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Décisions

ADLC, 18 juillet 2011, n° 11-DCC-109

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Creuzet Aéronautique SA et Indraero-Siren SAS par le groupe Lisi Aerospace SAS

ADLC n° 11-DCC-109

17 juillet 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 9 juin 2011, relatif à l’acquisition du contrôle exclusif des sociétés Creuzet Aéronautique SA et Indraero-Siren SAS par le groupe Lisi Aerospace SAS ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Lisi Aerospace SAS (ci-après « Lisi Aerospace »), contrôlée à 100 % par la société Lisi SA, holding de tête du groupe Lisi (ci-après « groupe Lisi »), fabrique et fournit notamment des fixations et composants d’assemblage pour l’aéronautique et l’industrie automobile. Le groupe Lisi exerce également une activité de sous-traitance d’implants médicaux.

2. Les sociétés SA Creuzet Aéronautique (ci-après « Creuzet Aéronautique ») et SAS Indraéro-Siren (ci-après « Indraéro »), sont indirectement contrôlées par Monsieur Jacques Barrillot-Creuzet. Elles sont actives dans le secteur de la fabrication de pièces et composants destinés à l’industrie aéronautique. Ainsi, la société Creuzet fabrique des pièces aéronautiques dont les applications se retrouvent principalement dans les éléments de fuselage et les moteurs d’avions. La société Indraéro réalise des pièces et ensembles qui se retrouvent principalement dans les éléments de structure d’avion et exerce une activité d’assemblage de pièces aéronautiques, de fabrication d’équipements aéronautiques et d’aménagement intérieur d’aéronefs.

3. Le 17 mars 2011, Lisi SA a adressé une offre d’acquisition de 100 % des titres et des droits de votes de Creuzet Aéronautique et Indraéro aux actionnaires de ces sociétés.

 4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxe sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Lisi : […] millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2010 ; Creuzet Aéronautique et Indraéro : […] millions d’euros pour le même exercice). Chacune des entreprises concernées réalise un chiffre d’affaires en France supérieur à 50 millions d’euros (Lisi : […] millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2010 ; Creuzet Aéronautique et Indraéro : […] millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle de l’article L.430-3 du code de commerce sont franchis. La concentration est donc soumise aux dispositions des articles L.430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties interviennent dans la fabrication de pièces et composants pour l’industrie aéronautique. En particulier, elles sont simultanément actives dans le seul secteur des verrous aéronautiques, sur lequel seules Lisi Aerospace et Indraéro sont présentes.

 

A. LE MARCHE DE PRODUITS

6. Les parties produisent des composants d’assemblage aéronautiques, qui sont utilisés dans la construction des aéronefs.

7. L’Autorité de la concurrence a déjà eu l’occasion de souligner qu’ « en matière de pièces détachées, la pratique décisionnelle nationale considère que chaque type de pièce peut constituer un marché pertinent »1. Cette solution a été retenue dans différents secteurs tels que les industries automobile2, ferroviaire3, mécanique4 et aéronautique5. Dans le domaine aéronautique, les autorités de concurrence ont ainsi déjà envisagé des marchés relatifs à certains composants aéronautiques, comme les connecteurs6, les systèmes de filtration7 ou les fixations aéronautiques8 notamment.

 8. En l’espèce, les parties proposent de définir un marché distinct des verrous aéronautiques. Elles précisent que les verrous aéronautiques ont un usage propre. On les retrouve à différents endroits d’un avion : certains se trouvent sur la structure externe (trappes de visite, soutes, etc.) ; d’autres sont destinés à intégrer l’intérieur de l’avion (verrous pour portes de sanitaires par exemple). Les verrous aéronautiques ont vocation à être actionnés à de multiples reprises et doivent pour cela pouvoir supporter plusieurs milliers de cycles pour recevoir les certifications appropriées. Les parties en concluent que les verrous aéronautiques ne sont pas substituables aux autres composants.

9. La question de la définition exacte du marché pertinent peut être laissée ouverte en l’espèce, dans la mesure où, quelle que soit la l’approche retenue, l’analyse concurrentielle ne sera pas modifiée.

 

B. LE MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

10. La Commission européenne a eu l’occasion de relever qu’« en ce qui concerne les équipements et services destinés au secteur aéronautique civil, (…) les principaux clients ont une politique d’achat au niveau mondial »9. Ainsi, elle a indiqué, sans toutefois trancher définitivement que les marchés des fixations aéronautiques étaient de dimension mondiale10. De la même manière, la pratique décisionnelle a retenu que le marché des connecteurs était probablement de dimension au moins européenne, voire mondiale, notamment en raison de la faiblesse des coûts de transport et des politiques d’achat globales des demandeurs11. Enfin, elle a retenu que le marché des systèmes de filtration était aussi probablement de dimension mondiale12.

