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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. A, 28 février 2013, n° 12/02902

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CFC Transports (SARL)

Défendeur :

Autohaus Nolscher (Sté.), Procar Automobile AG (Sté.), Auto Prestige (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vouaux-Massel

Conseillers :

M. Bresson, Mme Gregori

Montpelier, du 2 avr. 2012, n° 10/07026

2 avril 2012

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte d'huissier en date du 15 décembre 2010, la SARL CFC TRANSPORTS a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER les sociétés de droit allemand AUTOHAUS NÖLSCHER Gmbh et PROCAR AUTOMOBILE A.G., ainsi que l'EURL C. Auto Prestige, afin de voir prononcer la résolution judiciaire du contrat d'achat d'un véhicule automobile Audi Q5 conclu avec les requises, de condamner la société AUTOHAUS NÖLSCHER à lui restituer la somme de 15.000 € assortie des intérêts au taux légal, de condamner la société PROCAR AUTOMOBILE A.G. à lui restituer la somme de 24.500 € assortie des intérêts au taux légal, de condamner la société AUTOHAUS NÖLSHER et la société PROCAR AUTOMOBILE A.G., chacune à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et l'EURL C. Auto Prestige la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts.

A l'appui de ses demandes, la SARL CFC TRANSPORTS exposait qu'elle avait commandé un véhicule de marque Audi série Q5 par l'intermédiaire de l'EURL C. Auto Prestige moyennant une somme de 45.000 € qu'elle a réglée en deux acomptes, l'un d'un montant de 15.000 € sur le compte de la société AUTOHAUS NÖLSCHER et le second d'un montant de 24.500 € sur le compte de la société PROCAR AUTOMOBILE A.G ; que la SARL CFC TRANSPORTS n'a jamais obtenu la livraison de la marchandise ; qu'elle avait déposé plainte le 23 mars 2010 du chef d'escroquerie.

La société AUTOHAUS NÖLSCHER exposait qu'elle n'avait jamais contracté avec la société CFC TRANSPORTS, mais uniquement avec l'EURL C. Auto Prestige qui avait passé commande auprès d'elle du véhicule de marque Audi ; que selon les accords passés avec son acquéreur, l'EURL C. Auto Prestige, un mandataire de cette société, muni d'un pouvoir spécial avait pris livraison du véhicule à son siège en Allemagne le 5 mars 2010.

La société AUTOHAUS NÖLSCHER, ainsi que la société PROCAR AUTOMOBILE A.G. saisissait le Juge de la mise en état de conclusions d'incident en date du 24 mars 2012 aux fins de voir déclarer le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER incompétent au profit des juridictions allemandes.

Suivant ordonnance en date du 2 avril 2012, le Juge de la mise en état :

- disait l'exception d'incompétence soulevée par la société AUTOHAUS NÖLSCHER et la société PROCAR AUTOMOBILE A.G. fondée ;

- se déclarait incompétent ;

- disait que seules les juridictions allemandes sont compétentes pour juger le litige opposant la SAREL CFC TRANSPORTS, d'une part à la société AUTOHAUS NÖLSCHER et à la société PROCAR AUTOMOBILE A.G., d'autre part ;

- renvoyait la SARL CFC TRANSPORTS à mieux se pourvoir ;

- renvoyait la SARL CFC TRANSPORTS et l'EURL C. Auto Prestige à l'audience de mise en état du lundi 21 mai 2012 ;

- condamnait la SARL CFC TRANSPORTS à payer à la société AUTOHAUS NÖLSCHER la somme de 800 N€ et à la société PROCAR AUTOMOBILE A.G. une somme identique sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société CFC TRANSPORTS a régulièrement interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 16 avril 2012.

