Livv
Décisions

ADLC, 20 septembre 2011, n° 11-DCC-139

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Large Network Administration et de sa filiale LGD par la société SCC France

ADLC n° 11-DCC-139

19 septembre 2011

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 16 août 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Large Network Administration (ci-après « LNA ») et de sa filiale FGD par la société SCC France ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

 

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. SCC France est la filiale française du groupe SCC, lui-même contrôlé par le groupe Specialist Computer Holdings (ci-après « SCH »). SCH contrôle également les sociétés ETC Métrologie et Best’Ware. SCH est actif en France dans le secteur des produits et services technologiques et notamment les services informatiques d’infrastructure.

2. Large Network Administration est la société tête du groupe LNA composé de six filiales (FGD, LNA US, LNA Deutsland, Hotgrinds, Click Call et Itaque Investissement). Le groupe est présent dans le secteur de la distribution de produits et services informatiques.

3. L’opération, formalisée par un contrat de cession d’actions signé par les parties le 12 août 2011, consiste en l’acquisition par la société SCC France de la totalité du capital et des droits de vote de la société LNA, elle-même détenant à la date de l’opération l’intégralité des actions et des droits de vote de FGD, les autres filiales du groupe étant exclues du périmètre de l’opération. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif du groupe LNA par le groupe SCH, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe SCH : […] milliards d’euros dernier exercice clos au 31 mars 2011, groupe LNA : […] millions d’euros dernier exercice clos au 31 décembre 2010). Chacune réalise en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe SCH : […] milliard d’euros dernier exercice clos au 31 mars 2011, groupe LNA : […] millions d’euros dernier exercice clos au 31 décembre 2010). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

 

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHES DE PRODUITS ET SERVICES

5. Les parties sont simultanément actives dans le secteur de la distribution de produits et services informatiques.

 

1. LES SERVICES INFORMATIQUES

6. Les parties sont simultanément présentes dans le secteur des services informatiques. Les autorités de concurrence, tant française1 que communautaire2, ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur la délimitation des marchés pertinents de ce secteur, tout en laissant cependant la question ouverte.

7. Elles ont ainsi identifié, au sein du marché des services informatiques, sept catégories fonctionnelles de services : (i) les services de gestion globale, (ii) les services de gestion d’entreprise, (iii) le développement et l’intégration de logiciels, (iv) le conseil, (v) la maintenance de logiciels et de support logistique, (vi) la maintenance de matériels informatiques et de support logistique, et (vii) l’enseignement et la formation. Il n’a toutefois pas été exclu3 que ces sept catégories de services puissent être considérées comme appartenant à un marché global des services informatiques dans la mesure où les clients recherchent en général un service intégrant l’ensemble des activités décrites ci-dessus et qu’il existe un fort degré de substituabilité du côté de l’offre.

8. Au sein des services de gestion globale, le ministre chargé de l’économie4 a été amené à considérer que la location évolutive pourrait éventuellement constituer un segment distinct.

Néanmoins, il n’a pas tranché la question. En l’espèce, seul le groupe SCH est actif sur ce segment.

9. Différentes segmentations alternatives ou complémentaires ont aussi été envisagées5 selon :

- le type de clientèle : PME-PMI ou grands comptes ;

- les types de systèmes d’information et de communication : (i) les systèmes d’applications de gestion, qui incluent les services informatiques utilisés pour remplir une fonction horizontale au sein des entreprises ou des administrations ; (ii) les systèmes d’applications scientifiques techniques industrielles embarquées ; (iii) les systèmes d’applications génériques ; (iv) les systèmes d’infrastructures IT ; et (v) les systèmes d’infrastructures de communication et de réseaux d’entreprise.

- le secteur d’activité, à savoir : (i) les communications, (ii) l’enseignement, (iii) l’énergie et réseaux locaux, (iv) les services financiers, (v) le secteur public, (vi) la santé, (vii) l’industrie, (viii) le commerce et la distribution, (ix) les services, et (x) le transport.

10. Les parties sont actives sur les segments de la gestion globale, de la maintenance de matériels informatiques et de supports logistiques, du conseil ainsi que de l’enseignement et de la formation.

11. En distinguant par type de système d’information, leurs activités se chevauchent sur le seul segment des systèmes d’infrastructure IT.