11. En l’espèce, s’agissant des verrous aéronautiques, les clients des parties sont de grands groupes internationaux, puisqu’il s’agit de groupes tels que Boeing, Airbus, Bombardier, Eurocopter ou Safran. Aussi, les parties proposent de retenir un marché de dimension mondiale ou, à tout le moins, européenne.

12. Il n’est cependant pas nécessaire de trancher formellement cette question en l’espèce, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, l’analyse concurrentielle ne sera pas modifiée.

 

III. Analyse concurrentielle

13. Sur le marché des verrous aéronautiques, que les parties estiment à […] millions d’euros au niveau mondial, Lisi Aerospace détient une part de marché de [0-5] %. Les sociétés cibles ont une part de marché presque nulle, Indraéro étant seule active sur ce marché et y réalisant un chiffre d’affaires d’environ […] million d’euros. Au niveau européen, le groupe Lisi Aerospace détient une part de marché de [0-5] % et Indraéro une part de marché inférieure à [0-5] %. L’incrément auquel donne lieu l’opération est donc insignifiant et l’entité qui sera issue de la concentration ne représentera donc qu’une partie modeste du marché concerné.

 14. Par ailleurs, il convient de relever que Creuzet et Indraéro ont toutes deux des activités d’assemblage qui les conduit à faire appel aux producteurs de fixations aéronautiques tels que Lisi Aerospace. Or une concentration verticale peut restreindre la concurrence sur les marchés amont lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des opérateurs actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Une telle concentration peut également restreindre la concurrence sur les marchés aval lorsque la nouvelle entité active à l’amont, refuse de vendre ses produits aux acteurs présents à l’aval.

15. En l’espèce, cependant, sur le marché des fixations aéronautiques, Lisi Aerospace détient une part de marché de marché systématiquement inférieure à [10-20] %, au niveau européen ou mondial, et les achats de fixation de Creuzet et Indraéro restent marginaux dans ce secteur (moins de […] euros). Dès lors, même si Creuzet et Indraéro devaient se fournir uniquement auprès de Lisi Aerospace à l’issue de l’opération, le montant des achats concernés est trop modeste pour soulever des préoccupations de concurrence.

16. Enfin, à l’issue de l’opération, la nouvelle entité renforcera sa position dans le secteur de la fabrication de pièces et composants pour l’industrie aéronautique. Toutefois, tout risque d’atteinte à la concurrence par la mise en oeuvre d’un effet de gamme peut être écarté dans la mesure où les parts de marchés de la nouvelle entité restent faibles et où elle sera confrontée à des acheteurs au fort pouvoir de négociation, tels qu’Airbus, Boeing et Safran.

17. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0108 est autorisée.

 

NOTES :

1 Décision n°09-DCC-09 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Setforge par la société Farinia B.V.

2 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 26 novembre 2007 aux conseils du groupe Arche relative à une concentration dans le secteur des pièces pour automobiles.

3 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 4 janvier 2008 aux conseils de la société Gutehoffnungshütte GmbH relative à une concentration dans le secteur des pièces pour l’industrie ferroviaire.

4 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n°IV/M.479 Ingersoll Rand/Man du 28 juillet 1994 et n°IV/M.535 Mannesmann Demag/Delaval Stork du 21 décembre 1994.

5 Voir la décision COMP/M.2928 dans laquelle la Commission européenne a retenu l’existence d’un marché des fixations aéronautiques, distinct des autres composants aéronautiques.

6 Lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 24 mars 2004, au conseil de la société Molex Incorporated, relative à une concentration dans le secteur des connecteurs pour véhicules automobiles ; Lettre C 2006-59 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 31 mai 2006, aux conseils de Wendel Investissement, relative à une concentration dans le secteur des connecteurs électroniques.

7 Décision de la Commission européenne COMP/M.2021 Snecma / Labinal du 15 août 2000.

8 Décision de la Commission européenne COMP/M.2928 Alcoa / Fairchild du 14 octobre 2002.

9 Décision COMP/M.2021 précitée.

10 Décision COMP/M.2928 précitée.

11 Lettre C 2006-59 précitée.

12 Décision COMP/M.2021 précitée.