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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. b, 23 mars 2007, n° 06/20230

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

S.A.M. MONACO BOAT SERVICE

Défendeur :

SARL SPORTMER

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Christian CADIOT

Conseillers :

Madame Laure BOURREL, Madame Catherine DURAND

Avocats :

Me Philippe SANSEVERINO, Me Alain-David POTHET

SAINT-TROPEZ, du 14 nov. 2006

14 novembre 2006

Par exploit introductif d'instance en date du 17 janvier 2006 la société SPORTMER, chantier naval disposant d'emplacements au Port de ST TROPEZ, a assigné la SAM MONACO BOAT SERVICE, concessionnaire exclusif de la marque de navire RIVA, devant le Tribunal de commerce de ST TROPEZ en paiement d'une commission sur le prix de vente d'un bateau réalisée par son intermédiaire.

La Société défenderesse a soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de ST TROPEZ au profit des juridictions monégasques comme étant celles de son siège social, précisant que le bateau a été vendu à MONACO, que l'acquéreuse est domiciliée en Grande Bretagne et qu'aucune prestation n'a été réalisée à ST TROPEZ.

Par décision du 14 novembre 2006 cette juridiction consulaire, relevant que les parties étaient en relations d'affaires anciennes et que le lieu du dommage était celui du siège de la société demanderesse où la commission n'avait pas été réglée, a retenu sa compétence et renvoyé l'affaire pour être plaidée sur le fond à l'audience du 30 novembre 2006.

Par mémoire reçu au tribunal de commerce de ST TROPEZ le 24 novembre 2006la société MONACO BOAT SERVICE a formé contredit à l'encontre de ce jugement.

Elle demande, au visa de la convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968 telle que résultant du Règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 du Conseil de l'Europe, de l'article 46 du nouveau code de procédure civile et de l'article 2 du code de procédure civile monégasque de :

La recevoir en son contredit et l'y déclarée bien fondée,

Réformer le jugement entrepris,

Dire et juger que le présent litige est de la compétence des juridictions de la Principauté de Monaco,

Renvoyer la société SPORTMER à mieux se pourvoir conformément à l'article 96 du nouveau code de procédure civile,

La condamner à lui verser 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle précise être le concessionnaire exclusif de la marque de navire de plaisance RIVA sur la principauté de Monaco et le littoral méditerranéen français et faire diligence auprès de toute société ayant à leur disposition des places de port louées à l'année au concessionnaire de ce port, leur versant en contrepartie des commissions sur la vente du navire et avoir recours à la société SPORTMER pour obtenir des places au port de ST TROPEZ.

Elle indique avoir vendu à Madame ROSTAGNAT, qui lui a été recommandée par la société SPORTMER, le navire RIVA 52' pour le prix de 1.200.000 euros, lui avoir repris le navire MAGNUM 40 pour le prix de 250.000 euros et avoir versé aux établissements Pascal VILLANOVA une commission de 75.000 euros HT représentant 6,25 % du prix de vente du navire RIVA ;

Elle fait valoir que sur la vente du navire RIVA à Madame ROSTAGNAT les deux sociétés n'ont pu trouver d'accord quant au montant d'une commission la société SPORTMER, celle-ci refusant la proposition de versement de la commission d'indicateur qui lui a été offerte.

Elle soutient que la société SPORTMER ne lui a fourni aucune prestation contractuelle dans le cadre de cette opération et qu'aucun accord n'a été conclu au final entre les deux sociétés, la société SPORTMER ayant rompu les négociations et précise avoir dû recourir à un autre intermédiaire pour obtenir un appontement sur le port de ST TROPEZ.

Elle expose qu'aucune commission n'est due pour la présentation du client à un concessionnaire exclusif qui seul est habilité à vendre le produit recherché mais seulement pour la fourniture d'un appontement et soutient que les juridictions de la Principauté de Monaco sont compétentes à connaître de ce litige, en raison de son siège social et du lieu de réalisation de la vente du bateau.

