R. a sollicité une mesure d'expertise judiciaire qui lui a été accordée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Libourne suivant ordonnance en date du 21 octobre 2010. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 30 décembre 2011.

Le véhicule, déposé dans les locaux de la concession Toyota appartenant à la SAS Magot-Cavard situés sur la commune de Boulazac (24) par Mme R., est demeuré sur place.

Mme R. a assigné M. E. au vu du rapport d'expertise devant le tribunal de grande instance de Libourne sur le fondement de la garantie des vices cachés, lequel a appelé en la cause la SAS Toyota France et la SARL BRD Autos en leur qualités respectives de fabricant et de vendeur du véhicule litigieux.

Par jugement en date du 10 avril 2014, le tribunal de grande instance de Libourne a :

- dit et jugé que le véhicule acquis par Madame R. était affecté d'un vice caché antérieur à la vente

- prononcé la nullité de la vente du véhicule d'occasion de marque Toyota Corolla Verso n° de série NMT EA 16R70R006257 immatriculé AE-104-ML conclue entre Mme R. et M. E. le 27 juin 2010

- ordonné à Mme R. de restituer à M. E. le véhicule en cause

- ordonné à M. E. de restituer à Mme R. la somme de 9750 euros

- ordonné à M. E. de restituer à Mme R. la somme de 1829,89 euros correspondant aux frais directs liés à la vente du bien

- condamné la SAS Toyoya et la Société BRD AUTOMOBILES à garantir

M. E. de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre

' condamné la SAS TOYOTA et la société BRD Automobiles à payer à Mme R. la somme de 12 180.89 euros au titre de son préjudice

- débouté Mme R. de sa demande de préjudice de jouissance

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires

- prononcé l'exécution du présent jugement

- condamné solidairement la SAS Toyota et la société BRD Automobiles à payer à Madame R. la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles

- condamné solidairement la SAS Toyota et la société BRD Automobiles à payer à M. E. la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles

' condamné solidairement la SAS Toyota et la société BRD Automobiles aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par arrêt en date du 21 avril 2016, la cour d'appel de Bordeaux a, infirmant partiellement le jugement du 10 avril 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Libourne :

- condamné in solidum M. E., la société Toyota et la société BRD Autos à restituer à Mme R. la somme de 9.750 euros ;

- condamné in solidum la société Toyota France et la société BRD Autos à relever indemne M. E. de cette condamnation ;

- condamné la société Toyota France à relever indemne la société BRD Autos de cette condamnation ;

- débouté Mme R. de sa demande de dommages et intérêts ;

- confirmé le jugement du 10 avril 2014 en ses autres dispositions ;

- donné acte à Mme R. de ce que M. E. pouvait récupérer le véhicule à la concession Toyota de Boulazac (24), rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel.

Par acte en date du 31 mai 2017, la SAS Magot-Cavard a assigné Mme R. devant le tribunal de grande instance de Périgueux en paiement des frais de gardiennage et afin d'obtenir l'enlèvement du véhicule sous astreinte.

Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de grande instance de Périgueux a :

- condamné Mme R. à régler à la SAS Magot-Cavard la somme de 22.486,90 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule de marque Toyota modèle Corolla verso immatriculé AE-104-ML augmentée des intérêts légaux à compter du présent jugement ;

- ordonné à Mme R. de récupérer le véhicule de marque Toyota modèle Corolla verso immatriculé AE-104-M dans les locaux de la SAS Magot-Cavard ;

- assorti cette condamnation d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour calendaire de retard pendant un délai de trois mois à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification du présent jugement si Mme R. n'y satisfait pas spontanément ;

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;

- condamné Mme R. à payer à la SAS Magot-Cavard la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme R. à supporter la charge des dépens de la présente instance ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.

Mme R. a interjeté appel du jugement le 26 avril 2018.

Dans ses conclusions notifiées le 5 février 2021, Mme R. demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- juger que la société Magot-Cavard n'a conclu aucun contrat d'entreprise avec elle et qu'en conséquence le dépôt a été effectué à titre gratuit ;

En conséquence,

- débouter la SAS Magot-Cavard de sa demande en paiement des frais de gardiennage ;

Subsidiairement :

- limiter le montant des frais de gardiennage une somme qui ne saurait être supérieur à 4 337,25 € TTC ;

En tout état de cause,

- condamner M. E. à la relever et la garantir de toutes condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- débouter la SAS Magot-Cavard de sa demande de récupération du véhicule sous astreinte ;

- débouter la SAS Magot-Cavard de ses demandes plus amples ou contraires ;

- condamner la SAS Magot-Cavard à lui payer la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SAS Magot-Cavard aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir que :

- sur l'absence de contrat de dépôt : dès lors que la vente a été annulée, les parties sont remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat, Mme R. étant donc considérée comme n'ayant jamais été propriétaire du véhicule, elle n'a pas pu laisser un objet dont elle n'était pas propriétaire en dépôt ; en outre, le dépôt est un contrat essentiellement gratuit, et la société Magot n'a jamais envisagé avec Mme R. la question du gardiennage du véhicule et la question financière n'a donc pas pu être évoquée; le devis fait par la société Magot n'a pas été ni accepté ni signé par elle ;

