ADLC, 18 août 2011, n° 11-DCC-123
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif de la société Proservia par Manpower France Holding
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 15 juillet 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif par le groupe Manpower de la société Proservia, formalisée par un protocole d’accord signé le 21 juillet 2011 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ;
Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La société Manpower France holding SAS, est contrôlée par la société Manpower Europe Holdings APS, elle-même contrôlée par la société Manpower Inc. qui constitue la société tête du groupe américain Manpower. Le groupe Manpower est présent dans le secteur des services relatifs à l’emploi (recrutement de personnel permanent ou temporaire, évaluation des compétences, formation professionnelle, outplacement, externalisation et conseil), ainsi que dans le secteur des services informatiques, notamment en France par le biais de la société Elan IT Resource.
2. La société Proservia SA, dont les titres sont admis à la cotation sur le marché Alternext de NYSE-Euronext Paris, est la société holding du groupe Proservia. Elle est contrôlée par la société FIPAMA, elle-même contrôlée par les époux Congard. Proservia détient le contrôle des sociétés Ovialis et Finatel, cette dernière contrôlant la société Netlevel. Le groupe Proservia est actif dans le secteur des services en ingénierie informatique (SSII), essentiellement en France.
3. Aux termes du protocole d’accord signé le 21 juillet 2011 entre Manpower holding France, d’une part, et divers actionnaires de la société Proservia1, d’autre part, Manpower holding France doit acquérir 69,64 % du capital social et 68,03 % des droits de vote de la société Proservia, ce qui lui permet de désigner seul les membres et le président du conseil d’administration et de détenir la majorité des 2/3 nécessaire pour les modifications statutaires en assemblée générale extraordinaire. En conséquence, la présente opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Manpower : 14,21 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; groupe Proservia : 51,89 millions d’euros pour le même exercice). Le groupe Manpower et le groupe Proservia réalisent chacun, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Manpower : 3,95 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; groupe Proservia : 51,75 millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
5. Les parties à l’opération sont simultanément actives dans le secteur des services informatiques.
A. MARCHÉS DE PRODUITS
6. Les autorités de concurrence, tant française2 que communautaire3, ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur la délimitation des marchés pertinents de ce secteur, tout en laissant cependant la question ouverte.
7. La pratique décisionnelle4 a considéré que le marché des services informatiques pouvait être segmenté entre sept catégories fonctionnelles de services : (i) les services de gestion globale, (ii) les services de gestion d’entreprise, (iii) le développement et l’intégration de logiciels, (iv) le conseil, (v) la maintenance de logiciels et de support logistique, (vi) la maintenance de matériels informatiques et de support logistique, et (vii) l’enseignement et la formation.
8. Différentes segmentations alternatives ou complémentaires ont aussi été envisagées5 selon :
- le type de clientèle, PME / PMI ou grands comptes ;
- les types de systèmes d’information et de communication : (i) les systèmes d’applications de gestion, qui incluent les services informatiques utilisés pour remplir une fonction horizontale au sein des entreprises ou des administrations ; (ii) les systèmes d’applications scientifiques techniques industrielles embarquées ; (iii) les systèmes d’applications génériques ; (iv) les systèmes d’infrastructures IT ; et (v) les systèmes d’infrastructures de communication et de réseaux d’entreprise.
- le secteur d’activité, à savoir : (i) les communications, (ii) l’enseignement, (iii) l’énergie et les réseaux locaux, (iv) les services financiers, (v) le secteur public, (vi) la santé, (vii) l’industrie, (viii) le commerce et la distribution, (ix) les services, et (x) le transport.
9. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces segmentations à l’occasion de la présente opération.
10. Les activités des parties à l’opération se chevauchent sur la seule catégorie fonctionnelle de la gestion globale.
11. S’agissant des autres segmentations, les parties s’adressent, l’une et l’autre, à une clientèle constituée majoritairement de grandes entreprises. De plus, Proservia et Manpower fournissent concomitamment des services qui relèvent des systèmes d’infrastructures de communication et de réseaux d’entreprise. Enfin, elles sont toutes deux présentes sur les marchés des services informatiques destinés aux secteurs d’activité suivants : communications, services financiers, industrie et services.