Elle précise que la principauté de Monaco n'est pas adhérente de la Convention de BRUXELLES ni du Règlement 44/2001 et qu'il convient de faire application des règles de droit international privé de l'Etat dont les tribunaux sont saisis et donc de celles de la France.

Elle fait valoir qu'aucun contrat n'ayant été conclu entre les parties, et aucune prestation fournie par la société SPORTMER, son action ne peut être que quasi délictuelle car fondée sur la rupture de négociations et la violation de l'obligation de bonne foi.

Elle soutient en conséquence que le lieu de son siège social, MONACO étant celui d'où est parti le refus de contracter et donc celui de la survenance du fait dommageable où le dommage a pris naissance, les juridictions monégasques sont compétentes à connaître du litige, et ce, en application des dispositions de l'article 46 du nouveau code de procédure civile et de l'article 2 du code de procédure civile monégasque qui attribuent compétence aux juridictions monégasques à connaître de toute action intentée contre un défendeur domicilié à Monaco.

Elle ajoute que le seul fait que la société SPORTMER aurait pu réaliser une prestation dans le ressort du tribunal de ST TROPEZ ne peut donner compétence territoriale à cette juridiction.

Par écritures en réponse déposées le 19 février 2007 la société SPORTMER déclare reprendre celles développées devant les premiers juges et donc sollicite la confirmation de la décision querellée.

Elle demande au visa de l'article 89 du nouveau code de procédure civile d'évoquer le litige et de condamner la société MONACO BOAT SERVICE à lui verser la somme de 281.476,65 euros à titre de remise commerciale, et, subsidiairement, à lui verser 100.000 euros, outre 5.000 euros à titre de dommages intérêts et celle de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient essentiellement avoir présenté à ST TROPEZ une cliente Madame ROSTAGNAT à la société MONACO BOAT SERVICE, avec laquelle elle est en relations anciennes d'affaires, pour l'acquisition d'un bateau RIVA devant être présenté à la cliente aux appontements SPORTMER à ST TROPEZ et que les parties n'ont pas trouvé d'accord sur la commission due.

Elle fait valoir que la vente étant intervenue, la société MONACO BOAT SERVICE lui doit sa commission, non pas comme apporteur d'affaires, mais en raison de relations existantes entre un fournisseur et un client, et que si l'usage parle de commissions, il s'agit en réalité de marge commerciale calculée entre le prix d'achat catalogue fournisseur et la revente au client, avec interférence du prix de reprise pouvant être pratiqué.

Elle précise verser aux débats des pièces établissant la vente par MONACO BOAT SERVICE à SPORTMER de navire RIVA avec une remise commerciale de 10%, 12 %, et de ventes par SPORTMER à MONACO BOAT SERVICE de navires CIGARETTE, dont elle est concessionnaire exclusive, faisant apparaître des remises commerciales de 20 %, correspondant à une marge commerciale pratiquée habituellement entre les parties.

Elle expose que l'ancienneté de ces relations d'affaires établit l'existence d'usages ayant valeur de droit.

Elle conteste avoir jamais recommandé à Madame ROSTAGNAT de s'adresser à MONACO BOAT SERVICE mais avoir entamé une proposition commerciale avec cette société quant à une remise commerciale de 21 % sur le prix du bateau, une augmentation du prix de reprise du navire appartenant à Madame ROSTAGNAT et la gratuité de l'appontement et du service durant la saison 2005.

Elle ajoute que nonobstant les termes de l'assignation introductive d'instance, dans tous les documents il est fait état de « remises » et non de « commissions ».

Elle conteste que la commission réclamée soit due pour une place d'appontement qu'avait déjà Madame ROSTAGNAT à ST TROPEZ depuis 1999 sur un de ses appontements.

Elle soutient que s'agissant de relations contractuelles s'opérant à ST TROPEZ et l'objet de la prestation étant livré à ST TROPEZ, la juridiction consulaire de ST TROPEZ est bien compétente à connaître du litige en application de l'article 46 du nouveau code de procédure civile.