Dans des écritures notifiées le 12 décembre 2012, auxquelles la Cour renvoie expressément pour un exposé complet de ses moyens, la SARL CFC TRANSPORTS a conclu, à titre principal, à l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence, dès lors qu'en contravention avec l'article 75 du Code de procédure civile, la partie adverse n'a pas précisé dans son dispositif la juridiction devant laquelle elle demandait que l'affaire soit portée. A titre subsidiaire, la société CFC TRANSPORTS conclut au rejet de l'exception d'incompétence, qu'elle estime non fondée en droit. Elle fait valoir que tant au regard de l'article 46 du Code de procédure civile - en vertu duquel elle déclare raisonner par analogie - qu'au regard de l'article 5-1 du Règlement (CE) du Conseil n°44-2001 du 22 décembre 2000, il convenait de considérer, que, dès lors qu'elle se trouvait à l'extrémité de la chaîne contractuelle, le lieu de livraison de la marchandise, tout comme le lieu où l'obligation qui sert de base à la demande, aurait dû être exécutée, était son siège social à FRONTIGNAN (34). Elle demande en conséquence, tant par application de l'article 5-1 du Règlement que de l'article 6 du Règlement, dès lors qu'il y a pluralité de défendeurs, mais aussi un lien étroit des demandes, qu'il soit jugé que le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER soit déclaré compétent, ou à défaut celui de PRIVAS, dans le ressort duquel est situé le siège de l'EURL C. Auto Prestige. La société CFC TRANSPORTS sollicite enfin la condamnation in solidum de l'EURL C. Auto Prestige, de la société AUTOHAUS NÖLSCHER et de la société PROCAR AUTOMOBILE à lui verser une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans des écritures notifiées le 16 janvier 2013, auxquelles la Cour se réfère expressément, la société AUTOHAUS NÖLSCHER conclut à la confirmation de l'ordonnance qui a déclaré le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER au profit des juridictions allemandes, estimant notamment que non seulement l'exception qu'elle a soulevée est recevable au regard des dispositions de l'article 75 du Code de procédure vile, mais aussi qu'elle est bien fondée, dès lors que les conditions de l'article 5 § 1 du Règlement ne sont pas réunies en l'espèce, dans la mesure où elle n'a jamais contracté avec la société CFC TRANSPORTS et où le contrat qu'elle a passé avec l'EURL C. Auto Prestige prévoit une prise de livraison du véhicule à son siège en Allemagne. Elle sollicite la condamnation de la SARL CFC TRANSPORTS à lui verser une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans des écritures notifiées le 14 septembre 2012, auxquelles la Cour se réfère expressément, la société PROCAR AUTOMOBILE conclut à la confirmation de l'ordonnance du Juge de la mise en état. Elle soutient notamment que l'exception d'incompétence est à la fois recevable et bien fondée, tant au regard de la compétence spéciale en matière contractuelle prévu à l'article 5-1 du Règlement qu'au regard de la compétence générale prévue à l'article 2 dudit Règlement. Elle sollicite la condamnation de la société CFC TRANSPORTS à lui verser une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de son avocat.

L'EURL C. Auto Prestige a été placée en liquidation le 23 novembre 2010 et Me Frédéric R. désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Celui-ci régulièrement assigné à personne habilitée le 30 août 2012, n'a pas constitué avocat. Il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'exception

Si dans leurs conclusions initiales d'incident devant le Juge de la mise en état, tant la société AUTOHAUS NÖLSCHER que la société PROCAR AUTOMOBILE n'indiquaient ni la nature, ni la localisation exacte de la juridiction (indications que la société AUTOHAUS NÖLSCHER apportera toutefois dans des conclusions ultérieures en date du 29 décembre 2011), les requérantes satisfaisaient néanmoins aux exigences de l'article 75 du Code de procédure civile en demandant de "se déclarer territorialement incompétent au profit des juridictions allemandes" (cf. conclusions d'incident et au fond signifiées par la société PROCAR AUTOMOBILE A.G. le 23 juin 2011).

