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Décisions

ADLC, 4 octobre 2010, n° 10-DCC-118

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle de la société Jureson par Monsieur X

ADLC n° 10-DCC-118

3 octobre 2010

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé le 9 juillet 2010 au service des concentrations, déclaré complet le 30 août 2010, relatif à la prise de contrôle de la société Jureson par M. X, formalisée par un protocole de cession d’action en date du 4 mai 2010 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits « adhérents associés », conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de « Groupement des Mousquetaires ». En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l’animation d’un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s’effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d’enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d’approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au « Groupement des Mousquetaires ».

2. La société ITM Alimentaire Sud-Est est une société de droit français détenue à [>50] % par la société ITM Alimentaire France, elle-même détenue par la société ITM Entreprises.

3. La société ITM Alimentaire Sud-Est et le groupe ITM Entreprises auquel elle appartient ont réalisé, au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2009, un chiffre d’affaires mondial hors taxes de [20-30] milliards d’euros, dont [15-25] en France.

4. Monsieur X a signé la charte d’adhésion du groupement des Mousquetaires le 6 juin 2007. Actuellement, il détient les titres de la société Inige, société holding, laquelle détient les titres des sociétés Foralp et Sadispin. Ces deux sociétés exploitent chacune un point de vente sous enseigne « Intermarché » respectivement à Forcalquier et Peipin. Elles ont réalisé ensemble en 2009, dernier exercice clos, un chiffre d’affaires de [<50] millions d’euros.

5. La société Jureson est une société par actions simplifiées qui exploite un point de vente de commerce de détail à prédominance alimentaire à l’enseigne « Intermarché », situé dans la ville d’Oraison (04). La société Jureson est détenue à [>50] % par la société Martori, filiale de la société ITM Alimentaire Sud-Est. La société ITM Entreprises détient une action de préférence au sein du capital de la société Jureson. A l’issue de l’opération, la société Jureson devra signer un contrat d’enseigne d’une durée de quinze ans. Au cours du dernier exercice clos, la société Jureson a réalisé un chiffre d’affaires total hors taxes de [<15] millions d’euros.

6. Selon le protocole de cession d’actions signé par les parties le 4 mai 2010, M. X s’est engagé à acquérir [>50] % des titres de la société Jureson en pleine propriété et [<15] % en usufruit. A l’issue de l’opération, la société ITM Entreprises conservera son action de préférence. Cette action confère à ITM Entreprises, pendant une durée de 25 ans, la possibilité de bloquer tout changement d’enseigne, de s’opposer à toute mutation d’actions et d’obliger l’actionnaire majoritaire à céder le fonds de commerce dès l’instant où il exploiterait un fonds de commerce similaire sous une enseigne concurrente. Par ailleurs, ITM Entreprises conservera, au terme de cette période, un droit de préférence en cas de cession pendant une durée de 5 ans. A l’issue de l’opération, la société Jureson sera donc contrôlée conjointement par M. X et le groupe ITM.

7. Le passage d’un contrôle unique exercé par le groupe ITM à un contrôle conjoint constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, cette opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

8. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence1, deux catégories de marchés peuvent être délimitées2 dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

 

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICE

9. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales3, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

10. Les supermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m². il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d’espèce, compte tenu que des magasins dont la surface est situé à proximité d’un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe avec les faits.

11. En l’espèce, le magasin racheté occupe aujourd’hui une surface de vente de 763 m². Il entre donc dans la catégorie des supermarchés.

 

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

12. Dans ses décisions récentes4 relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l’Autorité de la concurrence a rappelé a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes :

- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

13. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

14. Au cas d’espèce, l’analyse concurrentielle portera donc sur le marché incluant l’ensemble des hypermarchés, supermarchés et maxi-discompteurs localisés dans un rayon de 15 minutes en voiture autour d’Oraison.

 

B. MARCHÉ AMONT DE LAPPROVISIONNEMENT

15. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne5 a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales6.

16. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

 

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION

17. Sur le marché comprenant les hypermarchés, supermarchés et autres formes de commerce équivalents, situés dans une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour d’Oraison, l’Intermarché exploité représente 11,9 % des surfaces de vente. En tenant compte du supermarché exploité sous enseigne Intermarché, situé à Les-Mees, détenant 26,4 % des surfaces de vente, les supermarchés exploités sous une enseigne ITM Entreprises représentent 38,3 % des surfaces de vente de la zone. Ils feront notamment face à la concurrence d’un supermarché Carrefour Market qui détient une part de marché de 42 % sur cette zone de chalandise.

18. Par ailleurs, M. X détient en bordure de cette zone, un supermarché exploité sous l’enseigne Intermarché à Forcalquier, d’une surface de vente de 1 200 m². Sur une zone de chalandise étendue à 20 minutes en voiture autour d’Oraison, ce point de vente représente 7,3 % des surfaces de vente. M. X détiendra donc une part de marché de 18,7 % sur cette zone de chalandise. L’ensemble des supermarchés exploités sous une enseigne ITM représentent sur cette même zone une part de marché cumulée de 34,9 %.

19. En tout état de cause, quelle que soit la zone de chalandise prise en compte, l’opération n’a pas d’effet sur la part de marché du groupe ITM dans la mesure où celui-ci détenait auparavant le contrôle exclusif de la société Jureson.

 

B. MARCHÉ AMONT DE LAPPROVISIONNEMENT

20. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération qui ne concerne qu’un seul magasin, n’est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.

21. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval que sur le marché amont de la distribution.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0104 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l’arrêté ministériel du 5 juillet 2000dans l’opération Carrefour/Promodès et les avis de l’Autorité de la concurrence n°97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l’affaire Carrefour/Coran°98-A-06 du 5 mai 1998, dans l’affaire Casino Franprix/Leader Price, et n°00-A-06 du 3 mai 2000, dans l’affaire Carrefour/Promodès.

2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Careefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision C.2005-98 Carrefour/Penny market du 10 novembre 2005.

3 Décisions C.2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C.2007-172 Carrefour Plane Plamidis du 13 février 2008, C.2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C.2007-05Carrefour Sofadi du 26 mars 2007, C.2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C.2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005 ;

4 Voir notamment les décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF ; 09-DCC-10 du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis ; 09-DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM ; 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.

5 Voir les décisions de la Commission M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

6 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C.2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C.2007-172 relatif à la création e l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C.2008- 32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.