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Décisions

CA Paris, 19e ch. A, 5 septembre 2007, n° 05/13500

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

D'architecture Odile Decq - Benoit Cornette (SARL)

Défendeur :

Terrel International (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Farina

Conseillers :

M. Dussard, Mme Fossaert-Sabatier

Avoués :

SCP Goirand, Me Blin

Avocats :

Me Bellenger-Beaud, Me Baris

T. com. Paris, 13e ch., du 25 mai 2005, …

25 mai 2005

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Marie-France FARINA, présidente

- signé par Madame Marie-France FARINA, présidente et par Madame Marie-Hélène ROULLET, greffier présent lors du prononcé.

Par déclaration du 21 juin 2005 la société d'Architecture Odile DECQ-Benoît CORNETTE, plus loin la société ODBC a appelé d'un jugement contradictoire rendu le 25 mai 2005 parle Tribunal de Commerce de paris, 13ème chambre, qui :

- la condamne à payer les sommes suivantes à la société TERREL INTERNATIONAL :

1°/ 29.854,55 euros TTC à titre d'honoraires,

2°/ 8.200,80 euros TTC pour les études géotechniques,

3°/ 3.247,24 euros TTC du chef des frais de déplacement,

- rejette le surplus,

- ordonne l'exécution provisoire,

- condamne la société ODBC aux dépens et au paiement à la société TERREL INTERNATIONAL de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'intimée a constitué avoué.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux conclusions d'appel dont les dernières ont été signifiées à la requête :

- de la société ODBC, le 7 décembre 2006,

- de la société TERREL INTERNATIONAL, le 30 octobre 2006.

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR

I/ SUR LES DEMANDES DE LA SOCIÉTÉ TERREL INTERNATIONAL

Les parties sont contraires :

- sur l'existence d'un lien contractuel,

- sur les prestations réalisées par la société TERREL INTERNATIONAL.

1) Sur le lien de droit

Selon la société ODBC la nature du lien juridique invoqué par l'intimée s'énonce comme :

'(...)

Une ébauche de prestation fournie dans le cadre de relations pré-contractuelles en l'absence évidente de convention entre deux professionnels, par ailleurs parfaitement au fait des risques inhérents à toute participation à une mise en concurrence dans le cadre d'une commande publique et qui donc ne saurait en aucun cas faire naître de droit à la rémunération réclamée par TERREL.

(...)'

Le projet de contrat de sous-traitance non daté mais d'avril 2002 élaboré par la société ODBC que la société TERREL INTERNATIONAL n'acceptera pas donne la chronologie des faits qui l'ont précédé :

(...)

- ODBC s'inscrit au concours le 5/10/2000 et paie les droits d'inscriptions (...)

- L'inscription de ODBC est enregistrée par la Ville (de ROME) le 6/10/2000 (...)

- Première phase du concours : 15/11/00 indiquant les auteurs du projet : ODBC, France et B MORASS, Autriche et TERREL INTERNATIONAL comme consultant pour les structures (...)

- le 22/12/2000 : le projet est admis à la seconde phase (...)

- Le .../03/01 : la seconde phase du projet est envoyée à la Ville de Rome (...)

- Le 19 avril 2001 la Ville écrit à ODBC pour annoncer que le projet est lauréat.

(...)'

Dès la retenue officielle de ce projet, alors que le contrat d'architecte entre la société ODBC et la Ville de ROME n'avait pas encore été conclu, tous les membres de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, dont la société TERREL INTERNATIONAL, ont débuté les études sous la direction de l'appelante.

Ce contrat d'architecte sera signé en février 2002 selon les indications de l'appelante.

Celle-ci proposera à la société TERREL INTERNATIONAL le projet de sous-traité sus-évoqué d'avril 2002 qui ne sera ni accepté ni remplacé par un autre projet, les deux parties n'étant pas parvenues à s'accorder sur la rémunération.

La note d'honoraires de la société TERREL INTERNATIONAL en date du 31 mai 2002 d'un montant HT de 24.962 euros, soit 29.854,55 euros TTC, à titre d'acompte sur honoraires professionnels pour études de structures correspond certes au montant proposé par l'architecte pour la rémunération de la phase préliminaire mais il n'y a pas eu d'accord des parties sur les conditions d'ensemble du contrat de sous-traitance proposé et plus particulièrement sur sa rémunération globale.