Sur le bien fondé de l'exception d'incompétence

C'est à juste titre que le premier juge a rappelé qu'en vertu de l'article 3 § 2 du Règlement (CE) du Conseil n°44-2001 du 22 décembre 2000, ne peuvent être invoquées contre les personnes attraites en Justice domiciliées sur le territoire d'un autre Etat membre les règles nationales figurant à l'annexe I, soit pour la France les dispositions des articles 14 et 15 du Code civil.

Il s'ensuit, par application de l'article 3 §1 du Règlement précité, que les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d'un autre Etat membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du chapitre premier dudit Règlement.

En l'espèce, comme l'a justement relevé le premier juge, les sociétés de droit allemand AUTOHAUS NÖLSCHER et PROCAR AUTOMOBILE, attraites par la société CFC TRANSPORTS devant le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER, doivent se voir appliquer, dès lors qu'elles ont leur siège social et leur établissement en Allemagne, les dispositions de l'article 2 du Règlement précité, aux termes desquelles, sous réserve des dispositions du règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre, soit en l'occurrence devant les juridictions allemandes.

Certes, la société CFC TRANSPORTS a soutenu que cette règle générale devait être écartée en l'espèce par application des dispositions de l'article 5 dudit Règlement selon lesquelles une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre : en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, étant précisée que pour l'application de cette disposition, le lieu d'exécution de l'obligation est pour la vente de marchandise, le lieu d'un Etat membre, où en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.

Toutefois, force est de constater qu'en l'espèce la société CFC TRANSPORT ne peut se prévaloir de la conclusion d'aucun contrat avec l'une quelconque des deux sociétés allemandes. Le seul bon de commande dont la société CFC TRANSPORTS est en mesure de se prévaloir pour l'achat d'un véhicule d'occasion Audi Q5 pour un montant TTC de 45.000 € est celui qu'elle a passé auprès de la société de droit français C. Auto Prestige EURL dont le siège est à FLAVIAC (07), laquelle société a contresigné ledit bon de commande. Du reste, ce bon de commande ne prévoit pas un lieu de livraison précis.

En tout cas, il résulte des documents produits (pièces 1 à 8) par les sociétés allemandes et notamment par la société AUTOHAUS NÖTSCHER Gmbh que la vente d'un véhicule Audi Q5 qu'elles ont consentie à la seule société C. Auto Prestige EURL prévoyait une livraison au siège de la société AUTOHAUS NÖTSCHER à Lohr/Rothenburg (Allemagne) et que cette livraison a bien eu lieu audit siège entre les mains d'un mandataire habilité à retirer le véhicule par un pouvoir spécial signé le 5 mars 2010 par l'EURL C. Auto Prestige .

Dans ces conditions, même si la règle générale posée par l'article 2 du Règlement devait être écartée au profit de celle précitée visée à l'article 5 du Règlement, en dépit de ce que la société CFC TRANSPORTS n'a pas contracté directement avec les sociétés allemandes, seules les juridictions allemandes seraient néanmoins compétentes en raison du lieu d'exécution de l'obligation.

La société CFC TRANSPORTS qui a attrait l'ensemble des défendeurs devant le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER ne peut encore soutenir que cette juridiction devrait conserver sa compétence par application de l'article 6 du Règlement, alors qu'il est constant qu'aucun des défendeurs n'a son domicile dans son ressort (la société en liquidation judiciaire C. Auto Prestige et son liquidateur judiciaire ayant leur siège dans le ressort du Tribunal de grande instance de PRIVAS), de sorte que les conditions d'application de l'article 6 du Règlement ne sont donc pas réunies. Par ailleurs, il convient de rappeler, alors que la société CFC TRANSPORTS demande "à défaut, de dire et juger que le Tribunal de grande instance de PRIVAS est territorialement compétent", que le demandeur n'est pas recevable à contester la compétence territoriale de la juridiction qu'il a lui-même saisie.

Il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

DECISION

Par ces motifs,

La Cour,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Au fond,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SARL CFC TRANSPORTS aux dépens.