Livv
Décisions

ADLC, 14 septembre 2011, n° 11-DCC-136

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Habitat France SAS, Compania de Equipamientos del Hogar – Habitat SA et Habitat Deutschland GmbH par la société Cafom

ADLC n° 11-DCC-136

13 septembre 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification, adressé complet au service des concentrations le 12 août 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Cafom des sociétés Habitat France SAS, Compania de Equipamientos del Hogar – Habitat SA (ci-après « Habitat Espagne ») et Habitat Deutschland GmbH (ci-après « Habitat Allemagne »), formalisée par un contrat de cession signé le 25 juillet 2011 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. La société Cafom, soumise à un contrôle fluctuant de ses actionnaires, est la holding de tête du groupe Cafom, actif dans le secteur de la distribution au détail de produits d’ameublement et de décoration, et de produits électrodomestiques. Elle exploite des magasins dans les départements et collectivités d’outre-mer, notamment sous les enseignes But, Conforama, Musique et Son et First déco. Le groupe Cafom commercialise également le même type de produits sur des sites internet (vente-unique.com et directlowcost.com).

2. Les sociétés Habitat France SAS, Compania de Equipamientos del Hogar – Habitat SA et Habitat Deutschland GmbH (ci-après « les sociétés Habitat France, Espagne et Allemagne ») sont toutes trois contrôlées par le fonds d’investissement Hilco UK Ltd, via la holding du groupe Habitat, la société Habitat Holding BV. Ces trois sociétés sont actives respectivement en France, en Espagne et en Allemagne dans le secteur des produits d’ameublement et de décoration. La société Habitat France SAS exploite en France 26 magasins. Elle gère en outre une plate-forme logistique auprès de laquelle les sociétés Habitat Espagne et Habitat Allemagne s’approvisionnent.

3. L’opération, formalisée par un contrat de cession signé le 25 juillet 2011 prévoit la cession de 100 % du capital de Habitat France, Habitat Espagne, et Habitat Allemagne à Cafom et consiste donc en la prise de contrôle exclusif des sociétés Habitat par Cafom. En conséquence, la présente opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (Cafom : […] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 mars 2010 ; les sociétés Habitat : […] millions d’euros pour le même exercice). Les entreprises concernées réalisent chacune, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Cafom : […] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 mars 2010 ; les sociétés Habitat : […] millions d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS EN TERMES DE PRODUITS

5. Dans le secteur du commerce de détail, les autorités de concurrence retiennent généralement deux catégories de marchés : (i) les marchés aval, de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs finals, et (ii) les marchés amont de l’approvisionnement des entreprises de commerce de détail.

6. Comme l’a rappelé le Conseil de la concurrence dans l’avis Cafom/Fincar, « le type de produits vendus est l’un des critères les plus importants pour délimiter les marchés dans le domaine du commerce de détail ». De plus « le format et la taille de magasin sont également des critères importants de délimitation des marchés en ce que, notamment, ils déterminent l’aptitude du point de vente considéré à commercialiser un plus ou moins grand nombre de produits ou à offrir certains services annexes. Les grandes surfaces spécialisées (GSS) se distinguent ainsi des grandes surfaces alimentaires (GSA) et du commerce de proximité »1.

7. En l’espèce, les parties sont simultanément actives dans le secteur du commerce de détail de produits d’ameublement et de produits de bazar et de décoration.

 

1. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL DE PRODUITS D'AMEUBLEMENT ET DE DÉCORATION

8. Les produits d'ameublement et de décoration regroupent tous les produits destinés à meubler les pièces d'un logement (chaises, canapés, tables, éléments de cuisines, éléments de salles de bains, literie, buffets, rangements, bureaux, etc.) ainsi que tous les produits destinés à décorer ce logement (rideaux, tapis, luminaires, divers objets de décoration, etc.)2.

9. Les autorités de concurrence ont distingué la vente au détail de produits d’ameublement de la vente au détail de produits de bazar et de décoration, en raison de différences dans l’assortiment des offreurs, dans les comportements d’achat ainsi que dans les fonctions des produits concernés, les deux catégories de produits étant complémentaires et non substituables3.

10. Par ailleurs, tant pour la vente au détail des produits d’ameublement que pour la vente au détail de produits de bazar et de décoration, la pratique décisionnelle a retenu une segmentation des marchés par canal de distribution4 et a distingué la vente en magasins de la vente à distance, tous canaux de vente à distance confondus5. S’agissant de la vente en magasins, la pratique décisionnelle a retenu une segmentation selon le format et la taille des magasins, entre les grandes surfaces alimentaires (GSA), les grandes surfaces spécialisées (GSS) et les commerces de proximité. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition dans le cadre de l’examen de la présente opération. Les magasins concernés par la présente opération appartiennent à la catégorie des grandes surfaces spécialisées (GSS) proposant au consommateur final un large assortiment de produits tout au long de l’année.

11. S’agissant de la vente au détail des produits d’ameublement, les autorités françaises de concurrence6 ont aussi envisagé une segmentation en termes de gamme de produits compte tenu des différences de prix et de service proposés. En l’espèce, les parties à l’opération sont actifs sur la commercialisation de meubles de « bas de gamme » et de « moyenne gamme », par opposition aux magasins « haut de gamme », notamment représentés par les enseignes Roche Bobois, Ligne Roset, Cinna ou Bo Concept.