En effet la proposition formulée par courrier du BET en date du 20 juin 2002 était de scinder les études en deux phases :

- la phase 'définitivo' acceptée sur la base des honoraires proposés par l'architecte,

- la phase 'executo' non acceptée en l'état car elle 'ne contient pas assez d'honoraires pour nous permettre l'élaboration de ce dossier et nous ne pouvons donc pas signer un contrat qui nous lie à cette phase dans l'état actuel'.

Et par courrier du 20 juillet 2002 en réponse à celui du 20 juin précité la société ODBC a fait connaître à la société TERREL INTERNATIONAL qu'elle n'acceptait pas de scinder les études et qu'en conséquence elle se voyait contrainte de ne pas poursuivre avec ledit B.E.T. les études du projet.

La demande de rémunération de la phase préliminaire telle que facturée par le BET est dépourvue de base de calcul contractuelle.

Mais l'absence de signature d'un écrit entre les parties et leur désaccord sur la rémunération n'impliquent pas pour autant l'absence de lien contractuel entre elles, étant rappelé qu'entre commerçants, - les deux sociétés sont commerciales -, la preuve peut être administrée par tous moyens.

L'examen des pièces régulièrement produites aux débats, en particulier les échanges de correspondances, les fax, le compte-rendu de réunion du 15 octobre 2001, les transmissions de documents techniques, le document intitulé 'SEUSUOUS TERRITORIES Territori Sensuali' contenant un chapitre rédigé par le BET ('PRINCIPES DE STRUCTURAL FRAMEWORK') établissent la participation active dans sa sphère d'intervention du BET TERREL INTERNATIONAL (structure) :

1°/ à la conception du projet de la société ODBC pour l'extension de la Galerie d'Art Moderne et Contemporaine de la Ville de ROME, dans le cadre du concours organisé par cette ville mettant en concurrence plusieurs architectes, cette phase concours s'étendant de fin octobre 2000 à mi-avril 2001, (période I).

2°/ à la mise au point technique du projet lauréat sous la direction de la société ODBC jusqu'en février 2002, date de signature du contrat de maîtrise d'oeuvre entre le maître d'ouvrage et l'architecte précité (période II) puis de février 2002 jusqu'à la rupture des relations entre les parties au procès pour cause de désaccord, (période III).

Il est vrai que pour ces trois périodes les relations entre les parties ne dérivaient pas d'un contrat de sous-traitance, attendu :

- en premier lieu, que dans les phases précitées I et II il n'existait pas encore de contrat d'architecte entre la ville de ROME et le lauréat du concours pouvant servir de base à un sous-traité,

- en second lieu, que postérieurement à la conclusion du contrat d'architecte la société ODBC et le BET, si elles ont poursuivi quelque temps leur collaboration, n'ont pas trouvé d'accord, le BET n'ayant pas accepté le sous-traité proposé.

La Cour fait toutefois observer que les relations professionnelles que peuvent nouer un architecte et un bureau d'études techniques travaillant en équipe peuvent prendre d'autres formes que la sous-traitance.

En l'espèce la société ODBC a indéniablement fait appel aux services du BET TERREL INTERNATIONAL de fin 2000 jusqu'à la fin du premier trimestre 2002.

Cette commande d'études techniques et la réalisation de celles-ci font preuve du contrat d'entreprise qui s'est formé par simple échange des consentements des parties sur la prestation à fournir et qui n'exige pas, lors de sa conclusion, la fixation d'un prix.

Contrairement à la thèse de l'appelante le contentieux ne se situe pas dans un cadre pré-contractuel.

Le contrat d'entreprise ou de prestations de services est par nature un contrat à titre onéreux, sauf stipulation contraire.

Or il ne ressort pas des correspondances échangées que le bureau d'études ait accepté de collaborer gratuitement au projet pendant la phase concours ou même que les parties étaient convenues de soumettre la rémunération du prestataire de services à la condition suspensive de conclusion d'un sous-traité.

En cas de désaccord entre les parties sur la rémunération du prestataire de services, celle-ci doit être fixée par le juge en fonction des éléments soumis à son appréciation.

