Livv
Décisions

ADLC, 1 juillet 2011, n° 11-DCC-101

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Amosdec par la société Avnet France

ADLC n° 11-DCC-101

30 juin 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 25 mai 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Amosdec par la société Avnet France, formalisée par la signature le 17 mai 2011 d’un accord relatif à l’acquisition par la société Avnet France de la totalité du capital de la société Amosdec ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Avnet Inc. est une société de droit américain à la tête d’un groupe de sociétés (ci-après, le « groupe Avnet ») intervenant dans la distribution de composants électroniques et de produits et services informatiques, présent dans de nombreux pays européens. Le groupe est actif en France par le biais de sa filiale Avnet France.

2. Amosdec est une société par action simplifiée intervenant dans la distribution de solutions de gestion et d’optimisation d’infrastructures informatiques. A ce titre, Amosdec distribue des logiciels, propose des solutions de stockage de données et dispense des formations spécifiques.

3. L’opération, formalisée par un accord signé par les parties le 17 mai 2011, porte sur l’acquisition par Avnet France de la totalité des actions composant le capital d’Amosdec. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif d’Amosdec par le groupe Avnet, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Avnet : […] milliards d’euros en dernier exercice clos au 30 juin 2010, Amosdec : 62,6 millions d’euros dernier exercice clos au 31 décembre 2010). Chacune réalise en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Avnet : […] millions d’euros dernier exercice clos au 30 juin 2010, Amosdec : 62,6 millions d’euros dernier exercice clos au 31 décembre 2010). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHES DE PRODUITS ET SERVICES

5. Avnet et Amosdec sont présents dans le secteur de la distribution en gros de produits et services informatiques. Le secteur de la distribution de ces produits fait intervenir plusieurs catégories d’acteurs d’amont en aval, à savoir les constructeurs, les grossistes, les distributeurs et les clients finals. Les parties à l’opération interviennent à la fois en amont, en qualité d’acheteurs auprès des différents constructeurs, et en aval, sur les marchés de la distribution de ces produits auprès de leurs clients.

 

1. LES MARCHÉS AMONT DE LAPPROVISIONNEMENT

6. En amont, les constructeurs vendent leurs produits soit directement aux distributeurs, soit, le plus souvent, à des grossistes, dont le rôle est de disposer d’une large gamme de produits informatiques et de fournir ceux-ci à leurs clients distributeurs dans des délais très courts. Les parties à l’opération appartiennent à la catégorie des grossistes. Il peut également arriver que le constructeur s’adresse directement aux clients finals. On parle dans ce cas de « ventes directes ».

7. Concernant l’approvisionnement de produits des technologies de l’information, l’Autorité a envisagé de distinguer autant de marchés que de familles de produits dans la mesure où les fabricants ne peuvent se convertir facilement dans la fabrication d’autres produits que les leurs et où la structure de l’offre, la dynamique tarifaire ou encore les contraintes de fabrication peuvent varier sensiblement d’une famille de produits à l’autre1.

8. Au cas d’espèce, une telle délimitation pourrait être retenue pour l’approvisionnement en produits informatiques auprès des différents constructeurs. En tout état de cause, en l’absence de toute difficulté dans l’analyse concurrentielle, la question de la délimitation précise de ce marché peut être laissée ouverte.

 

2. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

9. La pratique décisionnelle européenne et nationale2 considère que la distribution en gros de produits informatiques aux distributeurs constitue un marché distinct de la distribution au détail compte tenu de caractéristiques propres. Les grossistes sont en effet en mesure de proposer une gamme de produits très large, en s’approvisionnant auprès de plusieurs constructeurs, et de livrer leurs clients dans des délais courts, grâce à des capacités logistiques importantes. Par ailleurs, il a été souligné que les ventes directes assurées par les constructeurs auprès des distributeurs exerçaient une certaine pression concurrentielle sur les ventes des grossistes, notamment en termes de prix3.

10. Concernant le marché de la vente en gros de produits informatiques aux distributeurs, les autorités de concurrence ont envisagé de segmenter celui-ci en fonction du canal de distribution, du type de logiciel ou matériel et, enfin, en fonction des services fournis4.

11. Trois catégories de distributeurs ont été identifiées : les grandes et moyennes surfaces généralistes et spécialisées (par exemple Carrefour, Auchan, Boulanger, Fnac, etc.) ; les revendeurs à valeur ajoutée (les « value-added resellers » ou VARS qui intègrent leurs propres logiciels au matériel acheté en gros en vue de leur revente) ; et les distributeurs spécialisés pour les clients professionnels (« corporate resellers »). En l’espèce, l’opération n’engendre des chevauchements d’activités que sur la deuxième catégorie de distributeurs, la cible ne commercialisant ses produits qu’auprès des VARS.

12. Il a ensuite été envisagé de segmenter le marché selon le type de matériel vendu, en distinguant notamment (i) les micro-ordinateurs et serveurs, (ii) les imprimantes et cartouches, (iii) les logiciels, et (iv) les accessoires et autres périphériques5. La Commission européenne a également envisagé à plusieurs reprises l’existence de marchés distincts concernant les serveurs, les accessoires de stockage, les périphériques et les logiciels6. En l’espèce, les activités des parties se chevauchent uniquement sur le segment des accessoires de stockage et sur celui des logiciels.

13. Enfin, une segmentation par type de services distribués a été envisagée en distinguant (i) la maintenance de matériels informatiques et de supports logistiques, (ii) la maintenance de logiciels et de supports logistiques, (iii) le conseil, (iv) le développement et l’intégration de logiciels, (v) les services de gestion globale, (vi) les services de gestion d’entreprise et (vii) l’enseignement et la formation7. En l’espèce, les parties ne distribuent des services que de manière accessoire à leur activité principale de vente de produits informatiques8. En outre, selon cette segmentation, l’opération n’entrainera aucun chevauchement d’activité.

