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Décisions

ADLC, 17 janvier 2011, n° 11-DCC-02

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société ASC Leman par la société ITM Alimentaire Centre Est

ADLC n° 11-DCC-02

16 janvier 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 17 décembre 2010, relatif à l’acquisition de la totalité des titres de la société ASC Leman par le groupe ITM Alimentaire Centre-Est, formalisée par un protocole de cession en date du 16 septembre 2010 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société ITM Entreprises, contrôlée à 100 % par la Société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par 1 330 personnes physiques dits « adhérents associés », conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de « Groupement des Mousquetaires ». En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l’animation d’un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Ecomarché, Netto, Restaumarché, Bricomarché, Roady et Vêti. Cette gestion s’effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d’enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d’approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au « Groupement des Mousquetaires ».

2. La société ITM Alimentaire Centre-Est est une société de droit français détenue à [>50] % par la société ITM Alimentaire France, elle-même détenue par la société ITM Entreprises. La société ITM Entreprises a confié à la société ITM Alimentaire Centre Est l’animation et le développement du réseau de franchisés exploitant sous les enseignes Intermarché, Ecomarché et Netto dans la région Centre-Est de la France.

3. La société ASC Leman est une société par action simplifiée de droit français qui exploite un point de vente à dominante alimentaire sous l’enseigne Intermarché à Thonon les Bains (74). Les titres de la société ASC Leman sont détenus à [>50] % par la société holding DB Distribution, la société ITM Entreprises détenant une action de préférence. La société DB Distribution est détenue à [>50] % par Monsieur X, signataire de la charte d’adhésion du groupement des Mousquetaires.

4. L’opération notifiée, formalisée par un protocole de cession en date du 16 septembre 2010, consiste en l’acquisition, par la société ITM Alimentaire Centre-Est des titres de la société ASC Leman détenus par la société holding DB Distribution, via l’acquisition de cette dernière. La partie notifiante souligne que la présente opération est provisoire, les titres acquis devront être rétrocédés dans les meilleurs délais à un nouvel exploitant.

5. Les statuts de ASC Leman confèrent à ITM Entreprises, pendant 15 ans, la possibilité de bloquer tout changement d’enseigne, de s’opposer à toute mutation d’actions et d’obliger les actionnaires majoritaires à céder le fonds de commerce dès l’instant où ils exploiteraient un fonds de commerce similaire sous une enseigne concurrente. De plus, le contrat d’enseigne confère à ITM Entreprises, pour 15 ans, un droit de préférence en cas de cession du fonds de commerce à un prix calculé selon une formule prédéterminée. Enfin, après 15 ans, si ITM Entreprises n’a plus la possibilité de bloquer tout changement d’enseigne ou de s’opposer à toute mutation d’actions, ITM Entreprises conserve un droit de préférence sur toute vente de titres pendant 5 années supplémentaires.

6. Il ressort de ce qui précède, qu’avant l’opération, ITM Entreprises, exerce déjà conjointement avec Monsieur X, le contrôle de la société ASC Leman.

7. En ce qu’elle se traduit par le passage du contrôle conjoint au contrôle exclusif des sociétés ASC Leman, via la prise de contrôle exclusif de la société DB Distribution, par le groupe ITM entreprises, via sa filiale ITM Alimentaire Centre-Est, l’opération notifiée est bien une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

8. Les entreprises concernées exploitent un ou plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (groupe ITM Entreprises : […] milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2009 ; la société ASC Leman : […] millions d’euros pour la même année). Chacune réalise en France dans le secteur du commerce de détail un chiffres d’affaires supérieur à 15 millions d’euros (groupe ITM Entreprises : […] milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2009 ; la société ASC Leman : […] millions d’euros pour la même année). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

9. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s’agit, d’une part, des marchés « aval », de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d’autre part, des marchés « amont » de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

 

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICE

10. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l’ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

11. Les supermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d’une surface légale de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m2.

12. En l’espèce, le magasin concerné par l’opération occupe aujourd’hui une surface de vente de 2 460 m², il rentre donc dans la catégorie des supermarchés.

 

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

13. Dans ses décisions récentes relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l’Autorité de la concurrence a rappelé qu’en fonction de la taille des magasins concernés, les conditions de la concurrence devaient s’apprécier sur deux zones différentes :

- un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d’une zone et l’offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux ;

- un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l’offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

14. D’autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l’impact d’une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d’espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

15. En l’espèce, le magasin concerné entrant dans la catégorie des supermarchés, l’analyse concurrentielle sera menée sur le seul marché incluant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon de 15 minutes autour de Thonon les Bains.

B. MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

16. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la Commission européenne a retenu l’existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales1.

17. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

 

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE

18. Sur le marché comprenant les supermarchés, et formes de commerce équivalentes, situés dans une zone de chalandise de 15 minutes en voiture autour de Thonon les Bains, l’Intermarché exploité par la cible représente 7,2 % des surfaces de vente. Il n’y a pas d’autres magasins alimentaires exploités sous une des enseignes Intermarché dans la zone de chalandise. Ce magasin fait par ailleurs face à la concurrence d’un hypermarché et de quatre supermarchés du groupe Carrefour détenant 36,04 % des parts de marché, d’un hypermarché du groupe Cora détenant 21,37 % des parts de marché, et de nombreuses autres points de vente des enseignes Casino, Leclerc, Lidl et Système U.

19. Si, compte tenu de sa taille (2 460 m²), l’Intermarché devait être considéré comme un hypermarché, celui-ci représenterait 11,76 % des surfaces de vente sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone de chalandise de 30 minutes en voiture autour de Thonon les Bains. Ce magasin serait le seul hypermarché à enseigne Intermarché de la zone et aura à faire face à la concurrence des hypermarchés Cora (34,70 % des parts de marché), Super U (29,64 % des parts de marché) et Carrefour (11,95 % des parts de marché).

20. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés en cause.

 

B. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT

21. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, l’opération qui ne concerne qu’un seul magasin, n’est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.

Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval que sur le marché amont de la distribution.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 10-0232 est autorisée.  

 

NOTES :

1 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C.2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C.2007-172 relatif à la création de l’entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C.2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008.