2) Sur la rémunération

L'examen des pièces 12 à 22 du bordereau annexé aux conclusions récapitulatives d'appel de l'intimée, - documents sincères qui n'ont pas été établis pour les besoins de la cause -, établit que le BET TERREL INTERNATIONAL a réalisé toutes les prestations et études commandées par l'architecte, récapitulées en page 4 des conclusions précitées.

Et la participation de la société TERREL INTERNATIONAL à l'équipe de maîtrise d'oeuvre était d'ailleurs connue et appréciée de la Ville de ROME qui a communiqué directement avec ce technicien en mars 2002 et qui lui a même passé une commande directe (voir infra 3).

Les prestations du BET par leur qualité, leur importance et leur utilité justifient la rémunération réclamée à ce titre et allouée en première instance.

La Cour confirme la condamnation prononcée de ce chef par substitution partielle de motifs.

3) Sur la demande de paiement des études géotechniques

Leur utilité est acquise et le BET TERREL INTERNATIONAL auquel elles ont été directement commandées par la Ville de ROME en a réglé le coût (8.200,80 euros TTC).

Mais conformément à l'article 1315 alinéa 1er du code civil le BET doit prouver, - ce qu'il ne fait pas - soit que ces prestations faisaient partie de celles que lui avait commandées la société ODBC, soit que cette dernière s'était engagée à les lui rembourser.

La circulaire d'application de la loi italienne du 2 février 1974 sur la responsabilité en la matière est sans incidence sur l'administration de la preuve précitée dans laquelle la société intimée échoue.

Comme le souligne la société ODBC, celle-ci n'a même pas été destinataire des copies des échanges de correspondances directes entre la Ville de ROME et le BET sur ce point.

En conséquence la Cour, par réformation rejette cette demande mal fondée.

4) Frais d'économiste de la construction

La rémunération des prestations du BET fixée par la Cour tient compte des frais d'études de celui-ci et partant de ceux d'économiste.

La Cour confirme le rejet par les premiers juges de cette demande faisant double emploi avec la rémunération allouée (supra 2).

5) Frais de voyage

Ces frais sont en relation démontrée avec l'exécution des prestations commandées par l'architecte au BET et dans la fixation de la rémunération sus-allouée (supra 2) la Cour n'en a pas tenu compte, de sorte que cette réclamation ne fait pas double emploi avec la demande de rémunération de 29.854,55 euros TTC.

Et la discussion sur la loi italienne relative à la prise en charge des frais de voyage est ici sans portée dans la mesure où la société TERREL INTERNATIONAL n'est pas sous-traitant de l'architecte co-contractant du maître d'ouvrage étranger.

Dans les rapports contractuels entre l'architecte et le bureau d'études dont il s'est adjoint les services, le premier, sauf clause contraire, doit supporter les frais de déplacement du second pour les besoins de sa mission.

En conséquence la Cour confirme la condamnation prononcée de ce chef.

6) Intérêts

S'agissant d'une créance contractuelle de somme d'argent les intérêts courront à compter de l'assignation en paiement, conformément à l'article 1153 du code civil.

II/ SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La Cour confirme le jugement du chef des dépens et des frais non compris dans ceux-ci.

La société ODBC qui échoue partiellement en appel supportera les trois quarts des dépens exposés devant la Cour et, l'équité le commandant, réglera 1.200 euros à l'intimée au titre des frais hors dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Réforme partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Déboute la société TERREL INTERNATIONAL de sa demande en paiement de la somme de 8.200,80 euros TTC au titre des études géotechniques,

Confirme pour le surplus,

Y ajoutant :

Dit que les condamnations confirmées, soit 29.854,55 euros TTC et 3.247,24 euros TTC, produiront intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2004,

Condamne la société Odile DECQ -Benoît CORNETTE à payer à la société TERREL INTERNATIONAL la somme de 1.200 euros au titre des frais hors dépens d'appel,

Rejette les demandes autres plus amples ou contraires,

Fait masse des dépens d'appel qui seront supportés dans les proportions suivantes :

- trois quarts pour la société Odile DECQ-Benoît CORNETTE,

- un quart pour la société TERREL INTERNATIONAL,

Et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.