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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ., 29 janvier 2008, n° 06/01492

CAEN

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Normandie Piscines (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boyer

Conseillers :

Mme Beuve, M. Vogt

Avoués :

SCP Grammagnac-Ygouf Balavoine Levasseur, SCP Terrade Dartois

Avocats :

SCP Chapron Laniece Ygouf, Me Chereul

CA Caen n° 06/01492

28 janvier 2008

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier

Exposé de la procédure et des demandes

Par ordonnance contradictoire en matière de référé, en date du 30 mars 2006, le Président du Tribunal de Grande Instance de Caen, statuant au visa de l'article 809 alinéa 2 du Nouveau Code de procédure civile, a condamné M. B... A... à payer à la SARL Normandie Piscine

* une provision de 12 000 EUR au titre du solde d'un marché portant sur la construction d'une piscine privée,

* la somme de 600 EUR, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Les dernières conclusions, auxquelles il est fait exprès référence, ont été régularisées

* le 21 septembre 2006 par M. A..., appelant,

* le 2 juillet 2007 par la SARL Normandie Piscines, intimée.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état, sans discussion, le 7 novembre 2007.

Motivation

Dans le cadre d'un litige portant, en référé, sur le prix d'une prestation d'un contrat d'entreprise et sur l'existence d'exceptions à son paiement, il convient de rappeler, en premier lieu, qu'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas un élément essentiel du contrat de louage d'ouvrage (Civ. 1, 28 novembre 2000, Bull n° 305), en sorte qu'en l'absence d'un tel accord, il appartient au juge du fond de fixer la rémunération compte-tenu des éléments de la cause (Civ. 1, 24 novembre 1993, Bull n° 339), si tant est qu'existe une contestation sérieuse.

Sur la rémunération de l'entrepreneur

En l'espèce, il n'est pas contesté que les parties se sont accordées sur la construction d'une piscine, selon un devis établi le 14 décembre 2004 par la société Normandie Piscines. Cette pièce, produite par l'entrepreneur, ne mentionne pas que le prix de 70 795 EUR TTC, contesté, ne pourrait être modifié que par des commandes reposant sur l'accord écrit et préalable du client.

La contestation du client, présentée lors de l'achèvement des prestations, résulte d'un courrier recommandé de son avocat, en date du 21 novembre 2005, joignant « un chèque d'acompte de 15 000 EUR », mais déclarant à l'entrepreneur que sa « dernière facturation ne correspond pas au devis qui a été accepté par Monsieur A... ».

En dépit de la demande faite en ce sens, M. A... ne produira pas l'exemplaire du contrat qui contredirait le soutien de l'entrepreneur, créancier du paiement du prix de sa prestation.

Il est constant qu'un premier acompte de 18 000 EUR sera versé par chèque en date du 30 décembre 2004, alors sans aucune discussion sur la rémunération alléguée par l'entrepreneur.

L'entrepreneur se prévaut d'une situation n° 1, en date du 22 février 2005, que le client ne conteste pas avoir reçu, faisant apparaître que le montant du marché s'élève à 68 000 EUR, auxquels s'ajoutent des travaux supplémentaires (nage à contre-courant, plus-value pour une pompe à chaleur plus puissante), portant le marché à la somme de 73 767 EUR, et ayant donné lieu au règlement d'une somme de 17 000 EUR par un chèque émis le 2 mars 2005.

À cette date, selon les pièces produites par l'entrepreneur, débiteur en preuve du montant de sa prestation (mais pas de son principe, puisque le contrat d'entreprise, qui n'est soumis à aucune forme particulière, est présumé conclu à titre onéreux, cf. Civ. 3, 17 décembre 1997, Bull n° 226) établit donc, sans contestation sérieuse, une créance contractuelle de 73 767 EUR, dont à déduire les acomptes versés.

Il est d'ailleurs à noter que les situations ultérieures (25 juin, 2 août, et finalement 22 octobre) prendront toujours comme référence un montant du marché de 68 000 EUR TTC.