12. Enfin, elles vendent leurs services tant aux PME-PMI qu’aux grandes entreprises, tous secteurs d’activité confondus.

 

2. LES PRODUITS INFORMATIQUES

13. Parallèlement à leur activité dans le secteur des services informatiques, les parties sont présentes dans le domaine de la distribution de produits informatiques. Plus précisément, les activités de SCH et LNA se chevauchent dans le domaine de la distribution au détail. SCH est également actif en tant que grossiste en produits informatiques. Enfin, les deux groupes s’approvisionnent en matériels auprès de constructeurs informatiques.

 

a) L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS INFORMATIQUES

14. En amont, les constructeurs vendent leurs produits soit directement aux distributeurs, soit, le plus souvent, à des grossistes, dont le rôle est de disposer d’une large gamme de produits informatiques et de fournir ceux-ci à leurs clients distributeurs dans des délais très courts. Il peut également arriver que le constructeur s’adresse directement aux clients finals. On parle dans ce cas de « ventes directes ».

15. Concernant l’approvisionnement de produits informatiques, l’Autorité a envisagé de distinguer autant de marchés que de familles de produits dans la mesure où les fabricants ne peuvent se convertir facilement dans la fabrication d’autres produits que les leurs et où la structure de l’offre, la dynamique tarifaire ou encore les contraintes de fabrication peuvent varier sensiblement d’une famille de produits à l’autre6.

16. En l’absence de toute difficulté dans l’analyse concurrentielle, la question de la délimitation précise de ce marché peut être laissée ouverte.

 

b) LA DISTRIBUTION DE PRODUITS INFORMATIQUES

17. La pratique décisionnelle européenne et nationale7 considère que la distribution en gros de produits informatiques aux distributeurs constitue un marché distinct de la distribution au détail compte tenu de caractéristiques propres. Les grossistes sont en effet en mesure de proposer une gamme de produits très large, en s’approvisionnant auprès de plusieurs constructeurs, et de livrer leurs clients dans des délais courts, grâce à des capacités logistiques importantes. Par ailleurs, il a été souligné que les ventes directes assurées par les constructeurs auprès des distributeurs exerçaient une certaine pression concurrentielle sur les ventes des grossistes, notamment en termes de prix8.

18. En outre, les autorités de concurrence ont envisagé de segmenter le marché de la distribution de produits informatiques en fonction du canal de distribution et en fonction du type de logiciel ou matériel, tant au stade de la vente en gros qu’au stade de la vente au détail9.

19. Trois canaux de distribution ont ainsi été identifiés : les grandes et moyennes surfaces généralistes et spécialisées (par exemple Carrefour, Auchan, Boulanger, Fnac, etc.) ; les revendeurs à valeur ajoutée (les « value-added resellers » ou VARS qui intègrent leurs propres logiciels au matériel acheté en gros en vue de leur revente) ; et les distributeurs spécialisés pour les clients professionnels (« corporate resellers »).

20. Il a ensuite été envisagé de segmenter le marché selon le type de matériel vendu, en distinguant notamment (i) les micro-ordinateurs et serveurs, (ii) les imprimantes et cartouches, (iii) les logiciels, et (iv) les accessoires et autres périphériques10. La Commission européenne a également envisagé à plusieurs reprises l’existence de marchés distincts concernant les serveurs, les accessoires de stockage, les périphériques et les logiciels11.

21. En l’espèce, l’opération engendre un chevauchement horizontal sur le marché de la vente au détail de matériels informatiques pour les clients professionnels, les parties à l’opération étant des distributeurs spécialisés fournissant à cette clientèle tous les types de produits évoqués ci-dessus.

22. SCH intervient également en tant que grossiste auprès des distributeurs spécialisés pour les professionnels. Ce marché est donc concerné au titre des effets verticaux de l’opération.

23. Au cas d’espèce, la question de la définition précise du marché de la distribution de produits informatiques peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

 

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

24. Les autorités de concurrence ont, à plusieurs reprises, considéré que les marchés des services informatiques et de la distribution de produits informatiques étaient de dimension nationale12, notamment en raison de la nécessité pour les prestataires de ces services comme pour les grossistes et détaillants en produits informatiques de communiquer régulièrement dans la langue de leurs clients et de maintenir une relative proximité avec ces derniers. Elles ont toutefois constaté une certaine internationalisation de l’offre et de la demande.