Les parties ont été régulièrement convoquées par courrier recommandé avec accusé de réception pour l'audience du 22 février 2007.

MOTIFS

Attendu que la partie contredisante soutient que seules les juridictions monégasques sont compétentes à connaître du litige l'opposant à la société SPORTMER ;

Attendu que ni les dispositions de la Convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968, ni celle du Règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 du Conseil de l'Europe ne sont applicables, faute pour la Principauté de MONACO d'être membre de l'Union Européenne et d'avoir signé la Convention ;

Attendu qu'en vertu de l'article 42 du nouveau code de procédure civileLa juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur...

Attendu qu'aux termes de l'article 46 du même code : Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : - en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ; - en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

Attendu qu'il appartient aux juges saisis d'une exception d'incompétence ou, pour la Cour d'appel d'un contredit, de tenir compte de tous les éléments de la contestation susceptibles d'entraîner leur décision de ce chef ;

Qu'il convient en conséquence de se prononcer sur la portée, la nature juridique des relations des parties dans lesquelles s'inscrit le présent litige ;

Attendu que la société SPORTMER demande la condamnation de la société MONACO BOAT SERVICE à lui payer une somme de 281.476,55 euros représentant 21 % du prix de vente d'un navire par la société monégasque à Madame ROSTAGNAT, pour lui avoir présenté cette cliente, somme tantôt dénommée 'commission' (lettre de réclamation du 8 septembre 2005, acte introductif d'instance), et en dernier lieu 'remise' ;

Attendu qu'il s'avère que les deux sociétés sont en relations d'affaires depuis au moins 1991, la société SPORTMER, ayant acquis auprès de la société MONACO BOAT SERVICE des navires RIVA dont celle-ci est la concessionnaire exclusive, avec des remises sur le prix d'acquisition variant entre 10 % et 12 %, et la société MONACO BOAT SERVICE, des navires CIGARETTE auprès de SPORTMER avec des remises de 20 % ;

Que par ailleurs, par courrier en date du 25 août 1998, la société MONACO BOAT SERVICE a offert de régler à la société SPORTMER une commission de 15 % sur le plein tarif d'un navire RIVA en cas de vente à Monsieur HAGEMAN, client de SPORTMER ;

Attendu qu'il résulte d'un courrier du 8 mars 2005 que la société MONACO BOAT SERVICE a offert à la société SPORTMER de lui vendre un navire AQUARIVA coque bleue série 2005 avec une remise de 12 % sur le prix de liste RIVA en cour de validité, lui laissant pour ce faire un droit d`option de trois jours ;

Attendu qu'il s'ensuit que les deux parties étaient en relation habituelle d'affaires quant à des achats de bateaux, soit directement, soit par apports de clients, ces prestations donnant lieu au profit de la société acquéreuse ou apporteuse de client à des remises sur le plein tarif ou des commissions sur la vente réalisée ;

Attendu que selon courrier électronique du 6 août 2005 Monsieur FERRARESE indiquait à SPORTMER :

« Cher Marcel, ton client Rivale m'a bien appelé, il aime beaucoup le Rivale et je pense que ce nouveau bateau à tes pontons pourrait beaucoup t'aider à relancer les ventes RIVA. Comme tu le sais depuis un moment le Chantier nous pousse à avoir un dealer qui s'engage à acheter. Tu es libre de faire tes choix mais malgré ma sympathie personnelle, je devrais bientôt faire un choix. J'espère donc que tu puisses lui vendre le bateau ! Nous sommes le 6 août et tu as bénéficié de conditions exceptionnelles sans avoir acheté le bateau' Donc ne sois pas trop gourmand ! .... »

Attendu que la société SPORTMER adressait le 7 août un fax à la société MONACO BOAT SERVICE dont il ressort qu'elle demandait à bénéficier d'une remise de 21 % sur le prix du bateau s'élevant à 1.340. 365 euros et fixait à 250.000 euros le prix de reprise du bateau MAGNUM appartenant à Madame ROSTAGNAT ;

Que par retour de fax du même jour la société MONACO BOAT SERVICE offrait de lui régler une commission de 100.000 euros représentant 8 % du prix de vente du bateau.