Dans sa situation n° 4 en date du 22 octobre 2005, l'entrepreneur reconnaît deux autres règlements, le 5 août 2005, pour un montant total de 13 000 EUR.

À cette dernière date, comme à celle de la précédente situation (du 2 août 2005), on constate l'existence d'une plus-value d'un montant de 2320 EUR pour la réalisation d'un dallage de 76 m² au lieu de 60 m², de sorte que le montant total de la prestation afférente à la réalisation de la piscine s'élève en définitive, selon les situations émises, à une somme de 76 087 EUR.

M. A... ne conteste pas que le règlement de la somme de 13 000 EUR à la date du 5 août 2005 correspond à la présentation de la situation en date du 2 août 2005, comprenant une plus-value de 16 m² afférente à la réalisation du dallage. Aucune contestation particulière n'a été formalisée sur la présentation de cette troisième situation, ayant donné lieu au règlement d'un acompte d'un montant significatif.

Sur la compensation résultant de l'inexécution partielle, par l'entrepreneur, de son obligation

M. A..., quel que soit le prix de la prestation, a évidemment « droit à une piscine techniquement et esthétiquement bien réalisée », c'est-à-dire conforme aux prestations contractuelles et réalisée conformément au règles de l'art.

Tout en ne reconnaissant que le prix de 68 000 EUR (alors que le marché initial ne stipule pas la nécessité d'un accord préalable et écrit du client pour la réalisation de travaux supplémentaires ou améliorés par une plus-value), M. A... ne prétend pas que le prix de 76 087 EUR serait, en lui-même, le résultat d'un abus de position commis par l'entrepreneur.

En dehors de la question, déjà examinée, relative à la rémunération initiale de l'entrepreneur, M. A..., selon la lettre de son avocat en date du 21 novembre 2005,

* « veut tenir compte dans le règlement du solde de ce dossier du préjudice qu'il a subi du fait qu'il n'a pas pu profiter de la piscine en raison des reprises à effectuer », et

* impute, sur le compte de l'entrepreneur, une somme de 233,95 EUR correspondant au coût du procès-verbal de constat établi le 11 août 2005, portant sur des désordres : un déséquilibre du pH (mesurant l'acidité de l'eau), l'irrégularité de la couleur affectant plusieurs joints du dallage, des taches blanchâtres sur plusieurs dalles, l'irrégularité de la teinte de l'enduit d'un mur de soutènement, selon les photographies établies par l'huissier.

En conséquence, M. A... « fixe son préjudice à 10 % de la valeur du marché ».

Néanmoins, tout en discutant la diligence de l'entreprise pour résoudre les imperfections, constatées en pleine saison estivale, M. A... ne méconnaît pas qu'il y a été porté remède à l'issue de celle-ci.

Le premier juge a exactement retenu que M. A... « ne rapporte pas la preuve qu'un délai de livraison ferme ait été convenu entre les parties » et « qu'il n'y a pas de manquement avéré justifiant un principe de préjudice à hauteur de la somme réclamée ».

La prétendue mauvaise implantation de la piscine, laquelle ne serait toujours pas conforme aux règles d'urbanisme, affirmée par M. A... en cause d'appel, aurait pu être une contestation sérieuse, si des pièces étaient produites à l'appui de cette assertion, comme le soutient l'intimée de façon pertinente.

Dès lors, la confirmation de l'ordonnance, demandée par l'entrepreneur, permet d'obvier à la tentative du maître de l'ouvrage d'éluder l'exécution de son obligation de rémunérer convenablement la prestation convenue, dans la limite de l'absence de contestation sérieuse.

Sur les autres demandes

Partie perdante en un appel non fondé, M. A... sera tenu des dépens ainsi que de payer à l'intimée une indemnité équitable au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs

La Cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. A... à payer à la société Normandie Piscines la somme, complémentaire, de 1300 EUR, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne M. A... aux dépens,

Accorde à la SCP Terrade-Dartois, Avoués, droit de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.