- sur la condamnation de M. E. au paiement des frais de gardiennage ou à la garantie de Mme R. : le véhicule est resté immobilisé pour les besoins de l'expertise ;

- sur le prix demandé par la société Magot-Cavard : elle a établi des factures et fixé un prix pour les frais de gardiennage de manière unilatérale, aucun accord sur le prix n'est jamais intervenu, la question n'ayant jamais été évoquée ; les sommes demandées par la société Magot sont deux fois supérieures au montant du litige opposant Mme R. et M. E. ;

- sur la demande de récupération du véhicule : ce dernier n'est pas en état de rouler, la récupération du véhicule engendrant des frais importants pour Mme R., et le garage s'est opposé à la récupération du véhicule le jour où elle a souhaité le faire.

Dans ses conclusions notifiées le 10 février 2021, la SAS Magot-Cavard demande à la cour de :

A titre principal :

- dire et juger recevable mais mal fondé l'appel de Mme R. ;

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner Mme R. à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter toute demande à son encontre ;

-condamner Mme R. aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, si la Cour jugeait l'appel de Mme R. bien-fondé :

- condamner M. E. à lui régler la somme de 22.486,90 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule de marque Toyota modèle Corolla Verso immatriculé AE ' 104 ' ML augmentée des intérêts légaux a' compter du jugement rendu ;

- condamner M. E. à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner M. E. aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir que :

- sur le contrat de dépôt : l'annulation de la vente n'a pour conséquence que de faire perdre à Mme R. sa qualité de propriétaire mais pas celle de déposante ni de faire disparaître son obligation de restitution du véhicule à M. E. ; en outre, Mme R. a déposé son véhicule chez Toyota afin qu'il soit réparé, elle s'est donc engagée contractuellement avec la société Magot dans le cadre du contrat de dépôt ;

- sur le caractère onéreux du contrat de dépôt : il appartient à Mme R. de prouver que le dépôt aurait été à titre gratuit ;

- sur le montant des frais de gardiennage : Mme R. avait été informée du prix puisqu'ils figurent dans les locaux de la société Magot ; le montant des frais de gardiennage n'a augmenté que de 1 euros seulement ; il n'a jamais été opposé à Mme R. de refus pour récupérer son véhicule.

Dans ses conclusions notifiées le 19 février 2021, M. E. demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- condamner Mme R., ou, à défaut, la société Magot-Cavard à lui payer une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- la condamner, ou à défaut la société Magot-Cavard aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Sur l'existence d'un contrat de dépôt.

Mme R. conteste l'existence d'un tel contrat au motif que la vente du véhicule ayant été annulée par le jugement du tribunal de grande instance de Périgueux en date du 10 avril 2014, la cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt en date du 21 avril 2016 ayant confirmé le jugement sur ce point, elle n'est plus propriétaire du véhicule, or, les articles 1922 du code civil et suivants relatifs au dépôt disposent que le dépôt ne peut être fait que par le propriétaire de la chose ou avec son consentement. Elle conteste l'analyse du tribunal qui a considéré que le dépôt auprès d'un garagiste était présumé fait à titre onéreux, soutenant qu'en l'absence d'un contrat d'entreprise dont il serait l'accessoire, le dépôt n'a pas été fait à titre onéreux. Elle souligne qu'aucun accord sur le prix n'a été formalisé, aucun devis n'ayant été accepté ni signé auprès de la SAS Magot-Cavard, soutenant que le dépôt a été effectué à titre gracieux.

La SAS Magot-Cavard fait valoir pour sa part que le contrat de dépôt existe, Mme R. ayant la qualité de propriétaire au moment du dépôt et n'ayant pas perdu sa qualité de déposante du fait de l'annulation de la vente. Elle affirme qu'il appartient à Mme R. d'écarter la présomption de caractère onéreux du dépôt, contestant le fait que le véhicule ait été déposé pour les besoins de l'expertise judiciaire, le véhicule ayant été déposé en juillet 2010 dans le cadre d'un contrat d'entreprise bien avant l'expertise, et Mme R. ayant elle-même demandé l'établissement de factures.

M. E. conclut à la confirmation du jugement, faisant valoir que Mme R. était bien la propriétaire du véhicule au jour de son dépôt ayant d'ailleurs demandé que les factures de gardiennage soient établies à son nom. Il ne conteste pas qu'il n'existe en l'espèce pas de contrat d'entreprise mais soutient que les demandes de Mme R. devant le tribunal de grande instance de Libourne puis devant la cour d'appel tendant au remboursement des frais de gardiennage du véhicule démontrent que le dépôt convenu était bien un dépôt salarié.

