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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 15 octobre 2021, n° 21/02477

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Selarl Guillaume Laureau (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pignon

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Leboucher

Avocats :

Me Taillard, Me Estay

T. com. Angoulème, du 26 avr. 2021, n° 2…

26 avril 2021

EXPOSE DU LITIGE :

La société J. L. Développement Finance (la société J. L. DEFI) est une société holding qui détient la SA SILC.

Par jugement du 17 septembre 2015, le tribunal de commerce d'Angoulême a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société J. L. DEFI. Le plan de redressement a été arrêté par jugement du 15 septembre 2016, la SELARL Guillaume Laureau a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan et le remboursement de 100 % du passif par actes progressifs sur huit ans a été fixé.

Par jugement du 20 juin 2019, le tribunal de commerce d'Angoulême a accordé une modification substantielle du plan.

Par requête conjointe, la SELARL Guillaume Laureau et la société J. L. DEFI ont saisi le tribunal de commerce d'Angoulême aux fins d'obtenir la modification du plan en raison de la crise sanitaire due à la Covid-19.

Par jugement contradictoire en date du 13 avril 2021, le tribunal de commerce d'Angoulême a :

- rejeté le projet de modification du plan de la société J. L. DEFI,

- dit et jugé que les dépens dudit jugement seraient prélevés en frais privilégiés de redressement judiciaire,

- constaté le caractère exécutoire du jugement.

La société J. L. DEFI a relevé appel du jugement par déclaration en date du 26 avril 2021 énonçant les chefs du jugement expressément critiqués, intimant la SELARL Guillaume Laureau et le Procureur général près la cour d'appel de Bordeaux.

Par ordonnance du 27 mai 2021, le président de la chambre commerciale, considérant que l'affaire relevait d'une fixation à bref délai, l'a fixée à l'audience du 07 septembre 2021 à 14 h 00.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 02 septembre 2021 via le RPVA, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société J. L. Développement Finance demande à la cour de :

- réformant le jugement,

- autoriser la modification substantielle du plan de redressement homologué le 15 septembre 2016 dans les conditions suivantes :

- ajustement des échéances payables en 2020 et 2021 avec neutralisation de l'article L.626-18 du code de commerce, conformément à l'article 5-1 de l'ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020 ;

- prolongation de la durée du plan de quatre années pour la porter à douze ans conformément à l'article 5-II de l'ordonnance du 20 mai 2020 et en dérogeant à l'article L. 626-12 du code de commerce, soit un remboursement comme suit :

2020 - 4 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 12 % - après modification Covid 1 % soit 5,6 Keuros

2021- 5 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 15 % - après modification Covid 2,5 % soit ...

2022 - 6 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 15 % - après modification Covid 5 % soit ...

2023 - 7 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 21 % - après modification Covid 5 % soit ...

2024 - 8 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 27 % - après modification Covid 5 % soit ...

2025 - 9 ans après l'adoption du plan - après modification Covid 5 % soit ...

2026 - 10 ans après l'adoption du plan - après modification Covid 5 % soit ...

2027 - 11 ans après l'adoption du plan - après modification Covid 30 % soit 168 Keuros

2028 - 12 ans après l'adoption du plan - après modification Covid 31,5 % soit 176,4 Keuros

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La société J. L. Développement Finance fait notamment valoir que le paiement des trois premières échéances a été honoré ; que les restrictions de déplacements ayant motivé la décision du tribunal ont été levées ; qu'une décision rendue par la cour d'appel de Bordeaux a allégé le passif de la société SILC de plus de 20 %.

La SELARL Guillaume Laureau, à qui la déclaration d'appel, l'avis de fixation et les conclusions de la société J. L. Développement Finance ont été régulièrement notifiés, n'a pas constitué avocat.

Le dossier a été communiqué au Ministère Public, lequel, par mention au dossier du 12 juillet 2021, a émis un avis très réservé à la demande de modification du plan de la société J. L. DEFI, au motif que le tribunal de commerce a refusé la demande de modification du plan de la société SILC, que cette décision est définitive, et que le sort de la SAS J. L. DEFI, société holding, est étroitement lié à celui de sa filiale la société SILC SA. Cet avis a été communiqué aux parties par les soins du greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le tribunal a rejeté la demande de modification du plan de redressement au motif que le sort de la société JL DEFI était étroitement lié à celui de la société SILC dont la demande de modification était rejetée par jugement du même jour.

La société JL DEFI, reprenant à son compte l'argumentation soutenue par sa filiale la société SILC, conteste à la fois le caractère déficitaire de l'activité et les perspectives défavorables en faisant valoir que le contexte ayant motivé la décision du tribunal a changé et qu'elle est fondée à obtenir le prolongement de la durée du plan pour une durée totale de 12 ans conformément aux dispositions dérogatoires des articles 5- I et 5- II de l'ordonnance du 20 mai 2020.

Il est incontestable que le sort de la société JL DEFI est étroitement lié au sort de sa filiale la société SILC, et qu'elle ne peut subsister que si la société SILC est en mesure d'honorer son plan.

Dès lors que par arrêt de ce jour, pour des motifs auxquels elle renvoie, la cour, considérant que la société SILC justifiait d'un assainissement de sa situation et de perspectives réalistes de relance de l'activité qui permettraient d'apurer son passif dans la limite de 12 ans (durée maximale autorisée en application des articles 5- I et 5- II de l'ordonnance du 20 mai 2020 dérogeant aux articles L.626-12 et L.626-18 du code de commerce applicables au plan de redressement en vertu de l'article L.631-19), a infirmé le jugement qui a rejeté la demande de la société SILC, et autorisé la modification du plan de redressement de la société SILC, il y a lieu d'infirmer le jugement qui a rejeté la demande de la société JL DEFI, et de faire droit à sa demande de modification.

Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement, de modifier le plan de redressement de la société SILC selon les modalités précisées au dispositif, et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce d'Angoulême pour en poursuivre la mise en oeuvre.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Réforme le jugement du tribunal de commerce d'Angoulême en date du 13 avril 2021,

Statuant à nouveau,

Autorise la modification substantielle du plan de redressement de la société SILC dans les conditions suivantes :

- ajustement des échéances payables en 2020 et 2021 avec neutralisation des dispositions de l'article L. 626-18 du code de commerce conformément à l'article 5-1 de l'ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020 ;

- prolongement de la durée du plan de quatre années pour la porter à douze ans conformément à l'article 5- II de l'ordonnance du 20 mai 2020, dérogeant à l'article L. 626-12 du code de commerce, soit un remboursement comme suit :

2020 - 4 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 12 % - après modification Covid 1 % soit 5,6 Keuros

2021- 5 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 15 % - après modification Covid 2,5 % soit ...

2022 - 6 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 15 % - après modification Covid 5 % soit ...

2023 - 7 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 21 % - après modification Covid 5 % soit ...

2024 - 8 ans après l'adoption du plan - avant modification Covid 27 % - après modification Covid 5 % soit ...

2025 - 9 ans après l'adoption du plan - après modification Covid 5 % soit ...

2026 - 10 ans après l'adoption du plan - après modification Covid 5 % soit ...

2027 - 11 ans après l'adoption du plan - après modification Covid 30 % soit 168 Keuros

2028 - 12 ans après l'adoption du plan - après modification Covid 31,5 % soit 176,4 Keuros

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce d'Angoulême pour poursuivre la mise en oeuvre du plan

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure.