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Décisions

ADLC, 15 novembre 2010, n° 10-DCC-148

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la fusion par absorption des Mutuelles Santé Plus par la Mutuelle de France-Sud

ADLC n° 10-DCC-148

14 novembre 2010

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 11 octobre 2010, relatif au projet de fusion-absorption des Mutuelles Santé Plus par la Mutuelle de France-Sud, formalisée par un traité de fusion en date du 27 septembre 2010 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La Mutuelle de France-Sud et les Mutuelles Santé Plus sont des mutuelles régies par le code de la mutualité et soumises en particulier aux dispositions de son livre II. Elles sont essentiellement actives dans le secteur de la couverture des dommages corporels relevant des branches d’assurance 1 (accidents, y compris les accidents du travail et les maladies professionnelles) et 2 (maladie). De manière marginale, elles distribuent également des produits d’assurance pour le compte de tiers et exercent des activités d’action sociale. La Mutuelle France Sud exerce également des activités de réassurance et participe à la gestion du régime obligatoire d’assurance maladie des commerçants et artisans en application de l’article L. 111-1 4° du code de la mutualité.

2. L’opération notifiée consiste en la fusion-absorption des Mutuelles Santé Plus par la Mutuelle de France Sud entraînant le transfert de l’intégralité du portefeuille de bulletins d’adhésion et de contrats des Mutuelles Santé Plus au profit de la Mutuelle France Sud, avec effet rétroactif au 1er janvier 2010.

3. En ce qu’elle se traduit par la fusion absorption des Mutuelles Santé Plus par la Mutuelle France Sud, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Les entreprises concernées réalisent ensemble en 2009 un chiffre d’affaires mondial hors taxes supérieur à 150 millions d’euros (1Mutuelle de France-Sud : 103,2 millions d’euros ; Mutuelle Santé Plus : 85,3 millions d’euros). Ces chiffres d’affaires ayant été intégralement réalisés en France, le chiffre d’affaires réalisé par chacune de ces deux entreprises en France est par conséquent supérieur à 50 millions d’euros. Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés par l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

4. La Mutuelle de France Sud et les Mutuelles Santé Plus sont simultanément présentes sur les marchés de produits d’assurance et, plus marginalement, sur les marchés de la distribution de produits d’assurance pour compte de tiers. Par ailleurs, la Mutuelle de France Sud est également présente, de manière très marginale, sur les marchés de la réassurance. Cependant, la présente opération n’emporte pas de chevauchement d’activité sur ces marchés, la mutuelle cible n’exerçant pas d’activité de réassurance. Les autorités de concurrence nationale et communautaire ont déjà examiné des concentrations dans ce secteur2.

 

A. DÉFINITION DE MARCHÉ

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS DASSURANCE

5. La pratique décisionnelle, aussi bien communautaire que nationale3, opère une distinction, au sein des activités d’assurance, entre les marchés de la réassurance, de l’assurance de personnes et de l’assurance dommages. De plus, il est considéré que, pour chacune de ces trois catégories, une segmentation peut être effectuée en fonction des types de risques à assurer (tels que par exemple les risques d’incendie, les risques d’accidents, les risques liés à la responsabilité civile4…), ces derniers n’étant pas substituables du point de vue de l’assuré.

6. Sur le marché des assurances de personnes, une segmentation supplémentaire est opérée entre les contrats d’assurance collective, conclus entre un assureur et un souscripteur distinct du bénéficiaire, et les contrats d'assurance individuelle où le souscripteur est également le bénéficiaire5.

7. En l’espèce, les parties sont principalement actives sur le marché de l’assurance de personnes et plus particulièrement dans le domaine de l’assurance santé complémentaire individuelle et collective.

 

2. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS DASSURANCE POUR COMPTE DE TIERS

8. La distribution de produits d’assurance consiste à commercialiser et assurer la gestion administrative des garanties ou contrats d’assurance dont le risque est porté par des assureurs tiers6. Les autorités de concurrence, tant communautaire que nationale, ont laissé ouverte la question de la délimitation précise des marchés dans ce secteur, plusieurs segmentations étant envisagées7.

