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Décisions

ADLC, 26 juillet 2011, n° 11-DCC-120

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de Camélia Participations SAS par Capgemini France SAS

ADLC n° 11-DCC-120

25 juillet 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 20 juin 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif de Camélia Participations SAS (ci-après « Camélia Participations ») par Capgemini France SAS (ci-après « Cagemini France »), formalisée par un contrat de cession d’actions en date du 28 juin 2011 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Capgemini France est la holding des filiales françaises du groupe Cap Gemini. Elle est détenue à 100 % par Cap Gemini SA, la société mère du groupe Cap Gemini. Cap Gemini SA est une société cotée dont aucun actionnaire ne dispose de droits de veto de nature à lui octroyer une influence déterminante sur les décisions stratégiques de la société. Le groupe Cap Gemini (ci-après « Cap Gemini ») est spécialisé dans les services informatiques et le conseil en organisation. Il est organisé autour de quatre métiers : (i) le conseil en stratégie et transformation, (ii) l’intégration de systèmes et applications informatiques, (iii) l’infogérance et (iv) les services informatiques de proximité.

2. Camélia Participations est détenue à hauteur de 89,92 % par Apax Partners, 2,67 % par la Financière de l’Échiquier Funds, 1,21 % par Odyssée et 7,2 % par trois dirigeants ou anciens dirigeants. Camélia Participations a pour seule activité la détention de 95,06 % du capital de Prosodie, une société anonyme dont le reste du capital est détenu par trois dirigeants ou anciens dirigeants. Prosodie est un opérateur de services, expert en solutions télécoms et informatiques permettant aux clients, partenaires et collaborateurs des grands comptes publics et privés d’échanger à distance des informations qui leur sont destinées. Prosodie opère principalement dans trois domaines : (i) la relation clients « multicanal » (serveurs vocaux automatisés, téléphonie d’entreprise IP, solutions multicanales de relation client), (ii) les solutions d’infogérance (prise en charge de systèmes d’information front-office incluant la gestion d’infrastructures internet et l’hébergement d’applications internet critiques et sensibles) et (iii) les services de prépaiement et de paiement.

3. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par Capgemini France de l’intégralité du capital et des droits de vote de Camélia Participations et, par ce biais, indirectement, de l’acquisition de 95,06 % du capital et des droits de vote de Prosodie. Cap Gemini acquerra, dans un second temps, les 4,94 % restants du capital et des droits de vote de Prosodie, actuellement détenus par des actionnaires minoritaires. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif par Cap Gemini de la société Camélia Participations et de sa filiale, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L.430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Cap Gemini : 8 697 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; Camélia Participations : 172,3 millions d’euros pour le même exercice). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Cap Gemini : 1 931 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; Camélia Participations : 159,6 millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur des services informatiques.

 

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET SERVICES CONCERNÉS

6. Les autorités de concurrence, tant française1 que communautaire2, ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur la délimitation des marchés pertinents dans le secteur des services informatiques. Elles ont néanmoins laissé ouverte, dans chaque cas, la délimitation exacte des marchés pertinents.

7. Les autorités ont ainsi identifié, au sein du marché des services informatiques, sept catégories fonctionnelles de services3 : (i) les services de gestion globale également dénommés « infogérance » ou « services de gestion de systèmes », (ii) les services de gestion d’entreprise également dénommés « gestion de processus » ou « business process outsourcing (BPO) », (iii) le développement et l’intégration de logiciels, (iv) le conseil, (v) la maintenance de logiciels et de support logistique, (vi) la maintenance de matériels informatiques et de support logistique, et (vii) l’enseignement et la formation.

8. Différentes segmentations alternatives ou complémentaires ont aussi été envisagées4 selon :

- le type de clientèle, PME / PMI ou grands comptes ;

- les types de systèmes d’information et de communication : (i) les systèmes d’applications de gestion, qui incluent les services informatiques utilisés pour remplir une fonction horizontale au sein des entreprises ou des administrations ; (ii) les systèmes d’applications scientifiques techniques industrielles embarquées ; (iii) les systèmes d’applications génériques ; (iv) les systèmes d’infrastructures IT ; et (v) les systèmes d’infrastructures de communication et de réseaux d’entreprise ;

- le secteur d’activité, à savoir ; (i) les communications ; (ii) l’enseignement ; (iii) l’énergie et réseaux locaux ; (iv) les services financiers ; (v) le secteur public ; (vi) la santé ; (vii) l’industrie ; (viii) le commerce et la distribution ; (ix) les services ; et (x) le transport.

9. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces segmentations à l’occasion de la présente opération.

 

B. LES MARCHES GEOGRAPHIQUES CONCERNÉS

10. Les autorités de concurrence ont, à plusieurs reprises, retenu que les marchés des services informatiques étaient de dimension nationale, notamment en raison de la nécessité pour les prestataires de ces services de communiquer régulièrement dans la langue de leurs clients et de maintenir une relative proximité avec ces derniers. Elles ont toutefois constaté une certaine internationalisation de l’offre et de la demande.