Il est en constant que par jugement en date du 10 avril 2014 confirmé sur ce point par l'arrêt de la cour d'appel en date du 21 avril 2016, a été prononcée la nullité de la vente du véhicule Toyota Corolla Verso acquis par Mme R. auprès de M. E., en raison des vices cachés affectant celui-ci, Mme R. ayant été condamnée à restituer le véhicule à M. E., restitution aujourd'hui effectuée par Mme R..

Mme R. avait procédé au dépôt du véhicule dans les locaux de la SAS Magot-Cavard suite à la panne de celui-ci. L'annulation de la vente dont les effets sont rétroactifs n'a pas d'incidence sur la qualité de déposante de Mme R. qui ne saurait être transférée à M. E., le contrat de dépôt étant ainsi établi.

L'article 1917 du code civil dispose que 'Le dépôt proprement dit est un contrat essentiellement gratuit'.

Il est cependant admis que lorsque le contrat de dépôt est l'accessoire d'un contrat d'entreprise, il existe une présomption d’onérosité qu'il appartient éventuellement au déposant d'écarter en établissant la gratuité du dépôt. L'existence du contrat d'entreprise doit donc être démontrée pour que soit retenu le caractère de dépôt salarié du contrat.

A cet égard, la SAS Magot-Cavard qui invoque l'existence d'un contrat d'entreprise fait valoir que Mme R. a laissé le véhicule en dépôt suite à la défaillance du joint de culasse et a sollicité l'établissement d'un devis de réparation qu'elle a établi pour un montant de 3700 euros. Elle affirme que le véhicule a été déposé en juillet 2010 contestant que le dépôt ait été effectué dans le cadre des opérations d'expertise qui ne sont déroulées qu'en 2011.

S'il ressort de l'ordonnance de référé en date du 21 octobre 2010 que Mme R. a déclaré avoir conduit le véhicule à la concession Toyota qui a préconisé le remplacement du joint de culasse pour 3700 euros, la SAS Magot-Cavard ne produit pas le devis qu'elle affirme avoir établi. Par ailleurs, s'agissant de la date du dépôt, celle-ci n'est pas connue avec précision les factures établies par la SAS Magot-Cavard faisant d'un gardiennage à compter du 11 février 2011, l'ordonnance de référé en date du 21 octobre 2010 indiquant que le véhicule se trouvait en dépôt à la concession Toyota à cette date. Pour autant, l'établissement d'un devis qui n'a pas été accepté par Mme R. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat d'entreprise conclu entre Mme R. et la SAS Magot-Cavard. Il apparaît au contraire que Mme R. a très rapidement après le dépôt du véhicule sollicité une expertise judiciaire sans entreprendre aucune réparation sur le véhicule.

En outre, il convient de relever que si la SAS Magot-Cavard produit des factures de frais de gardiennage établies au nom de Mme R., celle-ci conteste les avoir reçues. Aucune mise en demeure n'a été adressée à Mme R. pour en obtenir le paiement, le fait que Mme R. ait sollicité devant le tribunal de grande instance de Libourne le remboursement de frais de gardiennage à hauteur de 3922 euros, somme ensuite portée à 20.421,16 euros devant la cour d'appel, demande rejetée sur le fondement de l'article 1645 du code civil, ne saurait être considéré comme une reconnaissance du caractère onéreux du contrat sur lequel aucun débat n'a eu lieu dans le cadre de cette première instance.

Enfin, il sera relevé que le coût du gardiennage du véhicule qui semble avoir été vérifié par l'expert judiciaire mais dont le rapport n'est pas versé aux débats, n'est justifié par aucun élément, notamment la preuve n'est pas rapportée par la SAS Magot-Cavard que celui-ci serait affiché dans ses locaux ainsi qu'elle l'affirme.

Dans ces conditions, la preuve du contrat d'entreprise n'est pas rapportée. A défaut d'un tel contrat d'entreprise, la présomption d'onérosité du contrat de dépôt doit être écartée.

La preuve du caractère onéreux du contrat de dépôt n'étant pas rapportée, la demande en paiement de la SAS Magot-Cavard n'est pas fondée et doit être rejetée.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande formée à titre subsidiaire à l'encontre de M. E..

La SAS Magot-Cavard sollicite à titre subsidiaire la condamnation de M. E. au paiement des frais de gardiennage. Cependant, elle ne fonde pas juridiquement sa demande sur laquelle ses écritures ne contiennent aucun développement.

M. E. n'étant en tout état de cause pas le déposant du véhicule, la demande à son encontre est mal fondée et doit être rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de M. E., la condamnation prononcée en première instance sur ce fondement étant infirmée.

Par ces motifs,

contradictoire

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS Magot-Cavard de sa demande en paiement des frais de gardiennage du véhicule Toyota Corola Verso immatriculé AE-104-ML formée tant à l'encontre de Mme Virginie R. qu'à l'encontre de M. Frédéric E.,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Magot-Cavard à payer à M. Frédéric E. une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Magot-Cavard aux dépens de première instance et d'appel.