9. Un marché large de la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires indépendants, comprenant tous les canaux de distribution : agents, courtiers, et autres intermédiaires (dont les banques), à l'exception toutefois de la distribution directe par les compagnies d'assurance, a ainsi été identifié8. A l’occasion de l’analyse de certaines opérations, il a également été envisagé l’existence d’un marché limité au courtage d'assurance, comprenant ce seul canal de distribution9.

10. Les marchés de la distribution de produits d'assurances peuvent également être segmentés en fonction de la catégorie de risques assurés (assurance de dommages et assurance de personnes)10 et selon la clientèle (entreprises ou particuliers). Au cas d’espèce, les parties à l’opération sont simultanément actives sur les marchés de la distribution pour le compte de tiers de produits de prévoyance et d’épargne retraite.

11. En tout état de cause, en l’absence de problème concurrentiel, il n’est pas nécessaire de trancher la question de la délimitation exacte des marchés de la distribution de produits d’assurance.

 

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

12. Les marchés de produits d’assurance, ainsi que les marchés de la distribution de produits d’assurance pour compte de tiers, sont communément analysés au niveau national.

13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de l’examen de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS D’ASSURANCE

14. Sur la base du classement 2009 de l’Argus de l’Assurance11, la partie notifiante fournit une répartition des cotisations d’assurance complémentaire santé entre contrats individuels et contrats collectifs de respectivement 13,58 milliards d’euros et 9,7 milliards. Les parts de marché de la nouvelle entité seront donc inférieures à 1 % sur chacun de ces marchés.

15. Sur le marché de l'assurance santé complémentaire individuelle, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence exercée notamment par le groupe Harmonie Mutuelles (8,1 %), la MGEN (7,7 %), Groupama (6,7 %) ou encore Swiss Life (4 %). Sur le marché de l'assurance santé complémentaire collective, des grands groupes sont présents tels Axa (17,5 %), Malakoff Médéric (8,7 %) ou AG2R La Mondiale (6,9 %).

16. Compte tenu de ce qui précède, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de l'assurance santé complémentaire individuelle et collective.

 

B. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D’ASSURANCE POUR COMPTE DE TIERS

17. Sur le marché de la distribution de produits d’assurance, l’addition des parts de marché des parties à l’opération reste inférieure à 1 %. La présente opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

 

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0153 est autorisée.

 

NOTES :

1 Ce chiffre d’affaire comprend celui des mutuelles auxquelles se sont substituées la Mutuelle de France-Sud et les Mutuelles Santé-Plus par convention.

2 Voir notamment la décision 09-DCC-61 du 4 novembre 2009 relative aux prises de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiès.

3 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne n°COMP/M.5083 – GROUPAMA / OTP GARANCIA du 15 avril 2008, n°COMP/M.4047 - Aviva/Ark Life du 20 janvier 2006, COMP/M.3556 – Fortis / BCP du 19 janvier 2005, les décisions du ministre de l’économie n°C2007-49 du 21 août 2007 et n°C2007-118 du 27 août 2007 ainsi que l'avis du Conseil de la concurrence n° 98-A-03 du 24 février 1998 relatif à une demande d'avis de la Commission des finances du Sénat concernant la situation de la concurrence dans le secteur de l'assurance.

4 Voir notamment la décision n°COMP/M.4047 - Aviva/Ark Life précitée.

5 Voir notamment les décisions du ministre de l’économie n°C2007-49 du 21 août 2007 et n°C2008-77 du 28 octobre 2008.

6 Voir notamment la décision du ministre de l’économie n°C2008-77 précitée.

7 Voir notamment les décisions du ministre de l’économie n°C2008-47 du 5 août 2008 et n°C2006-45 du 10 août 2006.

8 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n°COMP/M. 4284 – AXA / Winterthur du 28 août 2006 et n°COMP/M. 3395 – SAMPO / IF Skadeförsäkring du 28 avril 2004.

9 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n°COMP/M. 1280 KKR / Willis Corroon du 24 août 1998 et n°COMP/M. 1307 - Marsch & McLennan/Sedgwick du 23 octobre 1998.

10 Voir notamment la décision de la Commission européenne n°COMP/M. 3196 - Belgium CA - Agricaisse – Lanbokas / Crédit Agricole Belgique du 20 août 2003.

11 Ce classement, effectué à partir d’un nombre d’assureurs non exhaustif, conduit à considérer les parts de marché estimées de la nouvelle entité comme des majorants.