11. Au cas d’espèce, l’analyse concurrentielle sera conduite au niveau national.

 

III. Analyse concurrentielle

12. Sur le marché français des services informatiques, les parties estiment leurs parts de marché, au regard des données fournies par le cabinet Gartner pour 20105, à [5-10] % pour Cap Gemini et à [0-5] % pour Prosodie. Le marché français des services informatiques compte un nombre important d’opérateurs, que les parties estiment à plus de 19 300, et dont les principaux sont, outre Cap Gemini, des grands groupes internationaux, tels qu’IBM, Accenture, Atos Origin, Hewlett-Packard ou Logica.

 

A. LES SEGMENTS DE MARCHÉ PAR TYPE DE SERVICES

13. Sur la base d’une segmentation par type de services, l’activité des parties se chevauche sur deux des sept catégories fonctionnelles : le segment des services de gestion globale ou infogérance et le segment des services de développement et intégration de logiciels.

14. Sur le segment de l’infogérance, la part de marché cumulée des parties est de [10-20] % en 2010, Prosodie représentant un accroissement de la part de marché de Cap Gemini de seulement [0-5] %. Les parties soulignent, en outre, que leur positionnement est très différent sur ce segment. En effet, Prosodie cible des opérations d’externalisation spécialisées (notamment dans l’hébergement d’applications internet) alors que Cap Gemini cible de grosses opérations d’externalisation (outsourcing de la totalité des infrastructures : data centers, bases de données, SAP, etc.) mais est peu présent sur les activités d’hébergement de site internet. Enfin, les parties demeureront, à l’issue de l’opération, confrontées à la concurrence d’opérateurs significatifs tels qu’IBM ([10-20] %), Atos Origin ([5-10] %), Logica ([5-10] %), France Telecom ([0-5] %) et HP ([0-5] %)6.

15. Sur le segment des services de développement et intégration de logiciels, la part de marché cumulée des parties est de [10-20] % en 2010. Prosodie représente un accroissement de la part de marché de Cap Gemini de seulement [0-5] %. Sa présence résiduelle sur ce segment traduit le fait que celui-ci ne fait plus partie de ses priorités stratégiques. De plus, les parties continueront à faire face à la concurrence de nombreux opérateurs au nombre desquels figurent Atos Origin ([5-10] %), IBM ([5-10] %), Accenture ([5-10] %), Logica ([0-5] %) et Sopra ([0-5] %)7.

 

B. LES SEGMENTS DE MARCHÉ PAR TYPE DE CLIENTÈLE

16. Sur la base d’une segmentation par type de clientèle, l’activité des parties se chevauche essentiellement sur le segment des grands comptes, qui constitue l’essentiel de leur clientèle ([90-100] % de leur chiffre d’affaires).

17. Les parties ne disposent pas de données leur permettant d’estimer la taille que représentent les segments des services informatiques à destination des PME-PMI et ceux à destination des grands comptes, dans la mesure où elles ne distinguent pas ces différents types de clientèle dans le cadre de leurs activités, la taille des clients n’ayant pas d’impact sur la nature des services. De plus, cette segmentation n’est pas retenue dans les études récemment publiées sur le secteur des services informatiques.

18. Les parties estiment néanmoins que les grands comptes et les PME-PMI représentent respectivement environ 60 % et 40 % du marché des services informatiques. Elles considèrent, en conséquence, que si leur part de marché cumulée est légèrement plus élevée sur le segment des grands comptes que sur le segment des PME-PMI, elle reste toutefois inférieure à 15 %.

 

C. LES SEGMENTS DE MARCHÉ PAR TYPE DE SYSTÈMES D’INFORMATION ET DE COMMUNICATION

19. Sur la base d’une segmentation par type de systèmes d’information et de communication, l’activité des parties se chevauche sur le segment des services relatifs aux systèmes d’infrastructures IT et sur le segment des services relatifs aux systèmes d’applications scientifiques techniques industrielles embarquées.

20. Sur le segment des services relatifs aux systèmes d’infrastructures IT, la part de marché cumulée des parties est de [0-5] % en 2010 (Cap Gemini : [0-5] % ; Prosodie : [0-5] %)8. Les principaux concurrents des parties sur ce segment sont IBM et HP Services dont les parts de marché sont supérieures à celle de la nouvelle entité ainsi que Orange Business Services, Atos Origin et Bull Services.

21. Sur le segment des services relatifs aux systèmes d’applications scientifiques techniques industrielles embarquées, la part de marché cumulée des parties est de [5-10] % en 2010 (Cap Gemini : [5-10] % ; Prosodie : [0-5] %)9. Les principaux concurrents des parties sur ce segment sont Thalès, EADS et Atos Origin. Prosodie, qui propose essentiellement des systèmes d’application en temps réel, est plus spécifiquement en concurrence sur ce segment avec les constructeurs et éditeurs du secteur des télécommunications.

