CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 mai 2017, n° 16/01418
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Java Consulting (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rajbaut
Conseillers :
M. Peyron, Mme Douillet
E X P O S É D U L I T I G E
Mme Laure F. exerce une activité de vente de vidéogrammes à caractère pornographique sous le nom commercial de 'P. COMMUNICATIONS' ;
La SARL JAVA Consulting a pour activité la production et la diffusion de films pornographiques ;
Le 09 juin 2009, les parties ont conclu un contrat-cadre de cession de droits audiovisuels, non exclusif, portant sur le droit de diffuser 59 films sur Internet ou tout autre média, pendant une durée de 20 mois (soit jusqu'au 09 décembre 2011) et le droit de distribuer les produits finis pendant une durée de 72 mois (soit jusqu'au 09 juin 2015) ;
Les parties sont en désaccord sur le prix de cession, Mme Laure F. exposant que ce prix s'élève à 6.500 € HT par film alors que la SARL JAVA Consulting soutient que cette somme correspond au prix dû pour les 59 films ;
Mme Laure F. expose en outre avoir découvert que la SARL JAVA Consulting avait partiellement compilé ces 59 films, sans son autorisation, afin de les vendre sous forme de DVD ou de vidéos à la demande, dans le cadre d'une série de huit DVD et d'un DVD inédit ;
Face à ce désaccord sur le prix de cession et souhaitant obtenir réparation et faire cesser les actes de contrefaçon allégués, Mme Laure F. a fait assigner le 04 juin 2014 la SARL JAVA Consulting devant le tribunal de grande instance de Paris ;
Par jugement contradictoire du 20 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
• débouté Mme Laure F. de ses demandes en paiement au titre du contrat de cession du 09 juin 2009,
• déclaré Mme Laure F. irrecevable en ses demandes au titre de la protection des droits d'auteur et en contrefaçon,
• débouté la SARL JAVA Consulting de sa demande de condamnation au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
• rejeté toute autre demande,
• condamné Mme Laure F. à verser à la SARL JAVA Consulting la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Mme Laure F. a interjeté appel de ce jugement le 04 janvier 2016 ;
Par ses dernières conclusions d'appelantn°2, transmises par RPVA le 05 décembre 2016, Mme Laure F. demande :
• d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
• de condamner la SARL JAVA Consulting à lui payer la somme de 452.400 €, conformément à ce qui avait été convenu dans le contrat du 09 juin 2009,
• de dire que la SARL JAVA Consulting s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de droits d'auteur à son détriment,
• de condamner la SARL JAVA Consulting à lui payer la somme de 30.000 € au titre du préjudice subi du fait de ces actes de contrefaçon,
• d'interdire à la SARL JAVA Consulting de diffuser et de commercialiser les huit films dans lesquels elle apparaît, titré 'ZE MISTRESS, l'extrême du sado maso français' et le film titré 'Humiliée et abusée sur son lieu de travail', dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 500 € par infraction constatée à l'expiration de ce délai,
• de condamner la SARL JAVA Consulting à payer à Me Nicolas R. la somme de 5.000 € au titre de l'article 37, 2ème alinéa de la loi du 10 juillet 1991,
• de condamner la SARL JAVA Consulting aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût du procès-verbal établi le 23 novembre 2012 par Me L. et le coût du procès-verbal établi le 11 avril 2014 par Me M. ;
Par ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 14 avril 2016, la SARL JAVA Consulting demande :
• de confirmer le jugement entrepris,
• de 'constater' que le prix de la cession a été payé en intégralité,
• de débouter en conséquence Mme Laure F. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
• de condamner Mme Laure F. au paiement d'une somme de 2.000 € pour procédure abusive au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
• de condamner Mme Laure F. à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce y compris le coût des deux procès-verbaux établis les 23 novembre 2012 et 11 avril 2014 ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2017 ;
M O T I F S D E L ' A R R Ê T
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;
I : SUR LA DÉTERMINATION DU PRIX DE CESSION :