12. L’analyse concurrentielle sera donc conduite sur ces segments, sur lesquels les activités de Proservia et Manpower se chevauchent.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
13. Les autorités de concurrence6 ont, à plusieurs reprises, retenu que les marchés des services informatiques étaient de dimension nationale, notamment en raison de la nécessité pour les prestataires de ces services de communiquer régulièrement dans la langue de leurs clients et de maintenir une relative proximité avec ces derniers. Elles ont toutefois constaté une certaine internationalisation de l’offre et de la demande.
14. En l’espèce, l’analyse concurrentielle sera conduite au niveau national.
III. Analyse concurrentielle
15. Le marché français des services informatiques est un marché dynamique et atomisé, qui comprend plus de 19 300 entreprises et qui est principalement concentré sur la région parisienne7. De grands groupes internationaux y sont présents, tels que IBM, Cap Gemini, Accenture, Atos Origin et Hewlett-Packard.
16. Sur le marché global des services informatiques, les parties estiment leurs parts de marché, au regard des données fournies par un cabinet de consultants spécialisés portant sur le marché des logiciels et services en 2010, à [0-5] % pour le groupe Proservia et à [0-5] % pour le groupe Manpower, soit une part de marché cumulée de [0-5] %.
17. Sur le segment fonctionnel des services de gestion globale, les parties évaluent leur part de marché à [0-5] % pour le groupe Proservia et à [0-5] % pour le groupe Manpower, soit une part de marché cumulée de [0-5] %.
18. Sur le segment des services aux grands comptes, les parties évaluent leur part de marché à [0- 5] % pour le groupe Proservia et à [0-5] % pour le groupe Manpower, soit une part de marché cumulée de [0-5] %.
19. Sur le segment des systèmes d’infrastructure IT, les parties évaluent leur part de marché à [0- 5] % pour le groupe Proservia et à [0-5] % pour le groupe Manpower, soit une part de marché cumulée de [0-5] %.
20. Enfin, dans l’hypothèse d’une segmentation par secteur d’activité, la nouvelle entité détiendrait une part de marché inférieure à [0-5] % sur chacun des marchés sur lesquels les groupes Proservia et Manpower sont simultanément présents8.
21. En conséquence, l’opération envisagée n’est pas de nature à affecter la concurrence sur les marchés de services informatiques.
DECIDE
Article unique : l’opération notifiée sous le numéro 11-0130 est autorisée.
NOTES :
1 Les actionnaires cédant des titres de la société Proservia sont la société FIPAMA, Monsieur Thierry Congard, Madame Marie-Pierre Congard, Monsieur Michaël Amara, Monsieur Eric Elbaz et Monsieur Alain Abisror.
2 Voir, par exemple, la décision de l’Autorité de la concurrence 11-DCC-20 de l’Autorité de la concurrence relative à la prise de contrôle exclusif du groupe APTUS par le groupe AUSY ; et la décision 09-DCC-93 du 31 décembre 2009 de l’Autorité de la concurrence, relative à l’acquisition par la société Bull SA d’actifs de la société Crescendo Industries.
3 Décisions de la Commission européenne n°M.2365 du 4 avril 2001, Schlumberger / Sema ; n°2609 du 31 janvier 2002, HP / Compaq ; n°3555 du 9 septembre 2004, Hewlett – Packard / Synstar ; n°3571 du 18 novembre 2004, IBM / Maerskdate / DMData ; n°M.3995 du 1er décembre 2005, Belgacom / Telindus ; n°M.5197 du 25 juillet 2008, HP / EDS et n°M.5301 Cap Gemini / BAS du 13 octobre 2008.
4 Voir notamment la décision 11-DCC-20 de l’Autorité de la concurrence précitée et la décision de la Commission européenne n°M.5197 précitée.
5 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence 11-DCC-20 précitée.
6 Voir notamment la décision 11-DCC-20 de l’Autorité de la concurrence précitée, ainsi que la décision n°M. 5301 de la Commission européenne.
7 Source: Xerfi, Services Informatiques, mai 2010.
8 Il s’agit des marchés destinés aux secteurs i) des communications ; ii) des services financiers ; iii) de l’industrie ; iv) des services.