Cass. 1re civ., 20 février 2019, n° 17-18.415
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
SCP Alain Bénabent, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Piwnica et Molinié, SCP Sevaux et Mathonnet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2017), que la société Camera One, fondée et dirigée par M. T..., ayant fait l'acquisition des droits d'adaptation cinématographique du roman de science-fiction « Dune » de D... J..., a, aux débuts des années 1970, confié à Z... X..., dessinateur et scénariste de bandes dessinées, la création de l'univers graphique des personnages et la scénarisation du film ; que, n'ayant pu réaliser le film projeté, la société Camera One a cédé ses droits d'adaptation du roman mais a conservé plus de deux-cent-cinquante planches, comportant chacune plusieurs dessins réalisés par Z... X... ; que celui-ci, décédé le [...] , a laissé pour lui succéder son épouse, Mme E..., et ses quatre enfants, Mme Q... X... et M. R... X..., nés d'une première union avec Mme V..., et Mme N... X... et M. K... X..., nés de son union avec Mme E... ; que Mme W... a été désignée en qualité d'administrateur provisoire de la succession ; qu'après leur avoir vainement demandé la restitution des oeuvres, Mme E... et la société O... production Z... X..., à laquelle l'artiste avait cédé les droits d'exploitation de ses oeuvres graphiques, ont assigné M. T... et la société Camera One en restitution et en réparation de leur préjudice ; que Mme N... X... et M. K... X... sont intervenus volontairement à la procédure, à laquelle ont été attraits Mme W..., ès qualités, ainsi que Mme Q... X... et M. R... X... ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° T 17-18.415, ci-après annexé :
Attendu que M. T... et la société Camera One font grief à l'arrêt de leur ordonner de restituer les oeuvres entre les mains du mandataire successoral et de les condamner à payer une certaine somme en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte au droit de divulgation ;
Attendu qu'après avoir rappelé à bon droit que, pour être utilement revendiqué, le bénéfice des dispositions de l'article 2276 du code civil suppose l'existence d'une possession non équivoque, à titre de propriétaire, l'arrêt relève que la société Camera One a demandé à Z... X... de contribuer à l'adaptation à l'écran du roman « Dune », en réalisant les oeuvres revendiquées ; qu'il en déduit que la convention conclue par les parties doit recevoir la qualification de contrat de louage d'ouvrage ou d'entreprise, exclusive en l'espèce de toute intention libérale, peu important que le prix n'ait pas été fixé lors de la formation du contrat ; qu'il retient, eu égard aux techniques de reproduction de dessins qui prévalaient à l'époque, que l'exécution d'un tel contrat comporte nécessairement une phase de remise du support matériel des oeuvres, caractérisant un contrat de dépôt, en sorte que M. T... et la société Camera One, dépositaires des oeuvres en cause, ne sont pas fondés à se prévaloir de la prescription acquisitive ; que la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° A 17-19.273, ci-après annexé :
Attendu que Mme E... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées au titre de l'atteinte portée au droit de divulgation et de retenir que que celui-ci appartient aux quatre descendants de Z... X..., Mme Q... X..., M. R... X..., M. K... X... et Mme N... X... ;
Attendu que l'arrêt constate que les éléments produits par Mme E... pour témoigner de la volonté de Z... X... consistent en une lettre datée du 4 janvier 2012 traitant essentiellement de questions patrimoniales, un entretien donné par Z... X... à M. F... et des dessins de Z... X... intitulés du surnom de Mme E... et portant des dédicaces à son intention ; que, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a estimé que, si ces éléments permettaient de confirmer le grand attachement de l'auteur à son épouse et le rôle important que celle-ci avait pu jouer à ses côtés, ils ne révélaient, à aucun moment, une volonté clairement exprimée de la désigner comme titulaire du droit de divulgation ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen du même pourvoi, ci-après annexé :
Attendu que Mme E... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts en raison du défaut d'exploitation des oeuvres litigieuses ;
Attendu qu'ayant relevé, d'une part, que Z... X... n'avait jamais exprimé l'intention d'exploiter les planches qu'il avait remises à la société Camera One, d'autre part, qu'il n'était justifié d'aucun projet d'exposition de celles-ci, la cour d'appel en a souverainement déduit que le préjudice allégué n'était pas établi ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.