Considérant que Mme Laure F. soutient qu'aux termes de l'article 4.1 du contrat de cession, la SARL JAVA Consulting devait lui payer la somme de 6.500 € HT pour chacun des 59 films faisant l'objet de la cession de leurs droits d'exploitation ;
Qu'elle fait valoir que la SARL JAVA Consulting ne lui a versé que la somme de 7.774 € TTC correspondant au prix de cession des droits d'exploitation sur un seul DVCAM et qu'elle n'aurait jamais accepté de céder ses droits d'exploitation sur 59 films pour un montant aussi dérisoire que 6.500 € HT (ou 7774 € TTC) alors que la SARL JAVA Consulting a massivement exploité ses films et en a tiré un profit non négligeable ;
Qu'elle en conclut que la clause 4.1 du contrat doit être interprétée en ce que la somme de 6.500 € HT correspond au prix de cession des droits d'exploitation pour un seul DV ;
Considérant que la SARL JAVA Consulting réplique que selon l'article 4.1 du contrat, la cession s'entendait pour un montant forfaitaire de 6.500 € HT englobant les 59 scènes filmées et non pas par scène ;
Qu'elle fait valoir que la commune volonté des parties apparaissait clairement comme la remise de 59 DV en contrepartie du paiement de la somme de 7.774 € TTC et que c'est bien en ce sens que Mme Laure F. a établi le 09 juin 2009 une facture d'un montant de 7.774 € HT contre la remise des 59 DV, cette somme lui ayant été payée ;
Qu'elle ajoute qu'il ne s'agissait pas de 59 films mais de supports contenant différentes scènes, aucun des DV ne comportant de titre ;
Qu'elle fait encore valoir que Mme Laure F. n'a jamais fait application de la clause résolutoire prévue à l'article 10.1 en cas de non-respect par l'une des parties de ses obligations ;
Qu'elle conclut donc à la confirmation du jugement entrepris qui a débouté Mme Laure F. de sa demande en paiement ;
Considérant ceci exposé, que le contrat de cession de droits audiovisuels signé entre les parties le 09 juin 2009 porte sur des 'films' enregistrés sur 59 DVCAM, étant rappelé que le DVCAM est un format vidéo numérique se présentant sous forme de cassettes de durées variables selon notamment leur format ;
Qu'il apparaît qu'aucune liste de ces 'films' n'est mentionnée tant au contrat qu'à son annexe et qu'en réalité la cession a porté sur la remise de 59 DVCAM sur lesquels sont enregistrés des séquences audiovisuelles non identifiées distinctement ;
Qu'en effet l'annexe 1 du contrat censé lister les films ne comporte que la mention suivante : '59 DV' et que Mme Laure F. indique elle-même sur sa facture du 09 juin 2009 qu'elle a bien remis '59 DV' contre paiement ;
Considérant d'ailleurs que Mme Laure F. indique elle-même dans ses conclusions qu'elle a livrées le 09 juin 2009, 59 DVCAM (page 4, 4ème, 13ème et 14ème paragraphes), tout en les qualifiant également, de façon passablement contradictoire, de 59 'films' ;
Qu'en outre Mme Laure F. indique elle-même sur sa facture du 09 juin 2009 qu'elle a bien remis '59 DV' ;
Qu'ainsi le contrat de cession de droits d'exploitation du 09 juin 2009 portait non pas sur 59 'films' distincts, au demeurant non identifiés, mais bien sur des scènes audiovisuelles (également non identifiées) figurant sur 59 cassettes vidéo au format DVCAM dont la durée d'enregistrement de chacune d'elles n'est pas davantage précisée ;
Qu'il sera encore observé que ces 59 DVCAM, qui ont été restituées à Mme Laure F. le 23 novembre 2009, ne sont pas versées en original aux débats, seule une copie sur 20 DVD ayant été fournie (pièce 10 de Mme Laure F.) sans qu'il soit possible de déterminer avec certitude s'il s'agit bien des scènes filmées ayant fait l'objet du contrat du 09 juin 2009 alors surtout que ces 20 DVD comportent sur leurs jaquettes la mention de plus de 70 scènes différentes dont les titres ne se retrouvent d'ailleurs pas sur les enregistrements eux-mêmes visionnés par la cour, de telle sorte qu'il est impossible de faire le lien entre les 59 'films' objet du contrat et les 70 scènes figurant sur les 20 DVD produits aux débats ;
Considérant qu'en ce qui concerne la détermination du prix de cession des droits d'exploitation sur les séquences filmées figurant sur les 59 DVCAM objet du contrat, l'article 4.1 est ainsi rédigé :
'En contrepartie de la cession des droits d'exploitation, le cessionnaire versera au cédant une somme forfaitaire et définitive par film de 6500 Euros HT pour les 59 DVCAM' ;
Considérant que la rédaction de cet article comporte des ambiguïtés puisqu'il mentionne à la fois le paiement d'une somme 'forfaitaire et définitive (...) pour les 59 DVCAM' tout en ajoutant 'par film' ; qu'il convient en conséquence d'interpréter cette clause en recherchant la commune intention des parties ;
