ADLC, 26 juillet 2011, n° 11-DCC-110
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Outremer Telecom par AXA Investment Managers Private Equity Europe SA
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 29 juin 2011, relatif à l’acquisition de la société Outremer Telecom par Axa Investment Managers Private Equity Europe SA ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. Axa Investment Managers Private Equity Europe SA (ci-après « AXA IMPEE ») est une société anonyme, filiale détenue à 100% par AXA Investment Managers Private Equity SA qui est elle même contrôlée par la société AXA1, société de tête du groupe AXA. AXA IMPEE est une société agréée par l’Autorité des Marchés Financiers qui a pour activité la gestion de capital-investissement. Le groupe Axa est principalement actif dans le secteur de l’assurance et de la gestion d’actifs.
2. Par le biais de ses fonds, le groupe AXA est actif dans divers secteurs, principalement ceux du recyclage, de la distribution de gaz, des énergies renouvelables et des autoroutes.
3. Outremer Telecom est une société anonyme dont les actionnaires principaux sont actuellement le fonds FCPR Apax France VI (30,23 %) et Monsieur Jean-Michel Hégésippe (18,67 %), Sofrapar (4,22%), et Altamir & Cie (3,36 %). Elle est active principalement dans les départements d’outre-mer dans les secteurs de la téléphonie fixe et mobile, l’accès à l’internet haut débit, les offres intégrées des services internet télévision et téléphonie fixe et dans la location de son réseau d’infrastructures de téléphonie.
4. Par contrat de cession d’actions en date du 24 juin 2011, AXA IMPEE, via AXA LBO Fund IV, acquiert le capital et des droits de vote d’Outremer Telecom détenus par FCPR Apax France VI, Monsieur Jean-Michel Hégésippe et Altamir & Cie. A l’issue de l’opération, le capital et les droits de vote d’Outremer Telecom seront répartis de la manière suivante : 52,26 % pour AXA IMPEE, 4,22 % pour Sofrapar, 1,83 % pour le Groupe Bernard Hayot, le reste étant détenu par des investisseurs privés dont aucun n’exerce une influence déterminante. Aucun des autres actionnaires ne disposant de droit de veto spécifique, l’opération constitue une prise de contrôle exclusif d’Outremer Telecom par AXA IMPEE.
5. En ce qu’elle se traduit, par la prise de contrôle exclusif de la société Outremer Telecom par AXA IMPEE, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxe sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Groupe Axa : 91 milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2010 ; Outremer Télécom: 188,1 millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2010). Chacune des entreprises concernées réalise un chiffre d’affaires en France supérieur à 50 millions d’euros (Groupe Axa : […] milliards d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2010 ; Outremer Télécom: […] millions d’euros pour l’exercice clos 31 décembre 2010). Compte tenu des chiffres d’affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Outremer Telecom est actif sur les marchés des télécommunications (téléphonie fixe, mobile et accès à internet). Cet opérateur se présente également comme un acteur potentiel sur les activités de gros de diffusion de la TNT.
A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET SERVICES
1. LES TÉLÉCOMMUNICATIONS
a) La téléphonie fixe
7. Conformément à la pratique des autorités nationales de concurrence2, le secteur de la téléphonie mobile peut être segmenté selon que la clientèle est résidentielle ou professionnelle et selon la destination des appels (vers fixes, vers mobiles, appels locaux / nationaux / internationaux).
8. Toutefois, en l’absence de tout enjeu de concurrence, la délimitation précise du marché de détail de la téléphonie fixe peut être laissée ouverte en l’espèce.
b) La téléphonie mobile
9. Conformément à la pratique des autorités nationales de concurrence3, le secteur de la téléphonie mobile peut être segmenté en trois marchés distincts : en amont, le marché de gros de la terminaison d’appel sur les réseaux mobiles ; au stade intermédiaire, le marché de détail de la téléphonie mobile ; en aval, le marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile.
10. S’agissant du marché de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles, la pratique décisionnelle4 considère que ce marché se définit comme le lieu de rencontre de l’offre des opérateurs de réseaux mobiles hôtes, qui disposent d’une licence d’exploitation et d’un réseau mobile « ad hoc » (les « MNOs ») et de la demande constituée par les opérateurs virtuels (les « MVNOs »), qui s’approvisionnent en temps de communication.
