Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 11 mai 2022, n° 20-21.651

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Spinosi

Pau, du 9 sept. 2020

9 septembre 2020

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-21.689, 20-21.651 et 20-21.652 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon le premier arrêt attaqué (Pau, 9 septembre 2020, n° 19/00730), la société Besson chaussures, locataire de locaux commerciaux appartenant à la société Dax meubles, a saisi le juge des loyers commerciaux, qui a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er février 2013, par jugement du 20 février 2019.

3. Selon le second arrêt attaqué (Pau, 9 septembre 2020, n° 19/03611), la société Besson chaussures a fait pratiquer, le 28 juin 2019, sur un compte bancaire ouvert au nom de la société Dax meubles, une saisie-attribution d'une certaine somme, en vertu de la décision du juge des loyers commerciaux. La société Dax meubles a saisi le juge de l'exécution en annulation de la saisie-attribution invoquant l'inexistence d'un titre exécutoire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° 20-21.689, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° 20-21.651

Enoncé du moyen

5. La société Besson chaussures fait grief à l'arrêt n° 19/00730 de dire n'y avoir lieu à condamnation de la société Dax meubles au remboursement du trop-perçu de loyers, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2013, puis à compter de chaque échéance trimestrielle, alors « que le juge des loyers commerciaux qui fixe le prix du loyer révisé à un montant inférieur à celui du loyer versé par le preneur est compétent pour statuer sur la demande de restitution par le bailleur du trop-perçu qui en résulte, cette demande étant accessoire à la demande principale ; qu'en retenant, après avoir fixé le montant du loyer du bail renouvelé, que la condamnation de la société Dax meubles au remboursement du trop-perçu de loyers, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2013, excédait sa compétence, la cour d'appel a violé l'article 1376, devenu l'article 1302-1 du code civil, ensemble l'article R. 145-23 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article R. 145-23 du code de commerce, la compétence du juge des loyers qui lui permet, après avoir fixé le prix du bail révisé ou renouvelé, d'arrêter le compte que les parties sont obligées de faire est exclusive du prononcé d'une condamnation.

7. La cour d'appel, statuant sur l'appel d'une décision du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire, qui a retenu que la locataire sollicitait la condamnation de la bailleresse au paiement d'une certaine somme, a exactement décidé que le prononcé d'une condamnation excédait ses pouvoirs.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen du pourvoi n° 20-21.689

Enoncé du moyen

9. La société Dax meubles fait grief à l'arrêt n° 19/00730 de fixer le loyer commercial à la somme de 185 061,63 euros hors taxes et hors charges, alors « que la décision du locataire de ne pas exploiter certaines surfaces n'est pas opposable au bailleur ; qu'en énonçant que c'était de manière conforme à la réalité qu'en l'espèce, l'expert judiciaire avait déterminé que la surface de vente exploitée par la société Besson chaussures était de 1 571 m², compte tenu de la transformation en réserve, unilatéralement décidée et mise en oeuvre par cette société preneur, d'une partie du local qu'elle utilisait antérieurement comme surface de vente, la cour d'appel a violé les articles L. 145-33 et R. 145-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-33, 1°, et R. 145-3 du code de commerce :

10. Selon le premier texte, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est notamment déterminée d'après les caractéristiques du local considéré.

11. Selon le second, les caractéristiques propres au local s'apprécient notamment en considération de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux et de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée.

12. Pour fixer le loyer commercial à une certaine somme, l'arrêt, après avoir constaté que le bail désigne un local à usage commercial représentant une surface de vente en rez-de-chaussée d'environ 2 000 m², retient que la superficie d'exploitation mentionnée au bail ne correspond pas à la surface réellement consacrée par l'exploitant à ses activités de vente à la clientèle mais inclut nécessairement des parties à vocation administrative ou de réserve et que la surface de vente exploitée était en l'espèce de 1 571 m², compte tenu de la transformation en réserve d'une partie antérieurement utilisée en surface de vente.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'affectation à la vente d'une surface moindre, que celle autorisée par le bail pour cette activité, ne résultait pas d'un choix de gestion du locataire inopposable au bailleur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le moyen du pourvoi n° 20-21.652, ci-après annexé

14. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen du pourvoi n° Y 20-21.652, dès lors que la cassation de l'arrêt du 9 septembre 2020 (n° 19/00730) entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 9 septembre 2020 (n° 19/03611) qui est l'exécution de la décision cassée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe le loyer au 1er février 2013 à la somme de 185 061,63 euros hors taxes et hors charges, l'arrêt rendu le 9 septembre 2020 (n° 19/00730), entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

ANNULE l'arrêt rendu le 9 septembre 2020 (n° 19/03611), rendu entre les parties, par la cour d'appel de Pau.