Considérant qu'il ressort du courriel adressé le 02 mars 2009 par Mme Laure F. à la SARL JAVA Consulting (pièce 10 de cette dernière) au moment des négociations précontractuelles entre les parties que la cession portait bien sur un prix global pour l'ensemble des séquences vidéo : 'concernant notre collaboration je suis disposé à accepter 50 vidéos à 6500 euros pour une durée de 2 ans' et non pas sur un prix distinct pour chaque enregistrement audiovisuel ;
Qu'en outre l'article 3.1 du contrat stipule que 'Le matériel sera livré sans délai dès réception du paiement complet' et que tel a bien été le cas puisque le jour même de la signature du contrat, Mme Laure F. a établi une facturen°01-06 d'un montant de 6.500 € HT, soit 7.774 € TTC contre la remise des '59 DV' selon la mention manuscrite ajoutée par Mme Laure F. elle-même sur la facture avec sa signature ;
Que cette somme a bien été payée le jour même par chèque ;
Que l'explication donnée par Mme Laure F. selon laquelle en ne payant que la somme de 6.500 € HT, la SARL JAVA Consulting aurait souhaité, avant de payer la totalité du montant prévu, vérifier le bon état global des 59 DV (page 4, 13ème paragraphe de ses conclusions), outre qu'elle est peu crédible, n'est corroborée par aucun élément autre que ses propres affirmations péremptoires ;
Qu'il sera en particulier relevé que postérieurement à la signature du contrat, Mme Laure F. n'a, pendant près de six mois, fait aucune demande en paiement d'une somme supplémentaire au titre de ce contrat ; qu'en effet lorsqu'elle a réclamé le 23 octobre 2009 (pièce 3 de la SARL JAVA Consulting), par l'intermédiaire de son avocat, la restitution des 59 DVCAM (qui a été effectuée le 23 novembre 2009 : pièce 4) elle ne soutenait pas que la somme de 7.774 € TTC qui lui a été payée le 09 juin 2009 n'aurait concerné que la cession des droits pour un seul DVCAM, tout au contraire ;
Que ce n'est qu'à l'occasion d'un changement d'avocat qu'elle a affirmé pour la première fois dans une lettre du 29 novembre 2009 que le prix de 6.500 € HT ne portait que sur un seul DVCAM, réclamant le paiement de la somme complémentaire de 377.000 € HT (soit 450.892 € TTC) pour les 58 autres DVCAM ;
Qu'en outre Mme Laure F. n'a jamais fait application de l'article 10.1 du contrat permettant la résiliation du contrat en cas de non-respect par l'une ou l'autre des parties de ses obligations ;
Considérant que la comparaison effectuée par Mme Laure F. avec le prix de 2.000 € HT par film qu'elle a perçu dans le cadre d'un contrat de cession de droits signé le 05 mai 2009 avec une société Concorde (pièce 7) n'est pas pertinente dans la mesure où ce contrat porte sur 7 films précisément identifiés pour une durée d'utilisation de 99 ans alors que le contrat du 09 juin 2009 n'était conclu que pour une durée de 30 mois pour la diffusion sur Internet et autres médias et de 72 mois pour la distribution de produits finis et alors surtout qu'elle réclame dans le cadre de la présente instance une somme plus de trois fois supérieure par DVCAM ;
Considérant dès lors que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que le prix de cession a été intégralement réglé ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme Laure F. de ses demandes en paiement au titre du contrat de cession du 09 juin 2009 ;
II : SUR LES DEMANDES AU TITRE DU DROIT D'AUTEUR :
Considérant que Mme Laure F. expose disposer des droits d'auteur sur ses 59 films, précisant qu'aucune autre personne physique n'est intervenue en tant qu'auteur dans le processus de création, ne faisant que ponctuellement appel à des techniciens et des acteurs ;
Qu'elle ajoute que ses 59 films sont des oeuvres originales, protégées à ce titre par le droit d'auteur et que c'est pour cette raison que la SARL JAVA Consulting a souhaité signer avec elle un contrat de cession de droits d'auteur ;
Qu'elle fait valoir que la SARL JAVA Consulting a transformé/modifié/adapté/compilé ses 59 films pour en créer 9 nouveaux, huit d'entre eux étant titrés 'ZE MISTRESS, séance SM' et le neuvième étant quant à lui titré 'Humiliée et abusée sur son lieu de travail' ;
Qu'elle précise n'avoir jamais autorisé la SARL JAVA Consulting à se servir de ses 59 films pour en créer de nouveaux et les exploiter commercialement en choisissant de donner des titres à ces 9 créations sans l'avoir consulté, de telle sorte que depuis le 09 juin 2009 la SARL JAVA Consulting a commis des actes de contrefaçon ;
Qu'elle soutient que les 59 DV sont constitués de séances de sadomasochisme pour le moins originales ; que dans chaque scène elle apparaît dans des lieux et des tenues différentes, selon un scénario bien défini ; qu'elle a choisi, de manière arbitraire, les lieux, les acteurs, les tenues, les accessoires et les thèmes musicaux originaux de ses 59 films ;
Qu'elle affirme que la SARL JAVA Consulting a accepté de signer le contrat de cession en raison de la certaine notoriété de Mme Laure F. dans le milieu grâce à sa 'patte' (sic) particulière, la différenciant des autres réalisations du même genre et que la SARL JAVA Consulting savait que ces 59 films seraient le reflet de sa personnalité ;
Qu'elle soutient encore qu'il n'apparaît pas utile de visionner les 59 DVD 'tant il ne fait aucun doute qu'ils constituent des oeuvres de l'esprit' ;
Considérant que la SARL JAVA Consulting réplique à titre principal que les 59 DV objet de la cession ne sont pas des films protégeables en tant qu'oeuvres de l'esprit, mais des scènes éparses, sans lien narratif les unes entre les autres et que Mme Laure F. ne démontre aucun apport cinématographique ni un quelconque parti-pris esthétique, le seul enregistrement vidéographique d'ébats sexuels n'entrant pas dans le champ de la protection du code de la propriété intellectuelle ;
Qu'elle rappelle que le fait que le contrat soit intitulé 'cession de droits audiovisuels' est indépendant de la qualification d'oeuvres artistiques des scènes objet du contrat ;
Qu'à titre subsidiaire elle soutient n'avoir fait qu'exercer les droits issus du contrat, sans modifier d'une quelconque façon les scènes dont s'agit, sans transformation ou modification des documents cinématographiques cédés ;
Considérant ceci exposé, qu'il est constant que Mme Laure F. est bien l'unique auteur des oeuvres audiovisuelles qu'elle revendique au titre du droit d'auteur, de telle sorte qu'elle est bien recevable en ses demandes en contrefaçon, le jugement entrepris étant partiellement infirmé en ce qu'il l'a déclarée irrecevable de ce chef ;
Qu'il sera au préalable rappelé que le caractère original des oeuvres audiovisuelles revendiquées par Mme Laure F. au titre du droit d'auteur ne saurait se déduire des seuls termes du contrat de cession de droits audiovisuels du 09 juin 2009 dans la mesure où la détermination de la qualité d'auteur d'une oeuvre protégée relève exclusivement de la loi ;
Considérant qu'il convient dès lors de statuer sur l'originalité de ces oeuvres en rappelant que le code de la propriété intellectuelle protège par les droits d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;
Considérant en conséquence que si l'article L 112-2, 6° du code de la propriété intellectuelle considère comme oeuvres de l'esprit 'Les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d'images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles', encore faut-il que ces séquences animées d'images présentent une originalité révélatrice de la personnalité créatrice de leur auteur ;
Qu'en effet, de même que toute suite de mots n'est pas nécessairement une oeuvre littéraire originale, toute séquence animée d'images n'est pas nécessairement une oeuvre audiovisuelle protégée par le droit d'auteur ; que la fixation audiovisuelle doit ainsi constituer une création intellectuelle reflétant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ;
Que l'originalité d'une oeuvre audiovisuelle peut ainsi résider dans sa mise en images, dans sa composition (enchaînement des séquences et des plans) ou encore dans son expression (cadrage, éclairage, mise en scène, choix esthétiques, etc) ;
Considérant qu'il appartient en premier lieu à Mme Laure F. d'identifier les oeuvres revendiquées au titre du droit d'auteur alors qu'en l'espèce, ainsi qu'il l'a été analysé précédemment, aucune indication détaillée de chacune de ces oeuvres n'est effectuée ;
Qu'il sera relevé que Mme Laure F. fait état dans cette partie de ses conclusions, aux pages 9 à 13, tantôt de '59 films', tantôt de '59 DV', tantôt encore de '59 DVD' alors qu'il sera rappelé que le litige concerne non pas 59 films différents mais des scènes audiovisuelles figurant sur 59 cassettes au format vidéo DVCAM, lesquelles n'ont pas été fournies en original mais copiées sur 20 DVD (qui sont un support vidéo différent) dont les jaquettes indiquent la présence totale non pas de 59 'films' mais de plus de 70 scènes différentes ;