11. S’agissant du marché de détail de la téléphonie mobile, la pratique décisionnelle communautaire5 et nationale6 a considéré de façon constante que ce marché se définit comme le lieu de rencontre entre, d’une part, une offre constituée des MNO et MVNO qui sont en concurrence pour la fourniture de services de téléphonie mobile et, d’autre part, une demande constituée des consommateurs finaux, qu’il s’agisse de particuliers ou de professionnels. A l’occasion de sa décision n°11-DCC-07, l’Autorité de la concurrence a observé que se sont récemment développées de nouvelles offres, ayant pour point commun de permettre un accès à Internet en mobilité et notamment au Web ainsi qu’aux services de messagerie (mail) et a envisagé une segmentation du marché de détail de la téléphonie mobile, chacun des segments pouvant être sous-segmenté en fonction des catégories de clientèle (grand public et entreprises).
12. S’agissant du marché de la distribution de produits et services de téléphonie mobile, la pratique décisionnelle7 a défini un marché global qui regroupe la vente de temps de communication, de combinés de téléphonie mobile et d’autres services aux consommateurs finaux.
13. Il n’y a pas lieu de remettre en cause les différentes délimitations envisagées par la pratique décisionnelle à l’occasion de l’examen de la présente opération.
c) L’accès Internet
14. Dans le secteur de l’accès Internet, la pratique décisionnelle distingue, outre les marchés de gros, les marchés de la fourniture d’accès à Internet des marchés de la distribution au détail de services d’accès Internet.
15. S’agissant des marchés de la fourniture d’accès à Internet, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence8, a distingué le marché de la fourniture d’accès à Internet bas débit (via le réseau téléphonique commuté) et le marché de la fourniture d’accès à Internet haut débit et très haut débit (via les technologies du câble, de l’ADSL et de la fibre). Par ailleurs, à l’instar des marchés de fourniture de services de détail de téléphonie fixe, les marchés de la fourniture d’accès à Internet peuvent également être segmentés selon le type de client (clientèle résidentielle / clientèle professionnelle).
16. Le marché de la fourniture d’accès à Internet haut débit comprend l’ensemble des services haut débit, à savoir, outre l’accès à Internet, les services de voix sur IP, la télévision et la téléphonie fixe. Ces services sont généralement proposés dans le cadre d’une offre « triple-play ». Comme ces offres évoluent vers des offres dites « quadruple-play » intégrant une offre supplémentaire de téléphonie mobile, la question d’une segmentation plus fine de ce marché est envisagée.
17. S’agissant du marché de la distribution au détail de l’accès Internet à destination de la clientèle résidentielle, les autorités de concurrence nationales9 considèrent que la typologie des canaux de distribution des offres haut débit multiservices est similaire à celle des canaux de distribution des produits et services de téléphonie mobile, présentée ci-dessus. Toutefois, la répartition entre ces différents canaux de distribution des ventes d’abonnements haut débit multiservices est différente de celle des services de téléphonie mobile. En effet, une part significative des ventes d’abonnements est réalisée à distance, certaines offres étant quasi-exclusivement disponibles sur Internet ou par téléphone (telles que notamment les offres de Free).
18. Il n’y a pas lieu de remettre en cause les différentes délimitations envisagées par la pratique décisionnelle à l’occasion de l’examen de la présente opération.
2. LA TÉLÉDIFFUSION
19. Dans son avis n° 09-A-09 du 17 avril 2009 relatif à une demande d’avis de l’ARCEP portant sur l’analyse des marchés pertinents de gros des services de diffusion audiovisuelle, repris par la décision 10-D-09 du 9 mars 2010, l’Autorité de la concurrence a rappelé que la chaîne de valeur du secteur audiovisuel comporte quatre activités : la production, l’édition, la commercialisation ou distribution des contenus et, enfin, l’acheminement du signal du lieu de production aux terminaux des auditeurs ou des téléspectateurs.
20. Le secteur objet de la présente décision concerne le dernier maillon de cette chaîne et se définit comme étant le lieu où se rencontrent l’offre et la demande d’acheminement du signal à partir du site de diffusion vers les récepteurs des consommateurs finals. Deux marchés peuvent être distingués. En aval, se situent les prestations que les diffuseurs offrent aux éditeurs ou, dans le cadre de la télévision numérique terrestre (ci-après TNT), aux opérateurs de multiplex (également appelés les « multiplexes » ou MUX). En amont, il existe également un marché dit « de l’accès », comprenant les prestations offertes par un hébergeur à un diffuseur.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
21. A l’exception de la distribution au détail de l’accès à internet qui est de dimension nationale10, la pratique décisionnelle nationale11 a indiqué que la France métropolitaine devait être distinguée des départements d’outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et Saint Pierre-et-Miquelon car ces derniers possèdent des particularités (éloignement géographique et isolement des îles ; caractéristiques météorologiques, environnementales et sociologiques ; pénétration et démarrage spécifiques de l’activité mobile ; cadre réglementaire en matière d’octroi de licences d’autorisation des fréquences GSM, etc.).
22. Il n’y a pas lieu de remettre en cause les différentes délimitations envisagées par la pratique décisionnelle à l’occasion de l’examen de la présente opération.