 

2. MARCHÉS AMONT DE LAPPROVISIONNEMENT DE PRODUITS DAMEUBLEMENT ET DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

12. En ce qui concerne les marchés amont de l’approvisionnement, la pratique décisionnelle7 a considéré que, dans la mesure où les producteurs ne peuvent se reconvertir facilement dans la fabrication d’autres produits que ceux qu’ils fabriquent, il convient de distinguer autant de marchés que de familles de produits sur lesquels porte la négociation, chaque distributeur mettant en concurrence les divers fournisseurs sur chacun des marchés8.

13. Aussi, une répartition par groupe de produits peut être considérée comme pertinente.

14. En ce qui concerne plus spécifiquement l’approvisionnement en produits d’ameublement, d’une part, et de bazar et de décoration, d’autre part, la pratique décisionnelle9, prenant notamment en considération l’organisation des divisions « achat » des distributeurs, a identifié les marchés suivants :

- approvisionnement en meubles ;

- approvisionnement en produits de bazar-décoration.

15. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

16. En l’espèce, les parties à l’opération sont toutes deux actives en tant qu’acheteurs sur ces marchés.

 

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

1. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS DAMEUBLEMENT ET DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

17. La pratique décisionnelle a considéré que les marchés de la distribution au détail en point de vente physique10 sont de dimension locale, alors que les marchés de la vente à distance11 sont de dimension nationale. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

18. En l’espèce, Cafom n’exploite des magasins que dans les départements et les collectivités d’outre-mer, alors que les sociétés Habitat n’exploitent des magasins qu’en France métropolitaine, à Monaco, en Allemagne et en Espagne. Par conséquent, l’opération n’entraîne aucun chevauchement d’activité en matière de vente au détail en magasins de produits d’ameublement, de bazar et de décoration. L’analyse concurrentielle ne portera donc que sur la vente à distance.

 

2. MARCHÉS AMONT DE LAPPROVISIONNEMENT DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES, DE PRODUITS DAMEUBLEMENT ET DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

19. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence a retenu une dimension au moins nationale, voire européenne12. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D’AMEUBLEMENT ET DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

20. Sur le marché français de la vente à distance de produits d’ameublement, Cafom détient une part de marché de [0-5] % et Habitat une part de marché de [0-5] %, soit un cumul de [0-5] % pour la nouvelle entité. Elle sera confrontée à la concurrence des sociétés de vente par correspondance traditionnelles (telles que La Redoute ou les 3 Suisses), d’importants distributeurs de produits d’ameublement, qui disposent de sites de vente en ligne (tels que Ikéa, Alinéa, But Conforama, Atlas) ainsi que de sites internet de vente en ligne de produits d’ameublement tels que La Maison de Valérie, Miliboo ou Myfab.com.

21. Sur le marché de la vente à distance de produits de bazar et de décoration, Cafom détient une part de marché de [0-5] % et Habitat, une part de marché de [0-5] %, soit une part de marché cumulée de [0-5] % à l’issue de l’opération.

22. En conséquence, l’opération envisagée n’est pas susceptible d’affecter la concurrence sur les marchés de la vente à distance de produits d’ameublement et de bazar et de décoration.

 

B. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS D’AMEUBLEMENT ET EN PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

23. Sur les marchés de l’approvisionnement en produits d’ameublement d’une part, et de produits de décoration et de bazar, d’autre part, les approvisionnements cumulés des parties représentent moins de [0-5] % des approvisionnements sur le marchés français des produits d’ameublement et moins de [0-5] % des approvisionnements sur le marché français des produits de bazar et de décoration. Ils représentent en outre une part infime des approvisionnements sur un marché européen.

24. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés amont de l’approvisionnement en produits d’ameublement et de bazar et de décoration.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0134 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir la décision du ministre C2006-155 Cafom / Fincar du 31 août 2007, et l’avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 sur cette même opération du 16 juillet 2007.

2 Voir, à ce sujet, la décision C2006-155 et l’avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 précités. Voir également la décision n° 11-DCC-78 du 18 mai 2011 relative à l’acquisition du groupe Titouan par le groupe Conforama.

3 Voir la décision C2006-155 et l’avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 précités.

4 Voir la décision C2006-155 précitée, les décisions de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-42 du 25 mai 2010,relative à l’acquisition par la société 3 Suisses International SA de certains actifs de la société La source, 11-DCC-78 précitée, et la décision de la Commission européenne M.5721 du 16 février 2010, Otto/Primondo Assets.

5 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-42 précitée et la décision de la Commission européenne M.5721 précitée.

6 Voir la décision C2006-155 précitée.

7 Voir l’avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-04 du 21 janvier 1997 relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution.

8 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-21 du 23 juillet 2009, relative à la prise de contrôle exclusif de la société DVMM par le groupe But, et la décision 10-DCC-42 précité.

9 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence 11-DCC-78 précitée et l’avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 précité.

10 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-21 précitée et la décision 09-DCC-62 du 2 novembre 2009, relative à la prise de contrôle exclusif de la société Modera par le groupe But.

11 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-42 précitée, et la décision de la Commission européenne M.5721 précitée.

12 Voir la décision de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-42 précitée et la décision de la Commission européenne M. 5721 précitée.