25. De même, les marchés de l’approvisionnement en produits informatiques auprès des constructeurs pourraient revêtir une dimension au moins nationale13.

26. Au cas d’espèce, l’analyse concurrentielle sera conduite au niveau national.

 

III. L’analyse concurrentielle

27. Concernant les services informatiques, la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à [0-5] %, quelle que soit la segmentation envisagée.

28. Concernant la distribution de produits informatiques, sur le marché global de la vente au détail de produits informatiques aux professionnels par des distributeurs spécialisés, la nouvelle entité disposera d’une part de marché évaluée à [5-10] % résultant d’une addition de parts de marché très limitée (+[0-5] %). En considérant une segmentation par type de matériel, les positions de la nouvelle entité ne dépasseront jamais [10-20] % ([10-20] % pour les logiciels et [10-20] % pour les accessoires et autres périphériques) résultant d’une faible addition de parts de marché (inférieure à [0-5] %).

29. Concernant l’approvisionnement en produits informatiques, compte tenu de l’atomicité du marché et des faibles positions des parties sur les marchés situés en aval, l’opération n’est pas susceptible de renforcer la puissance d’achat de la nouvelle entité et de placer les fournisseurs en situation de dépendance économique.

30. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ces différents marchés par le biais d’effets horizontaux.

31. Enfin, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux peut être écarté entre le marché de la vente en gros de produits informatique et celui de la vente au détail, SCH détenant une part de marché limitée à [10-20] % sur le marché de la vente en gros aux distributeurs spécialisés pour les professionnels. De même, ce risque peut être écarté entre les marchés de la vente au détail de produits informatiques et (i) les marchés de la maintenance de matériels informatiques et de logiciels ainsi que (ii) le marché de la vente de services de formation, compte tenu des parts de marché limitées détenues par la nouvelle entité sur l’ensemble de ces marchés.

32. Compte tenu des éléments qui précèdent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.

 

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0154 est autorisée.

 

NOTES :

1 Voir, par exemple, la décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-93 du 31 décembre 2009 relative à l’acquisition par la société Bull SA d’actifs de la société Crescendo Industries et la décision n°11-DCC-20 du 7 février 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Aptus par le groupe Ausy.

2 Décisions de la Commission européenne n°M.2365 du 4 avril 2001, Schlumberger / Sema ; n°2609 du 31 janvier 2002, HP / Compaq ; n°3555 du 9 septembre 2004, Hewlett – Packard / Synstar ; n°3571 du 18 novembre 2004, IBM / Maerskdate / DMData ; n°M.3995 du 1er décembre 2005, Belgacom / Telindus ; n°M.5197 du 25 juillet 2008, HP / EDS et n°M.5301 Cap Gemini / BAS du 13 octobre 2008.

3 Lettre du ministre de l’économie n°C2006-132 du 19 décembre 2006 au conseil de la société France Télécom, relative à une concentration dans le secteur de la réalisation de logiciels.

4 Lettre du ministre de l’économie du 13 décembre 2002 au conseil de la société Econocom, relative à une concentration dans le secteur du conseil en matériels informatiques (service de location et de financement).

5 Décision de l’Autorité de la concurrence n°09-DCC-93.

6 Voir la décision 10-DCC-127 du 23 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Comtrade par le groupe DCC.

7 Décisions de la Commission européenne n° IV/M.1179 Tech Data/Computer 2000 du 03/06/1998 ; n° COMP/M.5091 Tech Data/Scribona du 28/04/2008 ; lettre du ministre n° C2007-160 du 14 décembre 2007 au conseil de la société Gem Logistics Ltd ; décision de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-39 du 4 septembre 2009.

8 Voir notamment la décision n° M.5091 de la Commission européenne précitée.

9 Décisions de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-39 précitée et n°11-DCC-36 du 11 mars 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Top Info par le groupe Computacenter.

10 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence 09-DCC-39 du 4 septembre 2009 relative à l’acquisition par Systemax de Wstore Europe SA et 10-DCC-127 précitées.

11 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.5864 du 2 juillet 2010 Avnet / Bell Micro.

12 Décision de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-127 et 11-DCC-36 précitées.

13 Décision de l’Autorité de la concurrence n°10-DCC-127 précitée.