III. Analyse concurrentielle
23. Le groupe AXA ne détient aucune participation contrôlante dans des sociétés actives sur les marchés où est présente Outremer Telecom, ni sur des marchés présentant des liens verticaux ou de connexité avec ceux-ci.
24. En effet, si AXA IMPEE détient 6,6 % du capital de l’opérateur de téléphonie mobile Budget Telecom qui est actif dans certains départements et territoires d’outre-mer, cette participation minoritaire ne lui donne pas une influence déterminante sur cette société.
25. De même, si AXA IMPEE détient indirectement 18 % du capital du groupe TDF, présent dans les secteurs de la diffusion télévisuelle et des télécommunications, cette participation minoritaire ne lui donne pas une influence déterminante sur TDF.
26. En effet, l'actionnariat de TDF s'articule comme suit : Texas Pacific Group (42 %), Caisse des Dépôts et Consignations (24 %), AXA IMPEE12 (18%), Charterhouse Capital Partners (14 %), divers (2 %). AXA IMPEE est donc le troisième actionnaire de TDF, loin derrière Texas Pacific Group. Cette participation minoritaire ne confère à AXA IMPEE aucun contrôle au sens du droit de la concurrence, AXA IMPEE n'étant pas en mesure de s’opposer au sein de TDF à la […], ni à la […], ou du […] ni aux décisions portant sur […].
27. S'agissant des organes de direction de TDF, comme AXA IMPEE ne propose […] sur les […] membres du conseil d’administration, elle n’a pas la possibilité de bloquer les décisions qui sont prises à la majorité simple. En outre, les sujets débattus au sein du conseil d'administration de TDF portent plutôt sur […] de TDF et les […], et non sur […] de TDF en Outremer, qui ne représentent qu'une part très marginale de ses ventes totales (environ [0-5] % pour les 5 départements ensemble). En effet, les procès-verbaux des trois derniers conseils d’administration de TDF montrent que les sujets débattus ont porté essentiellement sur […]. Les autres questions abordées sont relatives à des […].
28. Par ailleurs, si AXA IMPEE bénéficie de la communication de certaines informations relatives à TDF, il s’agit uniquement d'une information financière, portant sur les comptes trimestriels et annuels ainsi que les opérations d'acquisition envisagées, permettant uniquement à AXA IMPEE de suivre la performance financière de TDF.
29. En tout état de cause, Outremer Telecom n’est actuellement pas présent sur les marchés de gros des services de diffusion de la TNT : il n’a pas remporté l’appel d’offres lancé par France Télévisions pour lequel il proposait de s’appuyer sur son propre réseau de pylônes de diffusion radio et il n’héberge pas de diffuseur sur ce réseau.
30. Compte tenu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à favoriser la coordination des stratégies d’Outremer Telecom et TDF sur les marchés de gros aval des services de diffusion de la TNT sur lesquels ces deux sociétés se font concurrence.
DECIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0123 est autorisée.
NOTES :
1 La société Axa détient directement et indirectement 99% du capital d’AXA Investment Managers Private Equity SA.
2 Notamment décision n°09-D-24 du 28 juillet 2009 relative à des pratiques mises en oeuvre par France Telecom sur les différents marchés de services de communication fixe dans les DOM ; décision n°11-D-05 du 23 février 2011 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des communications électroniques dans la zone Réunion – Mayotte ; décision n°10-DCC-182 du 13 décembre 2010 relative à la prise de contrôle de la société Altitude Telecom par le groupe Altice B2B.
3 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-35 du 6 août 2009, n°09-DCC-65 du 30 novembre 2009 et n°11-DCC-07 du 28 janvier 2011.
4 Décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-65 du 30 novembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de Tele2 Mobile par Omer Telecom Limited
5 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n°COMP/M.3916 T-Mobile Austria/Tele.ring du 26 avril 2006 et n°COMP/M.5650 T-Mobile/Orange du 1er mars 2010.
6 Voir notamment la lettre du ministre n°C2007-150 du 23 novembre 2007ainsi que les décisions de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-65 et n°11-DCC-07 précitées.
7 Voir notamment la décision de l’Autorité n°09-DCC-35 du 6 août 2009 ainsi que la décision n°11-DCC-07 précitée.
8 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-182 du 13 décembre 2010 et n°09-DCC-35 précitée.
9 Voir notamment la décision n°09-DCC-35 précitée.
10 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie du 23 novembre 2007.
11 Voir par exemple la lettre du ministre n°C2007-150 précitée, les décisions de l’Autorité n°09-DCC-35 et n°09-DCC-65 précitées.
12 Plus exactement, AXA IMPEE est actionnaire […].