 

D. LES SEGMENTS DE MARCHÉ PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ

22. Sur la base d’une segmentation par secteur d’activité, l’activité des parties se chevauche sur tous les segments, à l’exception de l’enseignement et du transport.

23. La part de marché cumulée des parties en 200910 est de [10-20] % (Cap Gemini : [10-20] % ; Prosodie : [0-5] %) sur le segment des communications ; [10-20] % (Cap Gemini : [10- 20] % ; Prosodie : [0-5] %) sur le segment de l’énergie et des réseaux locaux ; [5-10] % (Cap Gemini : [5-10] % ; Prosodie : [0-5] %) sur le segment des services financiers ; [5-10] % (Cap Gemini : [5-10] % ; Prosodie : [0-5] %) sur le segment du secteur public11 ; [0-5] % (Cap Gemini : [0-5] % ; Prosodie : [0-5] %) sur le segment de la santé ; [5-10] % (Cap Gemini : [5- 10] % ; Prosodie : [0-5] %) sur le segment de l’industrie ; [0-5] % (Cap Gemini : [0-5] % ; Prosodie : [0-5] %) sur le segment du commerce et de la distribution et [0-5] % (Cap Gemini : [0-5] % ; Prosodie : [0-5] %) sur le segment des services.

 24. Par ailleurs, sur chacun de ces segments de marché, il restera à l’issue de l’opération de nombreux concurrents tels que Atos Origin, IBM, Accenture, HP, Logica, Accenture, Steria, Sopra, Orange Business Services, Bull, Thalès, Cegedim, Amadeus.

25. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la part de marché cumulée des parties sera inférieure à 15 % sur chacun des segments de marché analysés et que l’opération notifiée n’aboutira qu’à de très faibles augmentations des parts de marché détenues par Cap Gemini (de moins de [0-5] % sur chaque segment de marché analysé). De plus, les parties resteront confrontées, à l’issue de l’opération, sur chacun des segments de marché analysés, à la concurrence d’opérateurs importants dont les parts de marché sont significatives.

26. L’opération notifiée n’est en conséquence pas de nature à porter atteinte à la concurrence et ce quelle que soit la délimitation de marché retenue.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0109 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir, par exemple, la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 13 août 2008 aux conseils de la société D.FI, relative à une concentration dans le secteur des services informatiques ; la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du 5 décembre 2008, au conseil de la société Adeco France Holding, relative à une concentration dans le secteur des fournitures de services informatiques aux entreprises ; la décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-93 du 31 décembre 2009 relative à l’acquisition par la société Bull SA d’actifs de la société Crescendo Industries ; la décision de l’Autorité de la concurrence n°11-DCC- 20 du 7 février 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe APTUS par le groupe AUSY.

2 Voir, par exemple, les décisions de la Commission européenne n°COMP/M.3555 du 9 septembre 2004, Hewlett – Packard / Synstar ; n°COMP/M.3571 du 18 novembre 2004, IBM / Maersk Data / DMdata ; n°COMP/M.3995 du 1er décembre 2005, Belgacom / Telindus ; n°COMP/M.5197 du 25 juillet 2008, HP / EDS ; n°COMP/M.5301 du 13 octobre 2008, Cap Gemini / BAS et n°COMP/M.6127 du 25 mars 2011, Atos Origin / Siemens IT Solutions & Services.

3 Les autorités de concurrence se sont basées sur la segmentation du cabinet Gartner pour proposer une segmentation du marché des services informatiques. En effet le cabinet Gartner segmente le marché des services informatiques entre « professional services » et « product support services ». Le segment des « professional services » est ensuite segmenté entre : « consulting services », « development and integration services », « IT management services » et « process management services » (ou « business management services »). Le segment des « product support services » est segmenté entre : « hardware maintenance and support services » et « software support services ».Les autorités de concurrence ont ajouté à cette segmentation le segment « enseignement et formation ».

4 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-93 et n°11-DCC-20 précitées.

5 « Forecast : IT Services by Segments », 2007-2014, Gartner.

6 Sources : « IT Services Market Shares » 2010 et « Forecast : IT Services by Segments », Gartner.

7 Ibid.

8 Sources : « Le marché des services d’infrastructures – France », Septembre 2009, Pierre Audoin Consultants (« PAC ») et estimations internes des parties.

9 Ibid.

10 Source : « Le marché des services d’infrastructures – France », Septembre 2009, PAC et pour le secteur de la santé, « IT Services Market Share », 2008-2010 par secteur, Gartner.

11 PAC ne distingue pas les segments « santé » et « enseignement » du segment « secteur public », les parties ont en conséquence estimé leurs parts de marché sur le segment du secteur public en incluant l’enseignement et la santé.