14. Au cas d’espèce, la question de la délimitation précise de ce marché de la vente en gros de produits et services informatiques peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit l’hypothèse retenue, l’analyse concurrentielle demeurera inchangée.

 

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

15. La pratique décisionnelle européenne et nationale9 a considéré que les marchés de la vente en gros de produits informatiques étaient plutôt de dimension nationale, compte tenu notamment de la nécessité pour les grossistes de communiquer dans la langue de leurs clients et de maintenir une relative proximité géographique avec ces derniers destinée à faciliter une livraison rapide.

16. De même, les marchés de l’approvisionnement en produits informatiques auprès des constructeurs pourraient revêtir une dimension au moins nationale.

17. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de délimiter avec précision la dimension géographique de ces marchés dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

 

III. L’analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS AVAL

18. A titre liminaire, il convient de relever que la partie notifiante a fourni une estimation de ses parts de marché sur la base d’une étude prospective IDC de juillet 2006 qui propose une prévision de l’évolution du secteur à l’horizon 2010. La taille des marchés retenue par cette étude est significativement plus importante que celle retenue dans les décisions précédentes de l’Autorité10, lesquelles se fondaient sur les estimations de la revue professionnelle « Distributique » pour l’année 2009. Néanmoins, en l’espèce, quelle que soit l’estimation retenue, l’analyse concurrentielle demeure inchangée. Les parts de marché présentées dans la présente décision sont donc calculées sur la base des données Distributique, plus conservatrices que celles utilisées par les parties.

19. Sur un marché total français de la distribution en gros de produits informatiques, estimé à hauteur de 11,8 milliards d’euros, Avnet et Amosdec disposent respectivement de parts de marché de [0-5] % et [0-5] %, soit une part de marché cumulée de [0-5] %. Les parties n’ont pas été en mesure d’estimer précisément les parts de marché de leurs principaux concurrents mais considèrent néanmoins que Tech Data représente entre 10 et 20 % du marché, Ingram entre 5 et 10 %, Actebis, ETC, Dexxon Data Media, UFP, DCC and Comtrade, Coriolis Telecom/Mobiles&Accessoires et Extenso Telecom représentant individuellement jusqu’à 5 % du marché.

20. En ce qui concerne plus précisément les marchés segmentés selon le canal de distribution, les parties à l’opération ne sont simultanément présentes que sur le seul segment de la distribution auprès des VARS. Sur celui-ci, la nouvelle entité disposera d’une part de marché inférieure à 5 % et demeurera confronté à la concurrence des mêmes acteurs que ceux listés au paragraphe précédent.

21. En ce qui concerne la segmentation du marché selon le type de matériel, les parties sont simultanément présentes sur le segment des produits de stockage de données et sur le segment de la distribution de logiciels.

22. Sur le segment des produits de stockage de données, la part de marché combinée des deux entités restera inférieure à 25 % dans l’hypothèse la plus défavorable, résultant d’une addition limitée de parts de marché (Amosdec dispose de moins de [5-10] % de parts de marché). La nouvelle entité restera confrontée à de nombreux concurrents dont les principaux sont Tech Data, Ingram, Arrow, Alitmate, Actebis.

23. Sur le segment de la distribution de logiciels, les positions des parties à l’opération sont faibles et restent en tout état de cause inférieures à 5 %. A l’issue de l’opération, la nouvelle entité demeurera un acteur mineur sur ce marché, confronté à la concurrence de groupes tels que Tech Data, Actebis France ou encore ETC et Arrow.

24. Enfin, sur un éventuel marché global des services informatiques, la nouvelle entité disposera d’une part de marché inférieure à [0-5] %.

 

B. LES MARCHÉS AMONT

25. Les parties estiment que le poids de leurs achats auprès des constructeurs reflète leurs parts de marché en tant que grossistes. Ainsi, leurs achats ne représentent jamais plus de 25 % des ventes, quels que soient les segments de marché envisagés. En outre, le marché de la distribution en gros de commodités informatiques est caractérisé par un nombre important de grossistes-acheteurs, de plus de 400 acteurs dont un nombre croissant de grossistes spécialisés dans la vente en ligne.

26. Dans ces conditions, compte tenu de l’atomicité du marché et des faibles parts de marché des parties, l’opération n’est pas susceptible de renforcer la puissance d’achat de la nouvelle entité et de placer les fournisseurs en situation de dépendance économique.

27. Compte tenu des éléments qui précèdent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0094 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir la décision 10-DCC-127 du 23 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Comtrade par le groupe DCC.

2 Décisions de la Commission européenne n° IV/M.1179 Tech Data/Computer 2000 du 03/06/1998 ; n° COMP/M.5091 Tech Data/Scribona du 28/04/2008 ; lettre du ministre n° C2007-160 du 14 décembre 2007 au conseil de la société Gem Logistics Ltd ; décision de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-39 du 4 septembre 2009.

3 Voir notamment la décision n° M.5091 de la Commission européenne précitée.

4 Voir les décisions de la Commission européenne M.1179 et M.5091 précitées ; les lettres du ministre C2007-29 du 6 avril 2007 aux conseils de la société Westcon European Holding, et C2007-160 précitées ; la décision de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-39 précitée.

5 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-39 du 4 septembre 2009 relative à l’acquisition par Systemax de Wstore Europe SA et 10-DCC-127 précitées.

6 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.5864 du 2 juillet 2010 Avnet / Bell Micro.

7 Lettre du ministre C2007-160 précitée.

8 Cette activité ne représente qu’à peine 3 % de leur chiffre d’affaires respectif.

9 Voir les décisions précitées.

10 Voir notamment la décision 10-DCC-127.