Attendu que le 8 août 2005 la société SPORTMER refusait d'accepter la « proposition de commission d'indicateur sur le bateau RIVALE coque bleue que vous avez en stock » aux motifs que les parties auraient convenu d'un taux de 16 % et en raison des prestations que SPORTMER devait fournir, sans plus de précisions ;

Attendu que selon facture établie à MONACO le 16 août 2005 la société MONACO BOAT SERVICE a vendu le 11 août 2005 à Madame LE HOC NEGRO épouse ROSTAGNAT un navire NEW RIVA de modèle RIVALE 52' N° 20 au prix de 1.200.000 euros HT duquel a été déduit le prix de reprise du navire MAGNUM chiffré à 170.000 euros ;

Que, par ailleurs la société MONACO BOAT SERVICE a versé aux établissements VILLANOVA, chantier naval sis à ST TROPEZ ayant attribué à Madame ROSTAGNAT une place d'appontement sur ses pontons privés dans le port de ST TROPEZ, une commission de 75.000 euros facturée au titre d'une 'assistance sur vente du bateau RIVALE' ;

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contestable que le litige porte, non pas sur une remise consentie par MONACO BOAT SERVICE à SPORTMER dans le cadre d'un achat par ses soins d'un navire RIVA, mais sur une commission réclamée par SPORTMER à MONACO BOAT SERVICE pour lui avoir présenté sa cliente Madame ROSTAGNAT, la société créancière se fondant sur les relations contractuelles ayant existé entre les deux parties pour fixer le taux de cette commission ;

Attendu qu'il résulte des éléments susmentionnés, que bien qu'elle soit le concessionnaire exclusif sur le pourtour méditerranéen de la marque RIVA, la société MONACO BOAT SERVICE a bien offert le 7 août de verser à SPORTMER une commission pour la vente du navire RIVALE à Madame ROSTAGNAT, cliente qui lui a été « indiquée » par SPORTMER, et que le litige est survenu en raison du défaut d'entente des parties sur le montant de celle-ci ;

Attendu que le litige opposant les parties est de nature contractuelle ;

Attendu que le paiement de la somme due au titre de l'apport de cette cliente par la société MONACO BOAT SERVICE à la société SPORTMER ne constitue ni la livraison d'une chose, ni l'exécution d'une prestation de service au sens de l'article 46 1er du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que l'obligation qui sert de base à la demande est celle en vertu de laquelle le paiement est réclamé ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées au dossier que l'apport de clientèle et la vente du bateau RIVALE réalisée ensuite ont eu lieu à MONACO, siège social de la société MONACO BOAT SERVICE ;

Attendu qu'il s'ensuit que, bien que la société SPORTMER demanderesse ait son siège social à ST TROPEZ, le Tribunal de commerce de ST TROPEZ n'est pas compétent à connaître du litige, en application de l'article 46 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu que les juridictions de la Principauté de MONACO sont territorialement compétentes à en connaître ;

Attendu que le jugement du Tribunal de commerce de ST TROPEZ sera infirmé et les parties invitées à mieux se pourvoir en application de l'article 96 du nouveau code de procédure civile ;

Sur les dommages intérêts :

Attendu que la société SPORTMER sera déboutée de sa demande mal fondée de condamnation de la société contredisante à lui payer 5.000 euros à titre de dommages intérêts ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité que chacune des parties supporte la charge de ses frais irrépétibles ;

Attendu que partie succombante sur le contredit, la société SPORTMER sera condamnée aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière de contredit et en matière commerciale,

Infirme le jugement du Tribunal de commerce de ST TROPEZ du 14 novembre 2006,

Renvoie les parties à mieux se pourvoir,

Déboute la société SPORTMER de sa demande de condamnation de la société MONACO BOAT SERVICE à lui verser 5.000 euros à titre de dommages intérêts,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la société SPORTMER aux entiers dépens.