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Décisions

ADLC, 3 septembre 2010, n° 10-DCC-91

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société SBFM par la société Renault S.A.S

ADLC n° 10-DCC-91

2 septembre 2010

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 21 septembre 2009, déclaré complet le 3 août 2010, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société SBFM par la société Renault S.A.S;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

A. LES ENTREPRISES

1. La société Renault S.A.S est la filiale à 100 % de la société Renault S.A, société de tête du groupe Renault. Le groupe Renault a pour principales activités la conception, la fabrication et la commercialisation d’utilitaires ainsi que de véhicules à destination des particuliers. Le capital de la société Renault S.A est détenu à hauteur de 15,01 % par l’Etat français, de 15 % par Nissan France, de 3,34 % par ses salariés et de 63,57 % par le public, le solde étant auto-détenu. Le chiffre d’affaires total mondial hors taxes réalisé par le groupe Renault en 2008, s’élève à 37,79 milliards d’euros, soit 27,65 milliards d’euros dans l’Union européenne dont 13 milliards d’euros en France.

2. La Société Bretonne de Fonderie et de Mécanique (« SBFM »), spécialisée dans la fonderie de fonte, produit des pièces destinées à l’industrie automobile et principalement des collecteurs d’échappement. Ancienne filiale du groupe Renault (jusqu’en 1998), la SBFM était, antérieurement à la présente opération, intégralement détenue par la société Zen France, étant précisé que compte tenu de ses difficultés financières, la gestion directe de la SBFM a été confiée depuis le 24 février 2009 aux administrateurs judiciaires. Le chiffre d’affaires total mondial hors taxes réalisé par la société SBFM en 2008, s’élève à 72,6 millions d’euros, intégralement réalisé dans l’Union européenne et dont 44 millions d’euros en France.

 

B. L’OPÉRATION

3. Par jugement en date du 28 novembre 2008, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SBFM. Dans ce contexte, la société Renault S.A.S a présenté une offre en date du 28 septembre 2009 définissant les actifs qu’elle se proposait de reprendre. Par jugement en date du 29 septembre 2009, le tribunal de commerce de Lyon a arrêté, au profit de la société Renault S.A.S, un plan de cession des actifs de la SBFM.

* * *

4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société SBFM par le groupe Renault, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés par l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Eu égard aux activités exercées par les parties, la présente opération emporte un chevauchement sur le marché des pièces détachées réalisées par fonderie de fonte à destination de l’industrie automobile.

 

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS

6. A l’occasion de sa décision n°09-DCC-08, l’Autorité de la concurrence a relevé, dans le prolongement de la pratique décisionnelle antérieure1, qu’en matière de pièces détachées, chaque type de pièce peut constituer un marché pertinent. Le ministre de l’économie a, pour sa part, fait une observation similaire dans le cas particulier de l’industrie automobile2.

7. L’Autorité de la concurrence s’est également interrogée, tout en laissant la question ouverte, sur une possible segmentation du marché des pièces détachées suivant la technique de fabrication, le secteur d’activité des clients, et le métal utilisé3.

8. En l’espèce, la SBFM est spécialisée dans la production, pour l’industrie automobile, de pièces de collecteur d’échappement par un procédé de fonderie de fonte. Le groupe Renault, quant à lui, est également présent sur le marché des pièces détachées obtenues par fonderie via ses sociétés La Fonderie Normande et Auto Chassis International (ci-après « ACI »). Cependant, le groupe Renault ne produit pas de pièces de collecteur d’échappement et seule la société ACI utilise de la fonte pour la réalisation de ses pièces.

9. Par conséquent, l’analyse des éventuels effets horizontaux emportés par l’opération sera menée sur le marché des pièces automobiles obtenues par fonderie de fonte.

10. Dans la mesure où le groupe Renault est également présent sur le marché aval de la production de véhicules automobiles, le segment particulier des pièces de collecteur d’échappement obtenues par un procédé de fonderie de fonte sera analysé, pour sa part, au titre des effets verticaux.

11. En l’absence de problème concurrentiel, la question de la délimitation exacte du marché des pièces détachées peut être laissée ouverte.

 

B. DÉLIMITATION DES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

12. En matière de pièces détachées automobiles, la pratique décisionnelle4 a considéré de manière constante que les marchés étaient de dimension au moins communautaire dans la mesure où les fabricants de pièces automobiles exercent leurs activités à travers toute l’Europe et où il n’existe pas de standards techniques ou autres barrières réglementaires au commerce au sein de l’Espace économique européen, et pas davantage de barrières douanières entre les Etats membres.

13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

 

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

14. Sur le marché européen des pièces automobiles obtenues par fonderie de fonte les parts de marché estimées5 de la SBFM et du groupe Renault sont toutes deux inferieures à 5 %. Ainsi, à l’issue de l’opération, la part de marché de la partie notifiante demeurera inférieure à 10 %. Le groupe Renault demeurera confronté à la concurrence exercée notamment par les groupes Teksid, Infun ou encore Wescast.

15. Au vu de ce qui précède, la présente opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché des pièces détachées obtenues par fonderie de fonte.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

16. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe les risques d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux lorsque la part des entreprises concernées sur les marchés considérés ne dépasse pas 30 %6.

17. En l’espèce, sur le marché européen des pièces de collecteur d’échappement obtenues par un procédé de fonderie de fonte, la part de marché estimée7 de la SBFM s’élève à 14 %. Par ailleurs le groupe Renault s’approvisionnait déjà, avant l’opération, auprès de la SBFM pour un volume total représentant 60 % de la production de cette dernière.

18. Au vu de ce qui précède, la présente opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 09-0088 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie n°C2007-135 du 26 novembre 2007.

2 Voir la lettre du ministre de l’économie n°C2007-149 du 4 janvier 2008.

3 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-08 précitée.

4 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-34 du 7 août 2009.

5 Données 2008, obtenues par les parties auprès de l'organisation professionnelle Fondeurs de France.

6 Voir les Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, paragraphe 400.

7 Sur la base d’un marché européen estimé par les parties à 23,52 millions d’unités en 2008.