Que le visionnage de ces DVD montre qu'il ne s'agit que d'enregistrements bruts de scènes de sexe se succédant les uns aux autres sans titre ni générique ;
Considérant en outre que dans la mesure où l'originalité des oeuvres revendiquées est contestée, il appartient à Mme Laure F. de démontrer cette originalité pour chacune de ses oeuvres alors qu'en l'espèce elle procède essentiellement par affirmations, soutenant même l'inutilité de visionner les 20 DVD qu'elle verse aux débats et sur lesquels sont copiés, selon elle, les oeuvres originales, au motif qu'il ne ferait 'aucun doute' qu'il s'agirait bien d'oeuvres de l'esprit ;
Que si elle fait état, en page 12 de ses conclusions, de trois exemples de séquences audiovisuelles prétendument originales concernant la mise en scène de cours de piano, d'un entretien d'embauche et de jeux sexuels en forêt, il apparaît qu'elle se contente d'affirmer que le fil conducteur de ces trois exemples serait sa présence sous le pseudonyme de 'Maîtresse Patricia', avec un 'vocabulaire bien à elle' et le 'rythme des jeux sexuels sadomasochistes auxquels s'adonnent tous les personnages des 59 films en cause' sans apporter la moindre démonstration de l'originalité de la mise en scène de ces 'films' - leur caractère sexuel sadomasochiste n'étant qu'un genre non protégeable en soi - notamment quant au vocabulaire et au rythme particulier des jeux sexuels qu'elle revendique ;
Qu'enfin Mme Laure F. ne démontre pas autrement que par ses propres affirmations de sa 'patte' particulière différenciant ses oeuvres audiovisuelles pornographiques à caractère sadomasochiste des autres réalisations relevant de ce genre ;
Considérant en conséquence que faute de pouvoir identifier précisément les oeuvres audiovisuelles dont Mme Laure F. revendique la protection au titre du droit d'auteur et de démontrer leur originalité, elle ne pourra qu'être déboutée de ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur ;
III : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Considérant que le fait de succomber à une action en justice n'est pas en lui-même fautif, une partie pouvant se méprendre sur l'étendue de ses droits, que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SARL JAVA Consulting de sa demande en condamnation pur procédure abusive au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Qu'y ajoutant, la SARL JAVA Consulting sera également, pour les mêmes motifs, déboutée de sa demande en dommages et intérêts en tant qu'elle est présentée devant la cour sur le fondement de la procédure abusive dans la mesure où il n'est pas démontré que Mme Laure F. aurait abusé de son droit d'user des voies de recours prévues par la loi ;
Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SARL JAVA Consulting la somme complémentaire de 3.500 € au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;
Considérant que Mme Laure F. sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement direct à son avocat d'une somme au titre de l'article 37, 2ème alinéa de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
Considérant que Mme Laure F., partie perdante en son appel, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré Mme Laure F. irrecevable en ses demandes au titre de la protection des droits d'auteur et en contrefaçon, infirmant et statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :
Déclare Mme Laure F. recevable en son action en contrefaçon de droits d'auteur mais la dit mal fondée ;
Déboute en conséquence Mme Laure F. de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon de droits d'auteur ;
Déboute la SARL JAVA Consulting de sa demande en dommages et intérêts au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile en tant qu'elle est présentée devant la cour ;
Condamne Mme Laure F. à payer à la SARL JAVA Consulting la somme complémentaire de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3.500 €) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ;
Déboute Mme Laure F. de sa demande en paiement direct à son avocat d'une somme au titre de l'article 37, 2ème alinéa de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
Condamne Mme Laure F. aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à ladite loi du 10 juillet 1991.